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jeudi 12 novembre 2015

Demain, quelle protection des travailleurs ?

Lyft
Si les stars de l'économie du partage bousculent les acteurs traditionnels, elles se distinguent aussi par leur capacité à transformer en profondeur nos modes de travail. À terme, certains analystes nous promettent même que l'auto-entrepreneuriat prédominera sur le salariat. Il faudra cependant d'abord ré-inventer les systèmes de protection.

Selon certaines estimations, plus de 50 millions d'américains pourraient être aujourd'hui considérés comme des travailleurs indépendants (et le reste du monde suit la tendance très rapidement). Un tel niveau n'est pas si surprenant quand on mesure l'extraordinaire développement d'entreprises telles qu'Uber, dont les fondations reposent sur des chauffeurs non salariés, qui peuvent choisir librement de conduire pour la startup quelques heures par semaine ou en faire une activité à temps plein.

Or, depuis quelques mois, plusieurs affaires ont fait ressortir – ici et – les premières tensions sur ces approches émergentes. Ainsi, des voix s'élèvent, entre autres, pour demander une re-qualification des contrats de sous-traitance en vigueur aujourd'hui en véritables emplois salariés. Un des principaux arguments de ces « empêcheurs de tourner en rond » est que les sociétés en cause profitent de leurs méthodes pour limiter leurs coûts, notamment en matière de protection sociale des travailleurs.

Alors, un groupement multi-partites – comprenant représentants des pouvoirs publics, chercheurs, associations et entreprises de la nouvelle économie (dont l'une des plus emblématiques est Lyft, une concurrente d'Uber) – s'est constitué pour tenter de répondre aux interrogations (légitimes) que posent les modèles d'emploi non conventionnels. Sa première manifestation d'existence est la publication d'une déclaration commune, qui a le mérite de poser les bases des problèmes à résoudre.

Conducteur Lyft

Le principe fondamental sur lequel s'appuie le texte est de considérer que la flexibilité permise par les nouvelles organisations du travail est bénéfique pour les individus, à condition qu'elle ne se conquière pas au détriment d'une certaine sécurité financière. Celle-ci est matérialisée par un ensemble d'avantages sociaux – assurance santé, protection contre le chômage, congés payés… – qui ne devraient pas être remis en question, car ils restent indispensables lorsque survient un imprévu dans la vie.

Pour les signataires, la réponse à ce défi passera par la création d'un système de protection adapté, universel, indépendant, transverse et, surtout, portable. Ce dernier critère est en effet essentiel pour un monde dans lequel chaque personne pourra passer d'un micro-contrat à un autre, au gré de ses besoins et des opportunités. Une fois cette idée posée, il reste de nombreuses difficultés à résoudre : qui finance, selon quelles modalités, quelle organisation pour administrer, quel cadre réglementaire… ?

Étonnamment (ou pas ?), aucune compagnie d'assurance ou de prévoyance (ou leurs équivalentes américaines) n'est associée à l'initiative. Ces entreprises sont pourtant concernées au premier chef, puisque c'est peut-être également l'avenir (d'au moins une partie) de leurs métiers qui se joue ici. Et elles devraient prendre garde à l'évolution qui se dessine car, si elles n'agissent pas rapidement, elles se feront immanquablement doubler par des acteurs plus agiles, maîtrisant parfaitement les enjeux à adresser.

Par ailleurs, au-delà de l'assurance, d'autres secteurs auraient tout autant intérêt à se préoccuper de la transformation du monde du travail. Pour ne prendre qu'un exemple, si les banques s'en tiennent à leurs vieilles méthodes de scoring, comment pourront-elles vendre leurs crédits aux millions de non salariés qui souhaiteront acquérir un logement ? Là encore, il ne faut pas s'y tromper, de nouveaux entrants seront prêts à répondre à leurs besoins et à s'emparer des marchés qui leurs seront laissés grand ouverts…

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