Free cookie consent management tool by TermsFeed
C'est pas mon idée !

lundi 29 février 2016

La plate-forme de Number26 prend forme

Number26
Ses fondateurs l'avaient promis dès le lancement de Number26 : leur vision est celle d'une plate-forme de services financiers, permettant l'assemblage d'une offre étendue grâce à des partenariats. La première phase de cette stratégie est devenue réalité il y a quelques jours avec l'intégration [PDF] des transferts internationaux de TransferWise.

La nouvelle option est disponible immédiatement pour tous les clients – autrichiens, allemands, français, grecs, irlandais et slovaques – de la néo-banque européenne. Dans leur application mobile, ils peuvent désormais envoyer de l'argent à la personne de leur choix dans l'une des 8 devises proposées initialement (livre sterling, dollar américain et australien, couronne suédoise, roupie indienne, forint hongrois, franc suisse et zloty polonais), en bénéficiant des avantages de coût et de rapidité de TransferWise.

Pour cette dernière, il s'agit de la deuxième opération du genre depuis l'annonce, à la fin de l'an passé, de son ouverture à des collaborations avec les banques. Sans surprise, ce sont de petits acteurs agiles et disruptifs qui profitent de l'opportunité qui leur est ainsi offerte. Ils y trouvent un moyen (relativement) simple d'enrichir leur catalogue, avec une solution dont les caractéristiques inédites sont autant de facteurs de séduction et de fidélisation de leur clientèle, renforçant leur différenciation concurrentielle.

Naturellement, la plate-forme que dessine Number26 a vocation à démultiplier cette approche et assembler une riche palette de produits et services autour de son compte courant. En perspective, la cible peut être de constituer une offre universelle au sein de laquelle le consommateur sélectionne (avec l'aide d'agents intelligents ?) les options qui correspondent le mieux à ses besoins. Ou bien la startup configurera quelques combinaisons pré-définies, lui permettant de capter des marchés de niche.

TransferWise dans l'app Number26

Dans les deux cas, la menace plane sur les grandes banques aux processus et infrastructures rigides et fermés, dont les offres n'ont jamais été conçues (d'origine) pour être personnalisées, donc incapables d'ajuster leur proposition de valeur à des clients tous différents. Leur attitude actuelle – entre mépris pour des initiatives qui paraissent anecdotiques et conviction de pouvoir capter l'innovation de la FinTech par des collaborations ou des acquisitions – va devoir évoluer devant une autre réalité.

En effet, d'une part, si chaque nouvelle entrante prise individuellement semble plus ou moins inoffensive, il faudra certainement réviser ce jugement quand elles commenceront à développer des coopérations à grande échelle. D'autre part, il sera extrêmement difficile (voire impossible) pour les « vieilles » institutions d'intégrer les services innovants qu'elles convoitent si elles n'ont pas au préalable entièrement rénové leurs systèmes et leur culture d'entreprise, afin de rendre possibles les greffes envisagées.

dimanche 28 février 2016

Chez nous, ce n'est pas pareil !

Chez nous…
Parlez d'innovation à n'importe qui et, neuf fois sur dix, à un moment de la conversation, votre interlocuteur finira par lâcher « oui, mais chez nous, ce n'est pas pareil ! », sous-entendant que ce que vous évoquez ne le concerne pas et que les expériences acquises ici ne sont d'aucune utilité là… Comment progresser dans ces conditions ?

Réaliser le test est toujours édifiant, en particulier dans le secteur financier, et parfois même avec des responsables d'innovation. Vous présentez une idée brillante mise en œuvre à l'autre bout du monde : excellent, mais les français n'ont rien de commun avec les australiens… Une petite banque lance un produit révolutionnaire : impossible à imaginer dans un groupe de notre taille… Un marchand en ligne transforme le parcours utilisateur sur mobile : dans notre métier, on ne peut pas perturber les habitudes…

Je pourrais multiplier les exemples à l'infini… mais essayons plutôt d'avancer vers une solution. Tout d'abord, il faut comprendre que ces réactions sont, en réalité, révélatrices d'un profond désir de ne rien changer au statu quo. Ce ne sont – tout comme, souvent, l'invocation des contraintes réglementaires ou l'autre incantation magique « il en sera toujours ainsi » (que j'aime beaucoup quand il est question des réseaux d'agences) – que des excuses prêtes à l'emploi, destinées à éviter de se plonger dans l'inconnu.

Malheureusement, la lucidité oblige à admettre que ce n'est pas en écartant l'idée du danger d'une phrase péremptoire qu'il va s'évanouir, comme par enchantement. Les cas de disruptions abondent, de la (presque) disparition des librairies dans les rues de nos villes à la guerre entre taxis et VTC, en passant par la chute de Kodak (« mais, Patrice, cela n'a rien à voir avec le monde bancaire ! ») et il n'est pas besoin de chercher bien loin pour voir les menaces s'accumuler sur les institutions financières.

Alors, la lutte contre l'expression délétère devient un enjeu de survie. Explorer les innombrables initiatives susceptibles de stimuler l'inspiration est indispensable et doit être partagé avec le plus grand nombre. Le premier objectif à atteindre est d'instiller au cœur de l'entreprise la conscience de son instabilité face aux mutations en cours. La fin du règne universel des grands établissements sur la banque du quotidien n'est pas plus absurde aujourd'hui que ne le paraissait la mort de Kodak il y a 20 ans.

La deuxième ambition (que j'essaie d'encourager avec ce blog) consiste à comprendre que les innovations, d'où qu'elles viennent, représentent autant d'opportunités pour qui sait les détecter et les analyser. Chaque expérimentation réalisée, chaque projet lancé, chaque nouveau produit ou service commercialisé…, qu'il se transforme en échec ou en succès, comporte des enseignements dont il est extraordinairement facile de s'emparer et sur lesquels il faut capitaliser pour se perfectionner à moindre frais.

Mais comment faire, si « chez nous, ce n'est pas pareil » ? Commençons par admettre que cette affirmation est vraie ! Une fois le fait reconnu, les constats sont-ils différents ? Dans une certaine mesure, oui : par exemple, la réglementation tend à ralentir l'innovation dans le secteur financier. Tant mieux ! Cela laisse le temps aux acteurs historiques de préparer l'avenir… La disruption est-elle vraiment impossible ? Nul ne le sait, mais pourquoi ne pas prendre le temps d'envisager quelques scénarios pour demain ?

En dehors des réflexions stratégiques, la même approche vaut pour l'innovation « au quotidien ». Les initiatives aperçues ailleurs ne sont peut-être pas directement applicables dans un autre environnement (un autre pays, un autre domaine, une autre taille, une autre culture, une autre infrastructure…). Mais ne serait-il pas intéressant d'imaginer comment les « acclimater » plutôt que de vouloir toujours à repartir de zéro (ou, pire, ne rien faire et se laisser dépasser par la concurrence) ?

En guise de conclusion, une petite suggestion : la prochaine fois que vous vous entendrez répondre « chez nous, ce n'est pas pareil ! » à une idée qui bouscule (un peu) l'ordre établi, essayez de trouver ce qui n'est vraiment « pas pareil » et expliquez comment vous pouvez ajuster votre proposition de manière à contourner l'obstacle… Bien entendu, vous n'aurez quasiment aucune chance d'obtenir un résultat immédiat (la crainte du changement est tenace) mais quand le doute commence à être semé…

Suivre les rails…

samedi 27 février 2016

Une banque pour les travailleurs indépendants

Moven
Plus de 50 millions de travailleurs indépendants aux États-Unis, environ 1 million d'auto-entrepreneurs en France… Même lorsque ce statut ne correspond pas à leur occupation principale, toutes ces personnes ont besoin de services financiers adaptés, que les banques traditionnelles ne leur offrent pas. Un vide qui attire les trublions…

La situation est tellement désolante pour les populations concernées qu'il n'est même pas besoin d'une solution très élaborée – comme celle que la rumeur prête à Uber l'ambition de créer ou celle que propose déjà Clearbanc aux chauffeurs de VTC – pour se positionner. C'est en tous cas le pari que font Moven et Soon, chacune de leur côté de l'Atlantique, en proposant à leurs cibles respectives d'ouvrir, pour leur activité professionnelle, un compte en tout point semblable à celui destiné aux particuliers.

En effet, les avantages qu'elles mettent en avant – identiques aux arguments de toutes les banques 100% en ligne – ont tout pour résonner aux oreilles des indépendants, dont beaucoup n'adoptent ce statut qu'à titre d'appoint : un accès simple et immédiat (sur mobile), 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, une tarification attractive (incluant la gratuité des opérations courantes, y compris la carte de paiement), un suivi des dépenses facilitant le suivi et la gestion comptable… Il n'en faut pas plus pour les satisfaire !

Moven pour les travailleurs indépendants

La meilleure preuve de la rupture que représentent ces nouvelles offres est la caution qu'elles reçoivent, de la part du syndicat des « freelancers », partenaire officiel de l'initiative de Moven, et de la fédération des auto-entrepreneurs, qui recommande Soon. Avant leur naissance, les seules solutions pour les indépendants consistaient à utiliser leur compte personnel dans le cadre professionnel ou à ouvrir un compte d'entreprise, dont une partie des services leur est inutile et dont les coûts sont prohibitifs.

Au bout du compte, c'est une recette classique qui s'applique ici : de petits acteurs agiles détectent un segment de clientèle mal servi par les institutions financières et s'en emparent avidement, avec une approche combinant au mieux spécialisation et efficacité « industrielle », rendue possible (et viable) grâce aux technologies modernes. La particularité dans le cas de Moven et Soon est que, d'une part, la niche qu'elles visent compte des millions d'individus et, d'autre part, leur investissement initial est minime, tellement la concurrence leur laisse le champ libre pour s'imposer.

En arrière-plan, c'est peut-être également une vision du monde différente qui transparaît derrière la reconnaissance de la généralisation des modèles d'emploi autonome. Face aux banques dont l'appréciation du client reste fondamentalement basée sur l'archétype d'une carrière suivant une progression linéaire sur une échelle prédéterminée, les nouvelles entrantes auront la partie facile auprès des travailleurs indépendants de plus en plus nombreux… Encore faudra-t-il qu'elles prolongent leurs efforts et développent leurs offres, pour adresser tous leurs besoins, personnels et professionnels !

Soon Auto-Entrepreneurs

vendredi 26 février 2016

Connaissez-vous votre client ?

Gartner
Le mois dernier, j'évoquais les 6 clés d'une vision centrée sur le client, celle-ci restant un mythe dans nombre d'entreprises, malgré leurs prétentions. Dans la même veine, Jake Sorofman (Gartner) insiste sur l'une des plus importantes d'entre elles, celle qui constitue le socle sur lequel s'appuient toutes les autres : la connaissance du client.

Sa réflexion émerge d'un constat simple. Quand il s'agit d'identifier les besoins des clients, de manière à mettre l'organisation en position d'y répondre, ce sont souvent des stéréotypes déformés qui sont pris en référence. Définis par des gens du sérail qui y projettent (involontairement, en général) les valeurs de l'entreprise, quand ils ne les réduisent pas à leur expérience personnelle, ancrés dans des modèles statiques rapidement dépassés…, ils ne reflètent pas la réalité des attentes à combler.

La solution à ce problème est évidente : la connaissance du client doit s'abstraire des biais de l'organisation et des individus qui cherchent à la capturer. Pour ce faire, Jake Sorofman suggère le recours à des intervenants extérieurs, capables d'amener l'objectivité et l'expertise nécessaires pour observer, analyser et décrypter ce que les consommateurs expriment souvent de manière indirecte et obscure, quand ils interagissent avec l'entreprise, voire même lorsqu'ils sont interrogés explicitement.

Malheureusement, il est désormais difficile de se satisfaire de la constitution d'un (ou de quelques) profil(s) type(s). À l'ère de l'ultra-personnalisation des services, la connaissance du client doit s'affiner, et devenir individuelle. À l'extrême, l'idée de se glisser dans la peau des consommateurs afin de « coller » à leurs besoins va faire ressortir une expérience unique pour chacun d'eux. À ce stade d'ambition, le défi prendra une autre dimension, qui ne pourra se traiter par les méthodes traditionnelles.

Le client à la loupe

En la matière, il faut rappeler qu'il s'est opéré une régression au fil du temps. Autrefois, la relation avec la banque était l'apanage quasi exclusif du conseiller, qui accumulait de la sorte une connaissance intime des clients dont il avait la charge. Puis, la généralisation des canaux à distance a fait progressivement disparaître la proximité qui existait alors : ce n'est pas en un ou deux entretiens par an (en moyenne, aujourd'hui) que la banque peut espérer capter les informations utiles à sa mission.

Même exploités correctement (ce qui est loin d'être le cas partout), les outils de CRM ne sont pas en mesure de suppléer à la raréfaction des contacts en face à face. Les informations que collectent les collaborateurs, en agence et en centre d'appel, éventuellement complétées de l'analyse des interactions en ligne ou mobiles, sont impuissantes à reconstituer un portrait global (« à 360° ») et actualisé du client. Dans ces conditions, l'objectif de délivrer un conseil personnalisé est illusoire.

Il ne serait pas raisonnable de croire qu'il sera possible de revenir au bon vieux temps. Il ne reste donc qu'a envisager une nouvelle approche. Voilà où les promesses de l'analyse intelligente des données peuvent prendre le relais. La banque mobile en constitue un vecteur idéal, en raison de son usage à très haute fréquence et par sa faculté de capturer des informations contextuelles en temps réel (la difficulté étant de ménager la susceptibilité des utilisateurs vis-à-vis des intrusions dans leur vie privée).

À tous les niveaux, la connaissance du client est critique pour les banques, surtout quand elles proclament des valeurs de proximité. Pourtant, elles accumulent dans ce domaine un retard croissant. Or, avant de préparer de nouveaux modèles de relation (humaine) en agence, la véritable urgence consisterait à combler cette lacune, faute de quoi le supposé conseil à valeur ajoutée ne sera guère que de la vente plus ou moins aveugle.

jeudi 25 février 2016

MasterCard explore l'analyse comportementale

MasterCard
L'année dernière, une équipe du MIT démontrait combien il était aisé d'identifier une personne à partir d'une analyse de quelques transactions réalisées avec sa carte de paiement. Aujourd'hui, MasterCard exploite cette opportunité en vue d'améliorer la fiabilité de ses systèmes de lutte contre la fraude, avec deux offres commerciales.

Dans une logique focalisée sur l'expérience client, l'objectif de MasterCard n'est pas tant de réduire les taux de fraude sur son réseau que de limiter les « faux positifs », c'est-à-dire les transactions légitimes considérées à tort comme douteuses. L'enjeu est considérable : selon une étude de Javelin, un consommateur sur six aurait été victime d'une telle erreur au cours de l'année écoulée et les opérations rejetées représenteraient 118 milliards de dollars (à comparer aux 9 milliards de fraude de la même période) !

En outre, les conséquences des incidents sur l'attitude des porteurs viennent encore aggraver leurs effets indésirables. Ainsi, dans 39% des cas, l'usage de la carte incriminée est purement et simplement abandonné ou, pour 25% supplémentaires, réduit. Le commerçant concerné est aussi impacté, sous la forme d'une désaffection de la part de ses clients, presque une fois sur trois. Pour couronner le tout, ce sont – logiquement, puisqu'elles dépensent plus, notamment à l'étranger – les personnes les plus aisées qui sont les plus fréquemment frappées par ce fléau.

Au sein d'une nouvelle gamme de solutions destinée à ses clients émetteurs, la réponse de MasterCard se décline pour l'instant en deux produits, basés sur des techniques d'analyse de l'information en temps réel. Le premier, baptisé Authorization IQ, consiste à bâtir une sorte de profil de l'utilisateur à partir de ses habitudes d'achats, elles-mêmes extraites de son historique de transactions. Toute tentative de paiement est alors évaluée à l'aune de cet étalon, permettant d'affiner la probabilité qu'elle soit légitime.

MasterCard IQ Series

Le deuxième – Assurance IQ – cible les commerçants, en leur proposant de partager des informations sur le contexte des opérations, de manière à améliorer la qualité des algorithmes de détection de fraude, en association avec l'analyse comportementale. Cette offre intrigue plus car, d'une part, aucune précision n'est fournie sur la nature des données qui pourront être utilisées (le détail des produits achetés ?) et, surtout, elle peut laisser imaginer que MasterCard les exploite également à d'autres fins, plus mercantiles…

Dans l'ensemble, la démarche sera certainement la bienvenue : éviter les désagréments causés par un paiement décliné sans raison apparente bénéficie à tous les acteurs de la chaîne de traitement, des consommateurs aux commerçants, en passant par les émetteurs et les acquéreurs. Incidemment, la mise en œuvre ne semble pas extrêmement complexe – au « détail » près de l'exigence d'immédiateté des transactions, il est vrai. Un rapprochement entre, par exemple, l'achat d'un billet d'avion, une dépense à l'aéroport et une note de restaurant à Hong-Kong n'est pas si extraordinaire…

Ce qui surprend – pour ne pas dire « choque » – le plus dans l'initiative, est que les nouveaux produits ne soient présentés que comme des options, probablement payantes. Cette tentative d'en tirer doublement avantage (le premier dérivant de la réduction des rejets) vient en contradiction avec l'affirmation selon laquelle, chez MasterCard, « la sécurité vient en premier ». Car l'amélioration de l'expérience client dont il est question ici constitue une composante essentielle de la protection des moyens de paiement.

mercredi 24 février 2016

Quand une banque ouvre son capital à la foule

Mondo
Décidément, quand la néo-banque britannique Mondo affirme qu'elle souhaite que ses clients accompagnent son développement, elle ne plaisante pas. Après avoir lancé une version alpha de son offre, afin de recueillir leurs commentaires et suggestions, elle leur propose maintenant d'entrer à son capital, via une campagne de crowdfunding.

Sans chercher à adopter un modèle coopératif (comme NewB en Belgique), la démarche de Mondo n'est pas pour autant seulementt symbolique. En effet, elle s'inscrit dans une levée de fonds de 6 millions de livres sterling, dont 1 million – représentant 3,33% de l'entreprise (ce qui la valorise donc à 30 millions) – seront réservés au public, sur la plate-forme CrowdCube. Le reste sera apporté par le fonds d'amorçage Passion Capital, qui avait déjà investi les 2 millions du tour précédent (et possède ainsi 22% des parts).

En marge de l'injection d'argent frais, qui doit lui permettre de vivre jusqu'à l'obtention de sa licence bancaire (attendue vers la fin de l'année), l'objectif de la startup avec cette opération est de stimuler l'engagement d'une base d'utilisateurs solide. C'est la raison pour laquelle la campagne de financement plafonne les contributions à 1 000 livres (le versement minimum étant fixé, à l'inverse, à 10 livres) : le succès ne pourra être déclaré que si le nombre de participants est relativement conséquent.

Il ne s'agit pas non plus d'un « coup » sans lendemain : dans sa feuille de route, Mondo a d'ores et déjà prévu de récidiver. Dans la mesure du possible, elle recourra donc à nouveau au crowdfunding pour une partie de ses futures levées de fonds, celles-ci devant se succéder à un rythme annuel, au moins jusqu'en 2020 (pour un total d'investissement de l'ordre de 75 millions de livres, ce qui est dans les normes admises à l'heure actuelle pour la création d'une banque « complète »).

Campagne de financement Mondo

En parallèle de l'initiative, la communication qui l'accompagne permet d'en apprendre un peu plus sur les projets à long terme de la jeune pousse. D'une part, elle expose sa vision de totale autonomie – en particulier en matière de systèmes informatiques – qui doit lui offrir une agilité inédite sur le marché britannique. D'autre part, et dans un autre registre, elle dévoile ses ambitions internationales, d'abord en Europe, grâce au passeport que lui procurera sa licence (sauf en cas de Brexit ?!), puis aux États-Unis et en Asie…

En attendant la concrétisation de ces rêves de grandeur, la stratégie de Mondo est aussi originale qu'efficace. L'idée de faire appel à l'épargne de ses clients pour étoffer son capital est extrêmement brillante, à plus d'un titre (si la campagne réussit, toutefois) : en donnant des gages à l'autre investisseur de l'intérêt qu'elle suscite auprès du grand public, en établissant une base d'actionnaires-clients quasiment indéfectibles, à la fois co-concepteurs potentiels et futurs prescripteurs, et en diversifiant son tour de table…

mardi 23 février 2016

Google ferme ses comparateurs

Google
Les banques et compagnies d'assurance ont certainement poussé un soupir de soulagement à la découverte de l'annonce : Google s'apprête à fermer ses comparateurs de produits financiers. La menace de disruption s'éloigne, mais pour combien de temps ? Dans l'intervalle, c'est une leçon d'innovation que nous donne le géant du web.

Google Compare semblait pourtant être un programme de longue haleine, même s'il avait déjà connu quelques hésitations. Lancé en 2011 aux États-Unis sous un autre nom (Advisor), pour une batterie de produits bancaires (cartes, comptes courant et d'épargne, certificats de dépôt…), il s'était ensuite développé au Royaume-Uni (passant même furtivement en France), pour revenir l'année dernière sur sa terre natale, sous un format renouvelé, pour l'assurance automobile, puis le crédit hypothécaire.

Visiblement, c'est la réalité économique qui a rattrapé l'initiative : selon le message d'information adressé aux partenaires, le flux des recherches sur les différents comparateurs demeure très satisfaisant, mais le taux de transformation se situe en-deça des attentes. Dans ces conditions, les revenus sont jugés insuffisants pour justifier de poursuivre les efforts. Ces derniers seront désormais reportés sur la « vache à lait » AdWords (les publicités ciblées)… mais également sur d'autres innovations à venir…

Google Compare Auto Insurance

À travers cet épisode, Google démontre une fois de plus sa capacité à gérer des expérimentations avec une intelligence hors pair. En 5 ans, ses outils de comparaison ont connu une série d'évolutions, en matière de catégories de produits, de marchés (géographiques) et d'approches commerciales. En parallèle, la recherche de partenariats avec les acteurs du secteur s'est poursuivie sans relâche. Enfin, alors que le dernier ajout ne datait que de quelques mois, la décision de tout arrêter est prise sans hésitation.

Ce qui peut donner l'impression d'un immense gaspillage est en réalité un cycle d'apprentissage. Pendant cette période, Google a approfondi sa connaissance des comportements des consommateurs vis-à-vis des produits financiers, avec bien plus de détails qu'à travers son seul moteur de recherche, ne serait-ce que grâce aux informations demandées aux utilisateurs sur leurs projets. Derrière le rideau, les relations développées avec les institutions financières font aussi partie de cette phase d'éducation.

Et maintenant ? La fermeture une fois consommée, les leçons apprises vont être rapidement mises à profit pour préparer la prochaine étape. Or il faudrait être particulièrement naïf pour imaginer que celle-ci se limitera à la publicité AdWords. Une nouvelle tentative d'intrusion dans les services financiers est inévitable dans les prochains mois et elle posera encore d'autres défis aux acteurs historiques. Pour eux, le danger immédiat est écarté, ils peuvent maintenant craindre la prochaine vague…

lundi 22 février 2016

API à gogo pour l'« Appathon » d'ICICI

ICICI
Pendant que les institutions financières européennes s'émeuvent des exigences de la directive PSD2 et que leurs consœurs britanniques s'inquiètent des velléités de la Banque d'Angleterre d'imposer un standard, c'est en Inde que les API bancaires ouvertes sont en train de faire un bond de géant, avec une initiative d'ICICI Bank.

Au premier abord, son « Appathon » est un énième concours d'applications mobiles, destiné à capter les bonnes idées de développeurs du monde entier pour la création d'une nouvelle génération de services financiers, offrant des produits et services originaux et/ou une expérience utilisateur différente, exceptionnelle. Afin d'attirer les candidats, trois grands prix sont mis en jeu, pour un montant total correspondant à environ 20 000 euros, assortis de divers bénéfices complémentaires destinés à finaliser les projets.

Pourtant, la démarche n'a rien de conventionnel lorsqu'on découvre que l'établissement mettra à la disposition des concurrents une impressionnante batterie d'API (une cinquantaine) couvrant différents métiers, de la banque de détail à l'assurance, en passant par les services aux grandes entreprises. Si la créativité est un critère pour être sélectionné dans la première partie de cette compétition, il est clair que la matérialisation effective des concepts soumis sera décisive pour espérer remporter la finale.

Et n'allez pas croire que ces API ne sont que « décoratives ». Les services qu'elles proposent comprennent, bien entendu, la consultation des comptes et des transactions (pour les clients particuliers et entreprises), la recherche et la localisation des agences et automates, ou encore un accès au « score de comportement ». Mais figurent aussi les virements, la passation d'ordres sur le Forex ou sur les produits d'investissements, la validation des mouvements de trésorerie en attente, la création de porte-monnaie virtuels « Pockets »… Presque toute la banque devient accessible aux développeurs !

Appathon ICICI

Les risques des concours du genre de ce « Appathon » sont connus : lorsque les bonnes idées qui en sortent sont confrontées à la réalité de la banque, elles se révèlent très rapidement impossibles à implémenter. ICICI adopte donc la seule solution envisageable pour éviter ce syndrome et s'assurer que les applications produites pourront être effectivement déployées : exiger la réalisation de prototypes fonctionnels viables, conçus à partir des services qu'elle fournit. Incidemment, cette stratégie représente certainement un stimulant fort pour les participants qui souhaitent voir aboutir leurs idées.

Sans préjuger de ses résultats, il est certain que la stratégie d'ouverture qui préside à l'organisation de cette compétition représente une extraordinaire opportunité de capter l'innovation (externe) de manière pragmatique et concrète. Elle demande un courage (ou une intuition ?) qui fait souvent défaut aux banques – trop effrayées de laisser des concurrents potentiels utiliser leurs services. En outre, elle démontre une maturité technique qui laissera rêveurs les nombreux responsables en charge de systèmes informatiques vétustes, fondamentalement inadaptés à l'exposition d'API…

dimanche 21 février 2016

Lyon aura son incubateur FinTech

Caisse d'Épargne
Tandis que le retard de la place parisienne sur sa grande rivale londonienne ne se comble que très (trop !) lentement, c'est à Lyon – dans le quartier de la Part-Dieu – que le prochain incubateur FinTech français verra bientôt le jour (vraisemblablement au début de l'été), grâce à une initiative [PDF] de la Caisse d'Épargne Rhône-Alpes.

Piloté [PDF] par Cédric Nieutin, rompu à ce type d'exercice, le projet est accompagné par plusieurs autres acteurs de l'économie locale : Université Lyon 3, EM Lyon, Tubà, Rhonalpia… Il faut cependant noter, d'emblée, que, si l'objectif de la nouvelle structure est bien d'accueillir des acteurs de la FinTech et de l'InsurTech, le champ peut s'élargir à des startups œuvrant dans un domaine plus général de la transformation des entreprises. Doit-on voir là une crainte de ne pas trouver suffisamment de candidats ?

Sur le plan pratique, le menu de cet « accélérateur-incubateur » proposera des services classiques dans sa catégorie : hébergement, coaching et mentorat, assistance opérationnelle (dans les domaines comptable, juridique, des ressources humaines, de la communication et du marketing…), accès à diverses options de financement (en parallèle, la Caisse d'Épargne prépare d'ailleurs le lancement d'une plate-forme de crowdfunding), organisation d'événements, de conférences et de rencontres…

À ce stade, les informations publiées sont très parcellaires et laissent l'observateur sur sa faim. Alors, prenons les devants et évoquons ce qui mériterait d'être ajouté au dispositif mais n'est pas (encore ?) évoqué. En l'occurrence, son incubateur représente une extraordinaire opportunité d'apprentissage et d'ouverture pour l'institution financière. En réalité, ce devrait même être la principale (voire la seule) motivation légitime pour lancer une opération de ce genre et justifier les investissements correspondants.

Accueil Caisse d'Épargne Rhône-Alpes

La valeur peut d'abord être recherchée dans des collaborations entre la Caisse d'Épargne et les sociétés qu'elle héberge, en vue d'intégrer de nouveaux produits et services dans son offre. Incidemment, une telle hypothèse fait ressortir une composante essentielle (et un critère de différenciation inestimable) que devrait offrir l'établissement : un accès à ses systèmes (notamment informatiques), qui permettrait aux startups ciblant les banques de valider leurs modèles en conditions réelles.

Dans un tout autre registre, il semblerait également intéressant de capitaliser sur la proximité de jeunes pousses agiles pour accompagner et stimuler la transformation de l'entreprise. Il est aisé d'imaginer, par exemple, la mise en place d'animations spécifiques (ateliers communs, conférences, co-création…) inscrites dans la stratégie de développement de la culture « digitale » des effectifs de la Caisse d'Épargne Rhône-Alpes, qui compte justement parmi ses ambitions majeures pour l'année 2016.

Heureusement, il reste quelques mois à l'équipe pour mettre au point les détails de l'incubateur et les bonnes idées ne lui manquent certainement pas ! Un autre défi qu'elle devra affronter sera d'affirmer la viabilité d'une telle structure à l'écart de LA place financière hexagonale, mais je suis convaincu que cette particularité peut constituer un atout pour faire émerger une autre vision de la FinTech, moins focalisée sur les problématiques des grandes banques parisiennes et de leurs clients…

Information repérée grâce à Finexkap (merci !)

samedi 20 février 2016

Apprendre à investir avec Stash

Stash
Pour une majorité de jeunes actifs, l'épargne et, encore plus, l'investissement restent des concepts peu familiers et relativement intimidants, dont ils se tiennent à l'écart. Entre outil de trading et « robot-conseiller », l'application de Stash leur est spécifiquement dédiée, avec son approche abordable, didactique, personnalisée et sociale.

La première caractéristique de la jeune pousse est d'abaisser la barrière à l'entrée, toujours angoissante pour le débutant. Ainsi, en vantant dès sa page d'accueil la possibilité de commencer à investir à partir de 5 dollars, elle transforme déjà l'expérience en un acte fortuit qui peut aisément devenir une saine habitude. Cerise sur le gâteau, afin de convaincre ceux qui n'auraient pas immédiatement envie de tenter l'aventure, le service est entièrement gratuit pendant les 3 premiers mois d'utilisation…

Une fois la décision prise, la constitution d'un portefeuille suit un schéma un peu différent de celui auquel nous ont habitués les « robots-conseillers ». Naturellement, les premières étapes de la création de compte intègrent l'incontournable évaluation de l'appétence au risque. Avec Stash, ce sont autant les informations personnelles (âge et situation, notamment) et le comportement financier au quotidien que les réponses à des questions sur l'investissement qui sont exploités pour déterminer le profil.

Encore celui-ci – réparti en seulement 3 catégories : conservateur, modéré ou audacieux – n'est-il qu'un point de départ. En effet, l'utilisateur se voit ensuite proposer une palette d'instruments correspondants. Leur présentation adopte une logique de « conviction » (rappelant un peu celle de Motif Investing), destinée à aider l'investisseur en herbe à choisir ses produits en fonction de ses centres d'intérêt et de ses engagements : « suivre Warren Buffet », les « titans internet », le « vert et propre », l'« égalité au travail »…

Accueil Stash

Une autre originalité notable de la solution de Stash est sa composante « sociale » (interne). L'utilisateur peut, s'il le souhaite, lier son compte à son carnet d'adresses ou à son profil Facebook et, de la sorte, partager (une partie de) son expérience d'investisseur avec ses amis. Ces derniers disposent alors d'une vue sur les instruments qui constituent son portefeuille (sans indication de volume ou autre détail), via un onglet « qui le possède ? » présent sur la fiche de chaque fonds suggéré.

En arrière-plan, ce sont – inévitablement – des fonds indiciels (ETF) qui sont mis à la disposition des clients. De plus, comme un nombre croissant d'acteurs, la startup permet l'achat par fraction (ce qui rend possible le ticket d'entrée à 5 dollars). Sans surprise, la sélection de cette catégorie d'actifs est en grande partie justifiée par les frais réduits encourus. En conséquence, outre son modèle d'une simplicité et d'une transparence déconcertante, le coût du service est très agressif : 1 dollar par mois jusqu'à 5 000 dollars, laissant place à une redevance annuelle de 0,25% du portefeuille au-delà.

Il reste à souligner que Stash déploie son service exclusivement sur mobile et nous observons là l'essence d'une offre parfaitement adaptée à sa cible de « digital natives », dont – même aux États-Unis – près de 3 sur 4 ne se sont jamais hasardés sur les marchés financiers. Or, une fois conquis par l'expérience optimisée que leur propose la jeune pousse, il est difficile d'imaginer ces consommateurs revenir un jour en arrière, vers les (tristes) alternatives disponibles aujourd'hui dans les banques…

vendredi 19 février 2016

Capitalise, entremetteur du financement des PME

Capitalise
Quand les responsables de petites entreprises recherchent un crédit, leur premier réflexe est souvent de se tourner vers leur banque, faute de connaître les alternatives disponibles. Forte de ce constat, la britannique Capitalise veut non seulement élargir leur horizon mais également dénicher pour elles la solution la mieux adaptée à leur situation.

La plate-forme de la startup, qui était présentée à FinovateEurope la semaine dernière, est donc avant tout une place de marché, exposant plusieurs dizaines d'offres aux typologies variées – du prêt classique au crédit-bail, en passant par l'affacturage, l'avance de trésorerie… –, qu'elles soient fournies par des établissements traditionnels ou par des acteurs émergents. L'ensemble pourrait donner naissance à un comparateur (un peu hétéroclite), mais Capitalise est plus ambitieuse et veut délivrer un véritable conseil.

Alors, l'entrepreneur à la recherche d'un financement va partager des informations détaillées sur ses besoins et la situation de sa société, enrichies par les répertoires de données publiques et, en option, par un accès direct à sa comptabilité, si celle-ci est hébergée par un des services en ligne intégrés (Xero, par exemple). Cependant, l'analyse des informations transmises n'a pas pour objectif de déterminer la fiabilité du demandeur : le « profilage » ainsi réalisé a pour but de trouver le crédit « parfait ».

L'approche conventionnelle du secteur est ici inversée : ce sont en fait les offreurs qui sont évalués et calibrés – avec une actualisation permanente – par les algorithmes de la jeune pousse. Dès lors, quand une demande est déposée sur son site, ses caractéristiques et celles de l'emprunteur sont utilisées pour sélectionner et suggérer les établissements partenaires qui, historiquement, sont les plus susceptibles de répondre favorablement (et, dans l'idéal, avec les meilleures conditions commerciales).

Accueil Capitalise

Une autre originalité de la plate-forme de Capitalise est qu'elle est conçue pour accueillir d'éventuels conseillers et autres comptables indépendants – ceux-ci étant souvent sollicités dans ce but – qui souhaitent accompagner leurs clients dans leur démarche. Cette capacité est même à la base d'un axe de développement stratégique de la startup, à travers un ciblage direct des grands cabinets et des associations professionnelles (matérialisé par des collaborations formalisées avec quelques acteurs importants).

Pour le reste, le modèle d'affaires respecte les standards du genre, dans une logique de courtage. Le service est mis gratuitement à la disposition des entreprises, tandis que les établissements de crédit référencés versent une commission sur les affaires apportées. Pour ces derniers, la proposition de valeur s'avère en effet aussi intéressante que pour leurs clients, puisqu'ils bénéficient d'un flux de prospects pré-qualifiés selon leur pratiques habituelles de financement et non uniquement sur la base d'un score de risque.

Le démarrage opérationnel (pourtant tout récent) de Capitalise semble prometteur – avec plus de 200 PME financées sur une période de 3 mois, pour 42 millions de livres sterling – et augure d'un réel intérêt des entrepreneurs pour un éclairage sur la diversité de l'offre et le conseil (même automatisé) qui doit l'accompagner. Au-delà, c'est aussi un petit pas vers la « banque plate-forme » qui se dessine, celle qui fédèrera une multitude de produits afin de proposer une solution personnalisée à chaque utilisateur.

jeudi 18 février 2016

L'expérience client n'est pas l'interface graphique

Amazon
Expérience client par ci, expérience utilisateur par là, l'« Expérience » avec un « E » majuscule est universellement présentée – y compris dans ces colonnes – comme un axe essentiel des initiatives « digitales ». Pourtant, dans les faits, il semblerait que le concept même fasse encore l'objet de beaucoup de confusion et d'incompréhension.

Bien sûr, on peut commencer par rappeler que, dans le contexte qui nous intéresse ici, cette étrange idée d'« Expérience » englobe tout ce que vit le client dans ses interactions avec une entreprise (par exemple une institution financière). Partant d'une telle définition, il devient clair qu'il n'est pas (uniquement) question des interfaces graphiques des services en ligne. Cependant, afin de lever toute ambiguïté en la matière, je propose d'analyser un cas particulièrement représentatif de cette dichotomie.

Prenez donc Amazon : son site et ses applications mobiles sont loin d'être des modèles en matière de qualité visuelle et – sans être du métier – je soupçonne qu'un spécialiste trouverait également à redire sur leur ergonomie. Or, en dépit de ces déficiences, il est (pratiquement) impossible de nier l'incomparable valeur de l'« expérience Amazon », simplement parce que celle-ci réside avant tout dans les modalités d'utilisation des services offerts et non dans la seule attractivité de la présentation des produits.

En l'occurrence, ce qui fait la différence chez le leader du e-commerce est bien connu : le paiement en 1 clic, les recommandations de produits par affinité, les avis et commentaires des clients… pour ce qui concerne le magasin virtuel. Mais la qualité de l'expérience s'étend au-delà des frontières numériques, dans le service client, dans les options de livraison (entre les délais de moins d'une heure et les expérimentations avec des drones) ou bien directement chez le consommateur, avec l'assistant interactif Echo

Tous ces éléments concourent à simplifier, enrichir ou rendre plus agréable le parcours global du client dans l'acte d'achat – depuis le déclenchement de l'impulsion initiale jusqu'à la livraison, voire après le déballage. En arrière-plan, les approches retenues pour atteindre cet objectif sont extrêmement variées, entre nouveaux processus, nouveaux services, nouvelles technologies… et elles doivent s'intégrer dans un ensemble cohérent et fluide. Dans cette logique, le design graphique n'est que la cerise sur le gâteau.

Comment se traduisent ces principes dans le secteur bancaire ? Très en avance sur les acteurs historiques, les meilleures startups de la FinTech montrent l'exemple, entre autres dans les domaines de l'épargne ou de l'investissement automatisé. Malgré tout, il reste un long chemin à parcourir, car il faudrait d'abord admettre que le service financier n'est pas une fin en soi, pour, ensuite, envisager une intégration aussi transparente que possible dans ce qui constitue réellement l'expérience « de vie » du client.

Accueil Amazon

mercredi 17 février 2016

Le crédit aux TPE d'iZettle inonde l'Europe

iZettle
C'était une promesse quand la startup annonçait sa levée de fonds l'été dernier, la voilà transformée en réalité : après ses débuts en Allemagne et au Royaume-Uni, iZettle propose maintenant (ou bientôt ?) une solution de crédit à ses clients dans tous les pays européens dans lesquels elle est présente, dont la France, l'Espagne, les Pays-Bas…

Le lancement et les premiers succès de Square aux États-Unis avaient déclenché une vague mondiale de popularité – et de clones – pour les solutions d'encaissement par carte sur mobile. Par la suite, le soufflé est retombé, notamment quand il est apparu que le modèle économique de ces sociétés était difficilement viable et quand les banques ont commencé à proposer à leurs clients des produits similaires. De là à enterrer le sujet, il n'y a qu'un pas… qu'il serait cependant peut-être hâtif de franchir.

Elle-même copiée sur une fonction déployée par Square il y a presque deux ans, la nouveauté qu'introduit aujourd'hui son alter ego le plus important en Europe constitue justement une réponse possible à ces deux problématiques. Son offre « iZettle Advance » représente en effet à la fois une source de revenus complémentaire non négligeable et un sérieux potentiel de différenciation concurrentielle, au moins sur une partie de son marché cible, à savoir les très petites entreprises.

iZettle Advance

L'approche est pourtant presque triviale : connaissant parfaitement les flux financiers de ses clients, puisqu'elle traite leurs encaissements, la startup est en mesure de proposer une avance de trésorerie parfaitement ajustée à leurs capacités d'emprunt. En ajoutant un processus de mise en place simple et rapide ainsi que des mécanismes de remboursement transparents et adaptatifs (prélèvement direct sur les recettes, modulé en fonction des évolutions du chiffre d'affaires), l'expérience devient incomparable.

iZettle se positionne de la sorte sur un créneau plus ou moins délaissé par les banques, celles-ci rechignant à financer des petites structures dont elles appréhendent mal les risques et auxquelles elles ne consacrent pas tous les efforts qu'elles mériteraient. En outre, la facilité d'accès au crédit est un critère déterminant pour des entrepreneurs qui préfèrent employer leur temps à développer leur activité plutôt qu'en démarches longues et incertaines auprès d'un conseiller souvent peu compréhensif.

Avec cette initiative, iZettle introduit une brèche supplémentaire dans l'un des principaux métiers historiques de la banque – le crédit aux PME –, aux côtés des plates-formes de crowdlending et, surtout, des géants du commerce en ligne (Amazon en tête), qui, eux aussi, profitent de leur connaissance de leurs clients et exploitent les opportunités que procurent les nouvelles techniques d'analyse de données pour s'imposer comme partenaires incontournables lorsque survient le besoin de financement.

mardi 16 février 2016

3 M$ pour amortir les chocs financiers

Financial Solutions Lab
Fort du succès de sa première promotion, le FinLab – fondé par le CFSi et soutenu par JPMorgan Chase – lance [PDF] son deuxième challenge d'innovation, consacré cette fois aux solutions qui permettraient aux ménages américains de mieux supporter les « chocs financiers ». Les projets retenus seront aidés à hauteur de 3 millions de dollars.

La démarche reste fondamentalement fidèle à la mission que s'est fixé le « Financial Solutions Lab » (« FinLab ») d'accompagner la réinsertion des populations fragiles dans le système financier. Dans cette logique, le thème retenu pour 2016 s'attaque à un défi majeur, mis en évidence par plusieurs études : une forte proportion de ménages se révèle incapable de faire face à un incident de parcours, même temporaire, ce qui conduit souvent à des conditions de vie durablement dégradées.

Au cours de l'année écoulée, 60% des consommateurs auraient ainsi été exposés à un événement ayant eu un impact sur leurs finances – perte d'emploi, baisse de salaire ou réduction du temps travaillé, problème de santé… – et 40% ne disposeraient pas des 2 000 dollars de liquidités nécessaires pour surmonter un grand « choc » typique. Si elles étaient confrontées à une dépense d'urgence de 600 dollars, la moitié des personnes interrogées déclarent qu'elles se tourneraient vers un emprunt.

Il serait facile de croire que le contexte dans d'autres pays est sans commune mesure avec celui des États-Unis, mais il s'agirait probablement d'une pure illusion. S'il existe des différences géographiques, elles se trouvent surtout dans les solutions auxquelles ont accès les victimes de ces accidents de la vie. Pour les plus de 100 millions d'américains écartés des circuits traditionnels du crédit, le recours aux requins du prêt sur gage ou de l'avance sur salaire est un facteur d'aggravation des crises…

Challenge FinLab

De manière générale, la volatilité des revenus et des dépenses, associée à une incapacité chronique de préparer l'avenir, est la principale cause des catastrophes financières qui guettent tant de personnes. Pour les experts du FinLab, l'innovation technologique représente aujourd'hui une opportunité extraordinaire de concevoir et développer des solutions susceptibles d'aider les consommateurs à réguler leur budget, à se constituer une épargne de sécurité, à accéder à des crédits abordables…

Loin d'être une utopie, l'initiative est ancrée dans une réalité qui se dessine progressivement autour de nous. Les nouvelles techniques d'analyse de données offrent des possibilités incomparables de comprendre les comportements des individus et, partant, de prédire (et prévenir) les risques auxquels ils sont exposés, de leur proposer des produits financiers précisément ajustés à leurs besoins et à leur situation ou encore, pour être un peu plus créatif, d'imaginer des solutions d'assurance spécifiques…

En l'occurrence, et sans s'arrêter uniquement aux moyens mis en œuvre (financiers et non financiers), la capacité opérationnelle du FinLab à accomplir sa mission ne peut plus guère être mise en doute : les projets accompagnés lors de sa précédente session – comprenant par exemple Digit, Even et Puddle – ont des qualités incontestables. L'inclusion financière a peut-être désormais une chance réelle de progresser…

lundi 15 février 2016

Il est temps de ré-inventer la banque mobile

Moven
Dans un AppStore qui compte plus d'1,5 millions de titres, les éditeurs d'applications mobiles rivalisent de créativité pour rester visibles des consommateurs. Sauf les banques, qui persistent à considérer que leurs clients – plus ou moins captifs – vont naturellement adopter les solutions qu'elles veulent bien mettre à leur disposition.

Le résultat de ce laxisme est un décalage de plus en plus important entre les stars de l'expérience mobile et les logiciels des institutions financières. Ces derniers ne sont, pour la plupart, que de simples déclinaisons pour petit écran de services en ligne eux-mêmes désespérément datés. Or, quand le smartphone devient le premier canal d'interaction entre la banque et ses clients, la bataille concurrentielle – y compris face aux nouveaux entrants – se déplace progressivement sur le terrain des AppStores.

Autant pour satisfaire les utilisateurs (et s'assurer de leur fidélité) que pour maintenir leur engagement (seul vecteur de rentabilité), il devient donc essentiel de ramener ces applications au niveau de l'état de l'art. Dans un article pour American Banker, Gordon Hui – dirigeant de Smart Design, agence de conseil en innovation et design – identifie 5 caractéristiques incontournables que doivent appréhender et intégrer les banques afin de répondre aux attentes des mobinautes d'aujourd'hui et de demain.

Trois d'entre elles – réactivité, personnalisation et contextualisation – sont étroitement liées. Il s'agit d'abord de réagir aux besoins des clients dans le temps du monde moderne : il n'est plus question d'attendre 24 heures pour obtenir une réponse à une sollicitation à une époque où Amazon est capable de livrer un colis dans l'heure qui suit la commande ! Par ailleurs, toutes les applications mobiles permettent désormais à chaque individu de « définir » ses préférences dans les moindres détails.

Catégorie Finance sur l'AppStore

En réalité, cette deuxième étape est déjà dépassée, par des outils qui savent s'adapter automatiquement à l'environnement immédiat du téléphone et au comportement connu de l'utilisateur. Dans les applications bancaires, rien de tout cela (sauf rare exception). Au contraire, la navigation est figée, alignée sur les lignes de produits, sans grand rapport avec les préoccupations réelles des clients. Ne parlons même pas du délai moyen de réponse d'un conseiller à une question un tant soit peu élaborée…

Les deux autres exigences entrent plus directement dans le champ spécifique du secteur financier. Ainsi, l'idée – brillamment illustrée par Uber – de traiter les paiements comme une « non expérience » va à l'encontre des habitudes mais elle est inscrite dans une logique incontestable : la transaction elle-même n'est pas une fin en soi et ce n'est que lorsqu'elle est devenue entièrement invisible que l'expérience atteint la perfection. À cette aune, il est vain de chercher à en améliorer les modalités.

Enfin, et ce sera probablement le plus difficile à faire évoluer, il reste à reconnaître la nouvelle valeur du client. Que devient, par exemple, l'attractivité d'une offre traditionnelle de services « premium » associée à la souscription d'une carte de crédit « de luxe » (réservée à des personnes générant des volumes d'affaires conséquents) quand le moindre quidam a la possibilité d'obtenir – avec TaskRabbit ou ses équivalents – des prestations égales, voire supérieures, pour une fraction du coût ?

Finalement, ce qui ressort de ces réflexions a de quoi surprendre la lectrice ou le lecteur qui ne perçoit pas immédiatement l'ampleur des mutations « digitales » : l'impact de la transformation de l'expérience mobile dépasse largement le seul périmètre des applications, jusqu'à façonner les services financiers eux-mêmes…

dimanche 14 février 2016

Les robo advisors envahissent Finovate

Finovate Europe 2016
La FinTech a connu une vogue de la finance participative, voici désormais celle des « robo advisors ». Tel est l'enseignement principal à retirer de l'édition 2016 de Finovate Europe, qui se tenait à Londres la semaine passée. Malheureusement, la multiplication des solutions ne semble pas s'accompagner d'un foisonnement de l'innovation.

Un rapide survol des 72 présentations qui se sont succédées au cours des deux jours de l'événement permet d'identifier (au moins) 6 startups positionnées sur le conseil en investissement automatisé. Sans surprise, toutes vantent la qualité de leurs modèles d'allocation, optimisant l'équilibre entre rendement et prise de risque. La seule nouveauté notable dans le lot est à porter à l'actif de MeetInvest, dont la stratégie est basée sur des actions individuelles et non, comme il est d'usage, sur des fonds indiciels.

Quelques grandes tendances se dégagent malgré tout dans le secteur. Tout d'abord, la thématique des robots conseillers déclenche un réveil de la Suisse, dont sont issues 3 des entreprises repérées : Additiv, InvestGlass et MeetInvest. D'autre part, la stratégie commerciale des nouveaux entrants est fortement orientée vers des modèles B2B, à destination des institutions financières, des conseillers en investissement… Deux d'entre eux – Envestnet et MeetInvest – en font même leur seul canal de distribution.

Pour trouver un peu d'originalité, il faut élargir le champ, notamment dans le domaine du « trading ». Citons par exemple Capitali.se, qui transforme des idées – exprimées en langage naturel – en transactions opérationnelles et optimisées, DriveWealth qui ouvre les marchés américains aux investisseurs du monde entier – avec la possibilité unique de négocier des fractions de titres – ou encore SwipeStox et sa vision « sociale » du conseil financier – qui propose de copier les transactions des autres utilisateurs.

Cependant, la véritable pépite de Finovate se trouve probablement ailleurs et, en ce qui me concerne, je la discerne plus volontiers dans la promesse de Capital Preferences. Voilà une solution qui – à partir d'un simple jeu et d'une application de la théorie de la préférence révélée – veut éclairer la personnalité des consommateurs et donner de la sorte aux institutions financières les moyens d'ajuster leur offre de services au plus près de leurs attentes, qu'elles soient explicites ou implicites.

Capital Preferences

Or, dans le conseil en investissement, il existe un cas d'usage à la fois trivial et critique pour une approche de ce genre. Aujourd'hui, toutes les solutions – celles des banques comme celles des startups – se ressemblent lorsque vient le moment d'évaluer l'appétence au risque du (futur) client. Au mieux, l'exercice passe par quelques questions de mise en situation (« quelle serait votre réaction si… ? »), au pire, il est simplement demandé de sélectionner un positionnement sur une échelle abstraite.

Non seulement leurs résultats peuvent être mis en doute mais, en outre, ces formulaires nuisent à l'expérience utilisateur, car ils sont perçus comme une étape obligatoire de la création de compte, plutôt rebutante et souvent mal comprise. En comparaison, la méthode ludique imaginée par Capital Preferences est susceptible de procurer une mesure plus précise et, surtout, plus objective, tout en évitant de décourager la poursuite d'un processus d'inscription. Il devient même envisageable de répéter le jeu de temps à autres, de manière à vérifier l'évolution de la maturité du client…

La valeur ajoutée peut paraître minimale, elle n'en est pas moins réelle. En effet, les différents « robo advisors » se trompent de cible lorsqu'ils tentent de se différencier par leurs modèles d'investissement – qui, finalement, reposent tous sur les mêmes théories financières. En réalité, c'est l'expérience client qui devrait être au cœur de leurs préoccupations. En la matière, chaque détail compte, en particulier au moment de l'entrée en relation. Hélas, à l'heure actuelle, toutes les solutions sont tristement similaires…

samedi 13 février 2016

La stratégie « FinTech » de BBVA évolue

BBVA
Elle fut parmi les premières grandes banques internationales à créer un fonds de capital risque dédié à la FinTech, en 2013. BBVA vient d'annoncer une réorientation subtile de sa stratégie : ses investissements seront désormais pilotés par une nouvelle entité – Propel Venture Partners – dont elle n'est que « simple » partenaire.

Il est au moins une certitude inébranlable dans cette évolution : le groupe espagnol est plus que jamais engagé dans sa volonté de participer à l'écosystème de startups de la finance. Il injecte ainsi 150 millions de dollars supplémentaires dans l'opération, s'ajoutant aux actifs (transférés) de BBVA Ventures – dotée initialement de 100 millions de dollars. En outre, la structure, aujourd'hui basée à San Francisco posera bientôt un pied de l'autre côté de l'Atlantique, avec la création (en cours) d'un bureau à Londres.

Les objectifs pour BBVA restent inchangés, puisque la banque vise, d'une part, à détecter et accompagner les acteurs les plus prometteurs dans les paiements, le crédit, l'assurance, la gestion de patrimoine… et, d'autre part, à accélérer sa propre transformation « digitale », en s'appuyant sur les innovations des jeunes pousses. Pour l'instant, il semble d'ailleurs qu'elle reste la seule partenaire de Propel Venture Partners, dont, logiquement, l'équipe est en partie composée des effectifs du fonds antérieur.

Propel Venture Partners

L'annonce de BBVA suscite naturellement des interrogations quant à ses motivations. La première serait apparemment d'ordre technique : le modèle « corporate » précédent était structurellement limité à des participations minoritaires (moins de 5% des levées de capitaux, à quelque stade que ce soit). La nouvelle approche – basée sur un véhicule d'investissement dans les PME dit « SBIC » – apporte beaucoup plus de flexibilité en la matière (tout en offrant peut-être au passage une fiscalité plus intéressante).

Cependant, la principale raison du changement tourne probablement autour des réticences – explicites ou non – des entrepreneurs à accueillir une institution financière dans leurs tours de table. Tout d'abord, malgré toute l'agilité de BBVA, la réactivité de ses décideurs n'est certainement pas à la hauteur de celle des « VC » traditionnels. Ensuite, l'agenda de la banque risque toujours d'entrer en conflit avec les orientations stratégiques des jeunes pousses et fait peser sur elles une menace permanente.

Dans cette perspective, et même si la banque y est très présente, le nouveau fonds représente une certaine garantie d'indépendance. Or, celle-ci s'avère particulièrement importante lorsqu'il s'agit de séduire des startups qui – du moins pour les plus attractives d'entre elles – disposent d'un vaste choix d'options dans leurs recherches de financement et peuvent se permettre d'être sélectives. L'initiative de BBVA constitue donc, en réalité, une condition essentielle de succès de sa politique d'investissement…

À lire également sur le sujet, cet article de TechCrunch

vendredi 12 février 2016

BNP Paribas Cardif défie les data scientists

BNP Paribas
BNP Paribas Cardif n'est certes pas la première compagnie d'assurance à lancer [PDF] un défi aux « data scientists » du monde entier sur la plate-forme Kaggle (on se souvient de celui d'Axa, il y a un an). Cependant, par rapport à ses consœurs, elle aborde l'exercice sur une dimension plutôt originale, autour de l'expérience client.

L'objectif de la compétition est en effet de concevoir des modèles d'analyse susceptibles de distinguer automatiquement les demandes d'indemnisation « fiables » de celles qui requièrent une vérification complémentaire. À la clé, les dossiers sans risque pourront être traités et indemnisés beaucoup plus rapidement, à la grande satisfaction de la clientèle. À l'ère du « temps réel », l'enjeu devient considérable : les consommateurs attendent une réactivité particulière de leur assureur quand survient un sinistre.

Naturellement, BNP Paribas Cardif trouvera également son compte dans l'automatisation des évaluations. D'une part, en même temps que les délais, elle sera en mesure de réduire les coûts des contrôles – en grande partie manuels – réalisés plus ou moins systématiquement aujourd'hui. D'autre part, elle devrait également pouvoir ajuster ses efforts en fonction du niveau de risque identifié sur chaque cas, ce qui aboutira logiquement à une réduction globale de la fraude (et des erreurs humaines).

En pratique, la compagnie fournit aux participants un jeu de données brutes, représentant un corpus d'informations recueillies au plus tôt dans les cycles de gestion des demandes. À partir de cet échantillon, réparti entre des cas qui ont effectivement requis une étude approfondie et d'autres éligibles à un « circuit court », le but du challenge est de produire un modèle algorithmique capable de prédire la probabilité qu'un nouveau dossier se classe dans l'une ou l'autre de ces catégories.

Défi BNP Paribas Cardif

Il faut hélas souligner un petit défaut dans l'organisation de la compétition : les données mises à la disposition des « data scientists » sont de simples colonnes de chiffres et de codes, sans qu'aucune signification ne leur soit associée. Or – ainsi que j'ai pu le vérifier concrètement (avec une collègue) à l'occasion d'un autre défi – sans compréhension du métier abordé et sans connaissance de la sémantique de l'information manipulée, le potentiel d'excellence des modèles produits est sérieusement diminué.

Il existe peut-être des raisons légitimes (protection des données personnelles ?) justifiant cette limitation mais la réalité est que, sous cette forme, le challenge de « data science » se transforme de fait en un triste concours d'algorithmes et de statistiques. Et, pour aussi subtile qu'elle paraisse, la différence est fondamentale, constituant l'essence de la discipline. De surcroît, la créativité que recherche BNP Paribas Cardif avec sa démarche ouverte s'exprimerait mieux en combinant les approches techniques – que ses équipes internes maîtrisent parfaitement – avec une vision « neuve » de son métier.

jeudi 11 février 2016

Absa Bank prédit les découverts

Absa
Jusqu'à maintenant, les banques alertent leurs clients lorsque le solde de leur compte approchent dangereusement du zéro, ne leur laissant souvent pas suffisamment de temps pour réagir. La sud-africaine Absa Bank propose une alternative : elle prédit les découverts futurs et suggère des solutions adaptées avant qu'il ne soit trop tard.

La méthode employée repose sur un principe relativement simple : à partir d'une analyse de l'historique des transactions enregistrées sur son compte, les algorithmes de la banque repèrent la récurrence de comportements susceptibles de faire passer le solde dans le rouge. Dès lors, une notification est envoyée au client, avec plus ou moins d'avance, l'incitant à procéder à un virement préventif (depuis un compte d'épargne ?) ou à contacter un conseiller afin d'explorer d'autres opportunités, telles qu'un crédit.

Le système est naturellement beaucoup plus performant et plus productif que les fonctions d'alerte usuelles. En effet, outre celles qui interviennent après l'incident (ne laissant aucune chance au consommateur), le déclenchement sur un seuil bas n'est pas toujours pertinent (par exemple s'il survient la veille du versement du salaire). Même la période de grâce instaurée par HSBC au Royaume-Uni est moins pratique, puisqu'elle ne permet pas d'anticiper un problème au-delà d'une journée…

La filiale de Barclays a d'abord expérimenté ces alertes prédictives auprès d'un échantillon de 50 000 clients, de manière à à la fois vérifier l'accueil qui serait réservé à un dispositif pouvant être perçu comme intrusif et mesurer son impact concret sur la gestion des finances personnelles. Les résultats semblent positifs sur les deux plans : 60% des personnes ayant été notifiées d'un risque ont agi pro-activement pour éviter le découvert, tandis que 84% des « cobayes » souhaitent continuer à profiter du service.

Absa sur Apple Watch

Voilà ainsi un début de démonstration d'une « bonne » stratégie d'exploitation des données dans la banque : quand la valeur apportée au client est clairement démontrée, les réactions de rejet sont moins à craindre que dans le cas (général) où c'est surtout le bénéfice pour l'institution qui est visible. Certes, le modèle économique est alors différent mais il ne devrait pas être si difficile de s'assurer que les interactions générées grâce au système d'alertes ont un impact positif mesurable sur les résultats…

En même temps, cette initiative simple – il est un peu présomptueux de parler ici de « data science » – représente un premier pas en direction de la banque intégrée dans la vie quotidienne, prête à répondre aux attentes des clients à tout moment, en fonction de leur environnement et de leurs habitudes. Elle pourra évoluer vers des conseils financiers liés aux événements survenant sur leurs comptes (suggérer l'épargne quand les conditions sont favorables ?), avant de passer à des approches plus sophistiquées…

mercredi 10 février 2016

Les services financiers deviennent modulaires

Oliver Wyman
Si ce titre est emprunté à un rapport [PDF] du cabinet de conseil Oliver Wyman, il représente aussi une réalité en pleine expansion : sous l'influence d'une variété de facteurs, l'offre de services financiers se diversifie, tandis que les consommateurs sont de plus en plus enclins à s'adresser à des fournisseurs différents pour leurs besoins.

L'évolution n'est pas uniforme selon les pays, en raison, notamment, des modèles historiques en vigueur (l'approche française de banque « universelle » ne lui est pas très propice, par exemple). Mais le mouvement est enclenché et ne s'arrêtera plus. D'une part, l'accès à des offres hétérogènes devient maintenant beaucoup plus aisé, grâce aux technologies. D'autre part, les institutions financières elles-mêmes tendent à intégrer de plus en plus fréquemment des solutions de partenaires dans leurs catalogues.

Quand la norme sera de multiplier les relations avec des établissements distincts, le concept de banque devra alors à son tour muter, pour se faire « plate-forme », fédérant les produits et services disponibles au sein d'un espace de distribution cohérent. Les premières esquisses de cette vision apparaissent dès aujourd'hui, à travers les outils de gestion de finances personnelles (PFM), utilisés, entre autres, dans le but d'agréger une vue à 360° des comptes détenus dans plusieurs banques.

Avant de concrétiser cette perspective, il reste cependant à apporter des réponses à un certain nombre de questions épineuses. Pour les participants à l'écosystème, l'une des plus pressantes concernera la propriété des informations sur les clients, surtout à l'ère émergente de la valorisation universelle des données. Les opérateurs de plate-forme auront naturellement accès à la source la plus riche, mais les « producteurs » ne voudront certainement pas abandonner leurs prérogatives en la matière…

Comme l'illustre le cas de la directive DSP2, le régulateur aura également son mot à dire, car dans les parcours aux multiples intermédiaires, il lui faudra déterminer qui porte le respect des exigences – AML (lutte anti-blanchiment), KYC (connaissance du client)… – et qui endosse la responsabilité en cas de défaillance (d'où qu'elle provienne)… Dans ce domaine, les approches retenues auront le pouvoir de façonner le marché, avec, à la clé, de probables écarts entre les grandes régions du monde, sinon par pays.

Modular Financial Services

Les conséquences de la modularisation de la finance seront extrêmement importantes pour les banques. Le premier risque est celui de la désintermédiation, dans le cas où elles ne fournissent pas elles-mêmes les nouvelles plates-formes (ce qui semble être la tendance actuelle). En arrière-plan, les modèles économiques sont menacés, car la transparence sur les offres – inhérente à l'approche – conduira inévitablement à une réduction des opportunités de ventes croisées : le client ne sera plus captif !

Par ailleurs, les infrastructures (informatiques) anciennes – voire obsolètes – en place dans beaucoup d'institutions financières constituent un handicap majeur, leur interdisant, au pire, toute présence sur les futures plates-formes de distribution. Les chantiers de modernisation – trop longtemps retardés, en raison des dimensions pharaoniques qu'ils prennent – deviendront alors une condition de survie : les systèmes rigides et fermés sont par essence incompatibles avec la notion de modularisation.

Certes, les banques possèdent quelques atouts dans cette transformation, en particulier grâce à la relation de confiance qu'elles conservent avec leurs clients ou encore par leur maîtrise des exigences réglementaires. Cependant, sachant que les revenus concernés pourraient représenter, à l'échelle mondiale, 1 billion (million de millions) de dollars (sur un marché total de 5,7 billions), selon Oliver Wyman, il vaudrait mieux ne pas se reposer sur ces seuls avantages pour espérer ne pas laisser tout échapper vers la concurrence…

Une première étape dans la réflexion pourrait consister à sélectionner une stratégie par rapport à l'évolution attendue. Certains acteurs préféreront devenir fournisseurs de services – recherchant alors l'excellence opérationnelle et les économies d'échelle dans la production – tandis que d'autres voudront se positionner en offreurs de plates-formes – mettant l'accent sur l'expérience client et acceptant d'intégrer aussi bien leurs produits que ceux de partenaires. À partir de là, les programmes divergeront…