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C'est pas mon idée !

mercredi 27 mars 2024

Clearcover lance la déclaration de sinistre par IA

Clearcover
Quand la plupart des institutions financières se piquent d'intelligence artificielle, surtout générative par les temps qui courent, elles évitent soigneusement d'en exposer directement les applications à leurs clients dans des domaines stratégiques, par crainte d'erreurs. Point d'états d'âme de ce genre pour le néo-assureur Clearcover, qui n'hésite pas à l'introduire au cœur de ses processus de déclaration de sinistre.

Alors que l'évaluation des dommages, désormais fréquemment réalisée par des algorithmes de reconnaissance d'images, s'automatise et autorise des réponses toujours plus rapides (a minima dans les cas peu complexes), la première étape du parcours devient maintenant la plus consommatrice de temps et de ressources. Entre la notification initiale d'incident et l'acquisition de l'ensemble des informations requises pour compléter le dossier, les échanges nécessaires nuisent à la satisfaction du client.

C'est donc sur ces interactions que Clearcover déploie l'IA (générative) en priorité. Après une phase préliminaire au cours de laquelle elle cherchait d'abord à assister ses opérateurs dans leur analyse des documents transmis et la préparation de leurs communications, elle franchit aujourd'hui un pas supplémentaire avec la mise en place d'un module conversationnel qui prend en charge de manière autonome la collecte des données de déclaration, de bout en bout, auprès de l'assuré lui-même.

Clearcover Claims

La valeur de l'initiative ne tient pas seulement à la capacité de l'outil de déterminer les multiples éléments à solliciter avant toute prise de décision et de faire le tri dans ce que fournit effectivement son interlocuteur. Elle peut également résider, si l'implémentation est réellement aboutie, dans la possibilité d'ajuster la forme du dialogue (le ton adopté, le niveau de langage…) selon la personnalité de chaque individu et les réactions qu'il exprime, implicitement ou explicitement, au cours de la discussion.

Le client en retire de la sorte un double avantage. D'une part, le traitement automatisé accélère fortement la résolution de son affaire. De ce point de vue, Clearcover vise un délai moyen de 30 minutes entre le premier contact et le versement de l'indemnisation (quand le dispositif est applicable), le record étant à ce jour de 7 minutes. D'autre part, l'intervention de l'IA est elle-même, potentiellement, un facteur de réduction des allers-retours entre le demandeur et son assureur, pour une perception de fluidité accrue.

Naturellement, ces bénéfices dépendront de la qualité de la technologie mise en œuvre, apparemment propriétaire à Clearcover. Ce qui laisse entrevoir à moyen terme une opportunité majeure de différenciation concurrentielle sur le plan de l'expérience client au travers des modèles d'intelligence artificielle intégrés dans la chaîne de traitement des sinistres, depuis la prise en charge initiale jusqu'à leur conclusion.

mardi 26 mars 2024

ChitChat, un WeChat pour l'Afrique

ChitChat
Portant l'ambition de dépasser les quelques initiatives locales au succès retentissant – dont m-Pesa est certainement la plus représentative – et de défendre la souveraineté panafricaine, la FinTech Union54 déploie en Zambie ChitChat, qui fait penser au chinois WeChat, et promet son extension rapide au reste du continent.

Quand tant de candidats à l'émulation ont essayé de commencer par l'un pour ensuite ajouter l'autre, la version beta de ChitChat inclut d'emblée les fonctions de communication, par tchat (comme son nom l'indique) ou par appel vocal, et de paiements entre proches. Cette dernière permet, sans surprise, d'envoyer de l'argent à un correspondant par le seul intermédiaire de son numéro de téléphone.

Selon toute vraisemblance, le dispositif s'appuie sur un compte prépayé pour son volet financier. Il possède cependant la particularité d'être libellé en dollars américains. Cette sévère concession aux velléités de souveraineté est malheureusement indispensable afin d'envisager une portée transnationale. Les conversions en kwachas zambiens devraient toutefois être réalisées à des conditions avantageuses, sinon sans frais.

En dehors des échanges instantanés entre utilisateurs enregistrés, les possibilités d'utilisation de ChitChat ne sont pas très claires, notamment en ce qui concerne la sortie des fonds, sous quelque forme que ce soit (virement bancaire, espèces…). En revanche, dans ce registre précis comme de manière générale, les projets esquissés pour l'avenir sont nombreux… et suivent un schéma finalement classique.

Accueil ChitChat

D'abord, une carte Mastercard, virtuelle ou matérielle, pourra être attachée au compte, autorisant de la sorte les règlements dans les commerces physiques et en ligne. Elle s'accompagnerait d'un module de gestion de finances personnelles pour ceux qui en ferait leur instrument principal, prenant en charge analyse des dépenses, création de sous-comptes pour un pilotage fin, épargne automatique, paiement de factures…

Mais, à l'image des références chinoises, il est également question d'introduire la faculté pour les marchands et autres fournisseurs de services d'installer leur boutique au cœur de l'outil de messagerie, qui deviendrait de la sorte une « super app » telle qu'en rêvent tant d'acteurs. Là encore, l'originalité de la démarche est, à terme, de proposer automatiquement aux participants l'accès au marché africain global.

Enfin, Union54 (pour les 54 états africains, j'imagine) veut miser aussi sur les tendances et les besoins émergents susceptibles de capitaliser sur sa technologie. Elle a ainsi prévu de distribuer la solution sous forme d'API, offrant l'opportunité à n'importe quelle entreprise de développer sa propre déclinaison, sous sa marque, pour ses usage(r)s spécifiques. Une instance dédiée aux gouvernements et à leurs employés, avec toutes les règles de sécurité et de confidentialité requises, est déjà dans les cartons.

Si je suis généralement sceptique quant aux chances de succès des tentatives de « super app » en Europe ou en Amérique du Nord, l'expérimentation que constitue ChitChat se place dans un contexte radicalement différent, encore vierge, à ma connaissance, d'initiatives d'ampleur dans ce domaine. Incidemment, il restera à voir si les citoyens seront sensibles à la fibre africaniste brandie par ses fondateurs.

lundi 25 mars 2024

BNY Mellon s'offre un supercalculateur IA

BNY Mellon
La course aux armements (informatiques) est lancée ! Derrière l'annonce de la première acquisition par une institution financière d'un supercalculateur Nvidia dédié à l'intelligence artificielle, BNY Mellon signale du haut de ses 240 ans d'histoire sa ferme intention de se placer en pointe du domaine, en particulier au profit de ses clients.

Au regard de ses antécédents, aussi bien en matière de culture d'innovation que dans l'exploitation des gisements de données que représente son activité phare de conservation de titres (dont elle est le numéro un mondial) à une époque où on parlait encore de « big data », l'initiative ne peut guère surprendre. Ses velléités d'extraire de la valeur de l'information, jusqu'à en dériver, si possible, de nouvelles lignes d'activité, ne peuvent être que stimulées par les récents progrès des technologies d'analyse.

Dans le prolongement de son « hub IA », qui opère d'ores et déjà une vingtaine de solutions en production, dans des domaines variés tels que l'automatisation, les prédictions ou la détection d'anomalies, BNY Mellon considère l'ajout d'un puissant socle d'infrastructure spécialisé comme un facteur essentiel dans son exploration des innombrables opportunités qui s'ouvrent avec les dernières générations d'outils.

Les premiers cas d'usage concrets mis en œuvre touchent par exemple à l'anticipation des dépôts (critique pour une gestion de trésorerie optimisée), le pilotage automatisé des paiements, les prévisions d'échanges et des soldes de comptes à la clôture des marchés. Des douzaines d'autres sont en cours de développement, sachant qu'un exercice de co-création avait produit plus de 600 idées d'applications l'an dernier.

BNY Mellon – Supercalculateur IA

BNY Mellon n'ignore évidemment pas les dangers sous-jacents et souligne ses efforts importants dans leur maîtrise, à travers, notamment une gouvernance rigoureuse. Mais, dans une intéressante mise en perspective, comme une sorte de rééquilibrage par rapport aux discours de prudence (voire de défiance) désormais habituels dans le secteur, elle n'oublie pas d'insister, en contrepoint, sur la capacité de l'intelligence artificielle à renforcer ses moyens dans sa stratégie de réduction des risques.

Malgré l'apparente logique de la démarche, je ne peux retenir quelques réserves sur le choix d'acquérir en propre un supercalculateur pour l'accompagner. Alors que l'infonuagique s'impose chaque jour un peu plus en raison de son extraordinaire flexibilité, ne s'agit-il pas d'une option potentiellement sclérosante dans un environnement en évolution permanente, autant du point de vue logiciel que matériel ?

D'autre part, l'approche retenue afin d'évaluer et sélectionner les utilisations possibles est entachée d'un défaut classique : en prenant la question par l'angle de la technologie (où pourrais-je donc décliner l'IA ?), les résultats sont nécessairement biaisés et débouchent sur des scénarios sans réel bénéfice distinctif… mais impliquant des coûts et complexités accrus, ainsi qu'un impact environnemental désastreux. Pour mémoire, la blockchain a connu le même phénomène il y a quelques années. Contactez-moi pour découvrir la méthode que je préconise afin d'éviter de syndrome.

dimanche 24 mars 2024

Bank of America unifie ses apps mobiles

Bank of America
La remise d'un prix de l'innovation centrée sur le client par Celent fournit l'occasion à Bank of America de vanter la récente unification de l'ensemble de ses métiers et de leurs applications mobiles au sein d'un logiciel unique à l'intention des particuliers. Bien que prometteuse, la démarche adoptée me paraît toutefois encore loin d'être aboutie.

A priori, l'intégration de la banque du quotidien, de la gestion de patrimoine, de l'investissement, de la banque privée et des avantages salariés dans un seul et même titre n'a guère de quoi impressionner, surtout en France où les grandes enseignes ont depuis longtemps procédé à une telle concentration, plus ou moins exhaustive. Mais l'implémentation qu'en propose Bank of America comporte quelques caractéristiques distinctives qui la rendent probablement plus pertinente pour sa cible.

D'emblée, la remise en cohérence des interfaces qui garantissent une expérience homogène au travers de toutes les fonctions disponibles mérite d'être soulignée car, bien que relevant d'une discipline élémentaire, elle n'est pas toujours au rendez-vous. Plus important, le risque de confusion qu'introduit la profusion d'options rassemblées dans l'espace commun est modulé par l'omniprésence de l'assistant virtuel Erica, capable de guider facilement et rapidement l'utilisateur dans ses demandes et recherches.

Autre facteur de satisfaction important, le planificateur financier « Life Plan » est également inclus et profite (peut-on du moins espérer) de sa nouvelle proximité avec tous les outils bancaires afin de remplir toujours plus efficacement sa mission d'accompagnement à 360° dans la réalisation des grands projets de vie, depuis l'apprentissage du pilotage de budget jusqu'à la préparation de la retraite en passant par l'acquisition prochaine d'une résidence, l'organisation de vacances de rêve…

Bank of America Mobile App

L'application n'est hélas pas exempte de nombreux défauts… jusqu'à me faire douter sérieusement de la sincérité de l'intérêt de la banque américaine pour les préoccupations de ses clients. Le premier d'entre eux est évidemment le fouillis que constitue malgré tout la consolidation d'une multitude de services. En dehors du chatbot, il semble que peu d'efforts aient été consacrés à rendre plus accessibles et intelligibles la présentation et la gestion des différents domaines pris en charge.

Dans un registre quasiment critique, il faut ensuite regretter que Bank of America ne prenne en compte que son propre univers. Dans une époque où, même aux États-Unis, la finance ouverte s'impose, les consommateurs qui, par exemple, ont souscrit des cartes de crédit auprès de concurrents ne pourront les agréger dans une vue globale de leurs comptes. Difficile dans ses conditions d'espérer que le planificateur financier puisse émettre des recommandations totalement fiables et opportunes.

En synthèse, l'initiative est prise, comme souvent, en tenaille entre deux exigences contradictoires, à savoir le recentrage sur les attentes des clients et les objectifs commerciaux. Sans surprise, la seconde tend à primer, avec une position systématiquement privilégiée pour les produits et le soupçon, finalement, d'une fusion des applications orchestrée essentiellement dans le but d'exposer les mobinautes à un catalogue de produits plus riche et de les encourager à compléter leur équipement.

samedi 23 mars 2024

CaixaBank crée un portail pour les agriculteurs

CaixaBank
Tandis que l'agriculture européenne connaît une crise globale, l'espagnole CaixaBank dédie à ce secteur une plate-forme de services extra-financiers, dans la lignée de celles qu'on trouve habituellement pour l'achat immobilier ou la mobilité. La banque est-elle en passe de se transformer en un assemblage d'expériences catégorielles ?

À l'image de la solution Agronomist déployée depuis 5 ans en Pologne par la filiale locale de BNP Paribas, le « Hub AgroBank » se présente comme un espace en ligne où les professionnels du monde agroalimentaire, clients ou non de l'établissement, parfois peu familiers des nouvelles technologies et des opportunités qu'elles leur ouvrent, peuvent découvrir une gamme étendue d'outils « digitaux » destinés à les accompagner dans leur activité quotidienne et leur développement.

Le site, qui semble encore assez embryonnaire, se répartit en quatre univers distincts : l'information, un catalogue agronomique, une place de marché financière et une « communauté » (qui ne correspond pas à ce qu'on peut imaginer sous ce nom). Derrière ces étiquettes génériques, le point commun de l'ensemble, qui permet d'en faire un dispositif original et probablement sans équivalent dans son domaine, est une approche véritablement centrée sur le numérique au service des métiers.

La partie réservée aux financements, certainement la plus représentative de ce point de vue, propose ainsi essentiellement, outre le crédit à l'équipement, des offres conçues dans le but d'accroître la visibilité d'une exploitation sur le web, y compris dans une démarche e-commerce. Dans la même veine, les actualités et les publications partagées (dont une revue trimestrielle), tout comme le calendrier d'événements et un canal de télévision, mettent un fort accent sur l'innovation technologique (qui se retrouve également dans la section communautaire, sous un angle de partenariats).

AgroBank Hub

Côté pratique et opérationnel, un simulateur assiste les visiteurs dans leur recherche des aides publiques, notamment européennes, auxquelles ils peuvent prétendre, et chacun sait à quel point ce sujet est critique. Pour la planification, un kit complet leur promet d'analyser leurs choix de production et de leur émettre des recommandations à partir des données climatiques. Enfin, l'inévitable calculateur d'empreinte environnementale ne se contente pas d'évaluations symboliques mais est associé à un véritable module de conseil pour une réorientation responsable.

La démarche de CaixaBank constitue une illustration supplémentaire de la tendance aux incursions des banques hors de leur pré carré (« Beyond Banking »). Le positionnement retenu ici est probablement opportun, entre une cible de clients dont les préoccupations financières figurent souvent au cœur de leur existence et une niche « digitale » inoccupée. En revanche, l'implémentation, qui relève comme son nom de « hub » le signale, d'un référentiel redirigeant vers des offres externes, sans intégration (un écueil qu'évite, au moins en partie, Agronomist), en limite hélas la valeur.

vendredi 22 mars 2024

Rosaly, toujours plus pour le bien-être financier

Rosaly
Rosaly a démarré son existence avec une facilité d'avance sur salaire mais a toujours intégré dans ses ambitions l'amélioration globale du bien-être financier des employés (puisqu'elle s'adresse aux entreprises). Au fil du temps, elle ajoute donc des services complémentaires, généralement éloignés de son point de départ.

Une première addition, particulièrement bienvenue en période de crise du pouvoir d'achat, fut d'abord le simulateur d'aides sociales, fréquemment méconnues (l'équivalent de 10 milliards d'euros ne seraient pas réclamés chaque année par les français). En quelques minutes et un questionnaire simplifié, l'utilisateur identifie les appoints de revenus auxquels il est éligible, parmi un millier de dispositifs recensés, et obtient une assistance sur les formalités à remplir afin d'en bénéficier. À défaut d'augmention des rémunérations, voilà une compensation minimale.

Autre nouveauté, toute récente, Rosaly offre désormais une option illimitée de consultation d'expert. Une situation compliquée, un projet à préparer ou à financer, un incident de parcours… Dans ces moments où le salarié ne sait à qui poser ses questions ou exposer ses difficultés, un professionnel certifié (« conseiller en économie sociale et familiale ») se tient prêt à répondre, par tchat ou par téléphone, dans le respect absolu de la confidentialité (notamment vis-à-vis de l'employeur qui finance la prestation).

Rosaly – Mes Experts

Parfaitement séduisante en l'état, la fonction « Mes Experts » m'inspire toutefois immédiatement une idée afin de la rendre encore plus utile et profitable pour la majorité de personnes qui ne prend pas conscience à temps de son besoin d'accompagnement (surtout, mais pas uniquement, dans les cas de dérive vers la précarité). En effet, sachant que les inscrits sont encouragés à connecter leur compte bancaire (par exemple pour le bouclier anti-découvert), une analyse des transactions pourrait repérer les occasions d'intervention et suggérer alors son recours.

Je ne m'attarderai pas sur un autre axe de réflexion, qui viserait à proposer le même genre de service en version 100% « digitale », ne serait-ce que pour les nombreux individus réticents à parler d'argent et de leurs problèmes avec un interlocuteur humain. Peut-être ces évolutions viendront-elles un jour enrichir la panoplie de Rosaly. En tous cas, elles s'inscriraient idéalement – probablement comme des dizaines d'autres – dans sa mission de restaurer la sérénité des travailleurs, qui a déjà conquis plus de 300 organisations et 100 000 usagers en à peine quatre ans d'activité.

jeudi 21 mars 2024

La SEC sanctionne l'IA-washing

SEC
Si on en croit la communication des enseignes, l'intelligence artificielle se serait désormais infiltrée partout (jusque dans les brosses à dent, si, si !). La réalité est souvent différente et, dans le domaine de la bourse, le régulateur ne plaisante pas avec les fausses allégations : la SEC américaine vient ainsi d'officialiser et de sanctionner l'« IA-washing ».

Ce sont deux sociétés de conseil en investissement qui font les frais, à hauteur de 400 000 dollars au total, de leurs excès d'emballement pour les concepts à la mode : la canadienne Delphia, qui affirmait depuis 4 ans dans ses documents réglementaires et marketing recourir à l'apprentissage automatique et à l'IA afin de repérer les meilleures opportunités sur les marchés, et Global Advisor, qui se présentait comme la première à mettre l'intelligence artificielle au service de ses analyses et prévisions.

Dans les deux cas, il s'avère que les déclarations reposaient sur du vent, non pas en raison de promesses irréalistes et impossibles à tenir mais, plus prosaïquement, par l'absence même des technologies évoquées au sein des outils mis en œuvre ! Ces faits tombent directement et sans ambiguïté sous le coup des lois sur la publicité mensongère (bien que, comme toujours, un accord amiable ait été trouvé dans lequel les entreprises incriminées n'admettent ni ne réfutent leur culpabilité tout en payant une amende).

SEC Enforcement Action

De la même manière que le « greenwashing » a surfé (et surfe encore à ce jour) sur les préoccupations environnementales des populations, le mirage des miracles qu'autoriserait l'IA sert maintenant à séduire les naïfs, dans tous les domaines, l'investissement n'étant probablement pas le plus affecté. Cependant cette nouvelle déclinaison d'une tentation historique se complique d'un facteur spécifique : l'ajout d'intelligence artificielle dans tel ou tel produit ou service est-il un réel bienfait ?

Dans ce registre, les messages de la SEC sont révélateurs, puisque, outre les appels à la prudence quant aux proclamations exagérées des acteurs financiers, ils soulignent simultanément les dangers propres à la technologie, tels que son immaturité ou sa propension aux erreurs et autres hallucinations. Non seulement il ne faut donc pas croire tout ce que prétendent les organisations mais, quand bien même elles ne mentiraient pas, il faut encore se méfier de leurs pratiques et de leurs solutions !

Nous sommes entrés depuis quelques années dans une ère de technophilie généralisée et relativement irrationnelle qui, pour la majorité, ne s'appuie sur aucune connaissance solide. Résultat, les dérives sont permanentes, de plus en plus extrêmes et difficiles à contrôler (et, dans les faits, quasiment impossibles à stopper). Elle s'exprime aujourd'hui autour de l'IA comme hier avec les cryptomonnaies… et qui sait quelle sera la prochaine vague. Seule constante, à chaque fois les consommateurs sont perdants.

mercredi 20 mars 2024

ScotiaBank s'essaie à la psychologie de l'argent

ScotiaBank
En dépit de son caractère déterminant pour comprendre et conseiller les clients dans leurs choix financiers, l'économie comportementale reste une discipline théorique, rarement appliquée dans les banques. Mais quand ScotiaBank commence à aborder la psychologie de l'argent, elle fait peut-être les premiers pas vers son intégration.

Bien sûr, l'initiative s'avère encore timide puisqu'elle consiste seulement en un test en quinze questions (un peu trop centrées sur l'argent à mon goût pour garantir l'objectivité) qui promet aux visiteurs d'identifier leur style financier prépondérant parmi les six grandes catégories retenues que sont l'appartenance (au groupe), la certitude (pour l'avenir), la connexion (avec les proches), la contribution (à l'amélioration de sa situation), l'indépendance (et l'autonomie) et le potentiel (ou pouvoir tout faire).

Les résultats fournissent à la fois une description synthétique du profil, assortie d'une perspective sur le ressenti, les motivations et les comportements par rapport à l'argent qui lui sont associés, ainsi que quelques recommandations génériques entre exploitation des qualités principales et précautions à prendre pour assurer sa sérénité. Enfin, l'ensemble est complété par une suggestion pratique correspondant à une solution distribuée par la banque, telle qu'un compte épargne ou un programme de fidélité.

ScotiaBank est encore très loin d'embrasser l'extraordinaire opportunité que recèle la prise en considération des perceptions intimes de chaque individu dans l'instauration d'une relation personnalisée, mais cette approche préliminaire démontre a minima sa capacité à en discerner l'importance et sa volonté d'en appréhender les contours, sachant que, naturellement, la capitalisation sur ce niveau de connaissance des clients exige une réinvention presque totale des méthodes de distribution en vigueur.

ScotiaConseils

Basculant dans une vision inconditionnellement centrée sur le client, il faudrait ainsi imaginer un modèle dans lequel les interactions, quel que soit le canal employé (« digital » ou humain), sont guidées par sa situation connue et ses besoins, exprimés ou implicites, puis articulées à travers le prisme de son style spécifique… sachant que ce dernier s'étend en outre sur une palette infinie de nuances, au-delà des six niveaux schématiques primaires, qui mériterait aussi d'être assimilée, idéalement.

Historiquement, les (bons) conseillers possédaient les compétences, souvent intuitives, relevant notamment de l'empathie, qui leur permettaient d'adapter leur accompagnement aux traits psychologiques de leur client. Hélas, même quand cette faculté, désormais rare, subsiste chez quelques individus exceptionnels, elle n'est plus guère applicable dans le contexte d'une relation majoritairement à distance. Il serait bien temps de la réinventer pour la banque du XXIème siècle car c'est cela aussi la « digitalisation ».

mardi 19 mars 2024

AXA ubérise l'agent d'assurance

AXA
L'information n'est certes pas toute fraîche mais je découvre aujourd'hui, grâce à sa sélection  comme innovation du mois par Qorus, OpenInsur, lancé à partir de 2022 par AXA. Il ne s'agit pas, comme son nom le sous-entend, d'assurance ouverte à proprement parler, mais d'une nouvelle approche du réseau « physique » de distribution.

À travers un déploiement progressif au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Cameroun, au Gabon, l'initiative, qui porte, à ce stade, uniquement sur les contrats automobiles, vise le continent africain, où, la souscription d'une couverture en ligne n'est vraisemblablement pas encore entrée dans les mœurs et où l'interaction avec un intermédiaire humain reste donc primordiale… mais s'avère difficile à globaliser en raison d'une densité limitée des points de présence sur le territoire.

Plutôt que de chercher à développer ses implantations traditionnelles, lourdes et coûteuses à installer et à entretenir, AXA a préféré s'inspirer de la méthode qu'a employée en son temps Uber afin de chambouler l'activité historique des taxis, à savoir la mise au point d'une application mobile et le recrutement de mandataires indépendants. Toute personne intéressée par une source de revenus d'appoint (à base de commissions) est invitée à déposer sa candidature et, si cette dernière est acceptée, devra suivre une formation avant de commencer à vendre des produits.

AXA OpenInsur

L'objectif est d'amener l'assurance au plus près des clients (autant géographiquement que culturellement) sans investissement important, notamment immobilier. Les recrues exercent librement, en itinérance, sans locaux dédiés, puisque tout ce dont elles ont besoin est rassemblé sur leur téléphone : parcours de souscription, demande de renouvellement (via une photo de la carte grise du véhicule), délivrance d'attestation… Mais leur rattachement à un agent officiel évite les conflits concurrentiels.

Selon cette perspective, OpenInsur rappelle, plus encore qu'Uber, les principes du porte-monnaie mobile M-Pesa, qui remplit une fonction similaire dans le domaine bancaire. L'immense succès de ce dispositif peut donner espoir pour sa déclinaison dans l'assurance, bien que, à 15 ans d'écart, on puisse s'interroger sur la réelle nécessité de miser sur une relation face à face pour ces services (je ne suis d'ailleurs pas certain que le réseau d'opérateurs du système kenyan soit toujours aussi crucial).

Quoi qu'il en soit, la compagnie a des ambitions en vue de prolonger son concept. Outre la prise en charge d'actes supplémentaires, dont la déclaration de sinistre, elle envisage de l'adapter à d'autres segments, tels que la santé ou les garanties des PME, dans une démarche qui, au-delà de sa valeur commerciale, représente potentiellement un enjeu d'inclusion et de bien-être des populations, en particulier rurales.

lundi 18 mars 2024

Paiement biométrique : J.P. Morgan accélère

J.P. Morgan
Après des années d'expérimentations sans grande envergure et souvent sans lendemain, l'irruption de la plus importante banque du monde, J.P. Morgan Chase, pourrait faire décoller le paiement biométrique… si, du moins, elle parvient à surmonter quelques réticences persistantes, notamment du côté des consommateurs.

Lancé il y a juste un an, le premier pilote mené avec une poignée d'entreprises – couvrant les deux technologies principales, de reconnaissance faciale et de la paume de la main – s'avère apparemment concluant puisque le responsable de l'activité pour la banque révèle qu'il sera étendu au cours des prochains mois. La généralisation est d'ores et déjà envisagée, pour le début de 2025, soutenue par l'ambition de conquérir à terme tous les clients concernés, soit un marché colossal représentant un volume annuel de plus de 35 milliards de transactions et 2 000 milliards de dollars.

Bien que les deux méthodes soient traitées simultanément, l'objectif ultime étant de fournir aux marchands un système d'encaissement universel supportant simultanément les règlements par carte, avec ou sans contact, par porte-monnaie mobile ou par biométrie, la reconnaissance faciale semble plus prometteuse car elle ne requiert qu'un équipement standard (une caméra), présent dans tous les scénarios considérés, y compris en ligne, contrairement à un capteur du réseau veineux.

Le partenaire retenu pour ce volet de l'expérimentation est le fournisseur spécialisé PopID, dont l'approche ne réserve pas de surprise. L'utilisateur commence par créer un compte, auquel sont associés un identifiant chiffré calculé à partir d'un « selfie » et les références d'une carte de paiement, toutes informations conservées par la banque afin d'en garantir la sécurité. Lors de son passage en caisse (réelle ou virtuelle), il choisira l'option biométrique et validera son opération d'un sourire à la caméra.

PopID POS

Grâce à sa position de premier établissement acquéreur aux États-Unis, J.P. Morgan Chase possède les moyens d'installer le paiement biométrique parmi les gestes banals de la vie quotidienne… pour peu qu'il consente les efforts nécessaires au niveau de sa stratégie de distribution – par exemple en termes de tarification (sujet toujours éminemment sensible) – pour que les commerçants l'adoptent sans hésitation. Encore faudra-t-il également que les consommateurs se laissent convaincre.

En effet, les usages courants de la technologie, notamment sur nos smartphones où elle est déjà exploitée, entre autres, pour les paiements, ne semblent pas suffire à faire franchir sans craintes l'étape supplémentaire demandée par la banque. Je pense que le mode de fonctionnement passif proposé génère automatiquement une inquiétude : nous préférons tous nous assurer que nous sommes à l'origine de nos transferts d'argent en les déclenchant par une action délibérée, aussi triviale soit-elle.

La durée des expérimentations, caractéristique des habitudes de l'industrie, laisse au moins le temps d'évaluer ces possibles limitations et d'en rechercher des solutions ou, à tout le moins, des palliatifs. En tous cas, jamais l'hypothèse d'une transition vers le paiement biométrique n'a paru si proche de se réaliser. En revanche, il reste à s'étonner que J.P. Morgan appuie sa solution sur les réseaux de carte au lieu de profiter de l'opportunité pour basculer vers les transferts bancaires instantanés.