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C'est pas mon idée !

mardi 31 mai 2016

Un robo-advisor prend pignon sur rue

MoneyFarm
Le modèle de relation à distance cher à la FinTech serait-il déjà en train de s'essouffler ? Après la néo-banque Bee et son « Bank Truck », c'est maintenant au tour d'un robo-advisor, MoneyFarm, d'installer une boutique éphémère, dans le centre de Milan, afin de promouvoir sa solution d'investissement automatisé auprès du grand public.

Le lieu est ouvert tous les jours depuis le 16 mai et le restera jusqu'au 8 juillet, après quoi il est prévu qu'il déménage à Londres. Accessible à tous, il propose aux visiteurs sept installations leur permettant de découvrir les principes génériques de l'investissement financier et les produits spécifiques de la startup, dans un esprit ludique et détendu. Des spécialistes sont également disponibles pour délivrer, gratuitement, un conseil personnalisé à ceux qui le souhaitent. Par ailleurs, l'espace accueille divers événements, entre petits déjeuners d'information et cocktails de réseautage.

À travers cette initiative, l'ambition de MoneyFarm est de fournir à ses clients un équilibre parfait entre ses points de contacts virtuels (en ligne et mobiles) et physiques, de manière à instaurer une relation de confiance avec eux. En arrière-plan, la sensibilisation du grand public aux nouvelles approches de l'investissement et à l'existence d'acteurs alternatifs constitue un autre objectif affirmé. Ses motivations sont claires et explicites : les robo-advisors sont mal connus et l'originalité en matière de finances est toujours source d'inquiétude. L'éducation des consommateurs est donc prioritaire.

Boutique MoneyFarm (Milan)

L'argument est sensé et il souligne – de manière particulièrement crue dans le domaine complexe de l'investissement – le défi numéro 1 de beaucoup de jeunes pousses de la FinTech : comment atteindre un nombre critique de clients, au-delà de la première vague des inconditionnels de la nouveauté ? Cependant, faut-il pour autant sacrifier une partie de l'essence du concept initial (l'automatisation) et adopter une stratégie qui, par sa dépendance sur des conseillers humains, limiterait nécessairement la capacité de croissance par effet d'échelle caractéristique des startups ?

Il est vrai que, dans le cas de MoneyFarm (comme pour Bee), la boutique a une durée de vie réduite, modérant aussi son impact possible sur les populations visées. Finalement, il ne s'agit peut-être que d'une tactique de communication… laissant entières les difficultés de conquête. Et ces dernières devraient surtout être abordées par leur angle le plus naturel : puisque les consommateurs délaissent de plus en plus les agences bancaires, c'est bien en leur offrant un substitut à distance que la solution devrait être trouvée…

À l'inverse, si les nouveaux entrants se contentent de reproduire les modèles traditionnels, leur proposition de valeur risque de ne pas être suffisamment distinctive pour survivre. En effet, les institutions financières historiques manquent certes d'agilité mais, si le pas à franchir n'est pas très important, elles sont tout de même capables de réagir et de mettre en place des réponses compétitives face à la menace émergente.

lundi 30 mai 2016

Visa découvre la menace PayPal…

Visa
Depuis ses origines, PayPal n'a pas fondamentalement changé son modèle et sa vision des paiements en ligne. Pourtant, s'il faut en croire les récents commentaires du PDG de Visa, ce n'est que maintenant, 17 ans plus tard, que la menace de désintermédiation qu'il fait planer sur les acteurs traditionnels commence à être prise au sérieux…

C'est à l'occasion d'une conférence organisée par JPMorgan Chase que Charlie Scharf s'est – selon les propos rapportés par un article de Recode – emporté sur les pratiques de PayPal, qu'il accuse de promouvoir l'utilisation des virements bancaires auprès de ses clients, au détriment des cartes de paiement (Visa et autres), pour l'approvisionnement de leur porte-monnaie virtuel. Comme s'il fallait s'étonner que l'entreprise préfère une méthode dont le coût est probablement 3 ou 4 fois moins élevé !

Alors que, aux États-Unis, les virements représentent déjà plus de la moitié des flux d'alimentation de comptes PayPal (Visa s'appropriant 50% du reste), qu'est-ce qui peut soudainement déclencher une réaction aussi virulente ? Peut-être faut-il voir là un dommage collatéral des velléités américaines de mettre en place un système de transferts rapides (sinon en temps réel). En effet, s'il se concrétisait, il pourrait faire disparaître l'avantage d'instantanéité des règlements effectués par cartes et aggraver encore la situation pour les grands opérateurs.

De son côté, PayPal n'a jamais réussi à imposer son concept de porte-monnaie dédié, qui lui aurait permis de se libérer presque totalement des réseaux financiers traditionnels et, ainsi, de maîtriser l'intégralité de sa chaîne de valeur. Pour autant, et même si elle a dû être adaptée aux circonstances, sa stratégie n'a pas varié d'un iota, ce que C. Scharf semble avoir oublié (ou dangereusement négligé) : son ambition reste de remplacer les autres moyens de paiement dans les usages des consommateurs.

PayPal

Au-delà des jérémiades, que peut faire Visa pour reprendre l'avantage ? En premier lieu, son patron évoque la multitude de nouveaux entrants qui viennent attaquer PayPal sur son propre terrain. L'idée que ceux-ci pourraient constituer une réponse paraît toutefois terriblement naïve : ces acteurs auront tous les mêmes incitations à se passer des cartes dans leurs modèles. Quand est invoquée la liberté de choix du consommateur, il ne faut pas oublier que, dans l'écosystème des paiements, l'entité qui gère l'encaissement (le commerçant, au sens large) est également un client et a donc son mot à dire…

Alors, une riposte frontale est-elle à craindre ? L'idée peut prêter à sourire si l'on se souvient des mésaventures de Visa dans ce genre d'initiatives, entre V.me (abandonné au début de cette année) et les hoquets secouant aujourd'hui son successeur annoncé, Visa Checkout (toujours absent en Europe). Il est difficile de prendre au sérieux l'incantation de C. Scharf lorsqu'il déclare (en dépit de ces précédents peu glorieux) que son organisation n'a jamais cherché à affronter PayPal de manière significative…

Presque aussi surprenant que l'aveuglement de Visa vis-à-vis des transformations inéluctables des paiements est celui qui affecte les autres intervenants du secteur. Pourquoi, par exemple, un instrument comme Paylib, conçu et mis en place par des banques, repose-t-il sur les cartes ? Les habitudes ont la vie dure… Il est tellement plus simple de choisir la solution qui a toujours été utilisée que d'imaginer une autre façon de faire… Et quand quelqu'un finit par rompre avec les traditions, la panique s'installe !

dimanche 29 mai 2016

Amazon, la meilleure entreprise où échouer

Amazon
Comme d'autres géants technologiques (Apple, Google…), Amazon est connue à la fois pour ses grandes innovations et pour quelques ratés monumentaux. Or, selon son PDG, non seulement les échecs sont-ils une nécessité, mais leur ampleur ne peut aller qu'en croissant si l'entreprise veut continuer à faire une différence sur le marché.

Le point de vue iconoclaste de Jeff Bezos est extrait d'une interview qu'il a accordée au Washington Post (dont il est propriétaire), rapportée par Business Insider. Il y développe sa conviction qu'une organisation comme la sienne doit obligatoirement faire des paris toujours plus audacieux si elle veut continuer à croître au même rythme, dans la durée. Autrement dit, plus son activité se développe, plus ses innovations doivent être ambitieuses pour être significatives… et plus les inévitables échecs sont coûteux.

Un exemple typique de désastre a été le Fire Phone, premier smartphone créé par Amazon, lancé en 2014 et abandonné un an plus tard, après avoir englouti plusieurs centaines de millions de dollars d'investissement. Plus récemment, l'assistant vocal Echo – dont on peut supposer qu'il dispose d'un budget similaire – paraît devoir offrir un exemple de ce que peut représenter une réussite. Seules des expérimentations de ce calibre peuvent permettre au e-commerçant de faire des bonds en avant, les nombreux fiascos étant largement compensés (financièrement) par les rares succès.

Naturellement, une telle politique demande une détermination sans faille, d'une part lorsqu'il faut défendre (notamment face aux actionnaires) le lancement et le financement de gigantesques projets hasardeux et, peut-être encore plus, au moment de décider de mettre fin à une initiative sans avenir (et apprendre de ses erreurs). Cet état d'esprit – dont l'histoire du Fire Phone est parfaitement représentative – justifie qu'Amazon soit déclarée par Jeff Bezos comme le « meilleur endroit du monde où échouer ».

Amazon Fire Phone

En comparaison, l'innovation dans les entreprises traditionnelles (et dans les institutions financières en particulier) fait pâle figure, sur les deux plans : les ambitions restent souvent limitées – tout comme les budgets – et les revers sont interdits. Ainsi, il est typique que les grands groupes s'entichent du concept d'innovation frugale (en retenant surtout son côté économique, d'ailleurs), tandis qu'on ne compte plus les idées stériles qui mettent des années à mourir (au prix de gaspillages inconsidérés).

À une époque où la « disruption » est sur toutes les lèvres, elle ne restera qu'un mot vide de sens si elle ne s'accompagne pas d'une prise de risque à la mesure des enjeux de la transformation du monde. A minima, il ne faudrait pas perdre de vue que, dans le secteur financier, certaines startups (notamment parmi les néo-banques) ont elles-mêmes parfois des programmes de grande envergure, susceptibles de faire de l'ombre aux institutions historiques, en matière d'investissements et, donc, de résultats potentiels.

Article de Business Insider repéré grâce à Benoît Legrand (merci !)

samedi 28 mai 2016

Natixis lance la déclaration de sinistre par SMS

Natixis
Les entreprises souhaitant maintenir le contact avec leurs clients ont tout intérêt à connaître et adopter leurs modes de communication préférés. Étonnamment, le SMS a longtemps échappé à la règle, en dehors de quelques usages spécifiques. Natixis Assurances s'en empare [PDF] maintenant dans la protection contre les intempéries.

Le nouveau service concerne les souscripteurs d'une assurance de la marque, pour leur automobile ou leur habitation. Il fonctionne en deux phases. Tout d'abord, les bénéficiaires sont avertis sur leur téléphone, par SMS, des risques météorologiques – tempête, gel, épisode orageux ou inondation – à venir ou en cours dans leur région. Plus original, lorsqu'ils sont effectivement victimes du phénomène annoncé, ils ont la possibilité d'initialiser leur déclaration de sinistre directement en répondant au message d'alerte.

Certes, la suite du processus redevient plus classique (pour l'instant ?), puisque l'assuré va être redirigé vers un formulaire – vraisemblablement sur un site web mobile – via lequel il pourra fournir les détails des dommages subis. Les éléments transmis sont alors analysés automatiquement, de manière à identifier le degré de gravité du sinistre et prendre en charge les plus urgents en priorité (uniquement par téléphone, hélas…), ce qui, en cas d'événement climatique de grande ampleur, peut s'avérer important.

Le dispositif possède ainsi deux vertus complémentaires. En amont, et il s'agit d'une pratique qui se répand dans les compagnies d'assurance, les notifications émises contribuent à la prévention des risques. En aval, et l'approche est là inédite, le SMS reçu, qui sera conservé par la plupart de ses destinataires, constitue implicitement un rappel contextuel des démarches à effectuer pour ceux qui sont affectés. Le concept est simple, mais il peut apporter une aide appréciable dans une situation stresssante.

Populaire depuis des années, ce n'est, apparemment, qu'avec la vogue des applications de messagerie instantanée que le SMS trouve (enfin !) des applications pertinentes, conçues pour renforcer la proximité entre les entreprises et leurs clients. En la matière, il reste certainement encore d'immenses opportunités à explorer. Cependant, l'époque exige d'étendre les initiatives aux nouvelles plates-formes (Whatsapp, Facebook Messenger…), qui prennent progressivement l'avantage sur le « vieux » texto…

Déclaration de sinistre par SMS

vendredi 27 mai 2016

La banque conversationnelle envahit l'Afrique

Absa
Entre une population qui adopte massivement les nouveaux usages mobiles (notamment sur les réseaux sociaux) et des institutions financières qui n'hésitent pas à suivre leurs clients sur leurs territorires (virtuels) de prédilection, l'Afrique semble vouée à prendre l'avantage dans la transition vers les interfaces bancaires conversationnelles.

Absa, filiale sud-africaine du groupe britannique Barclays, s'inscrit aujourd'hui dans la tendance, avec le lancement de son service ChatBanking. Dans un premier temps, celui-ci s'est installé exclusivement sur Twitter, où il propose aux clients de la banque d'accéder à leurs comptes par l'intermédiaire de messages privés adressés au profil dédié. En pratique, le mode opératoire est extrêmement simple : il suffit d'interpeller l'automate d'un « hi » pour être guidé par l'outil dans les différentes options disponibles.

Il est vrai que, pour l'instant en tous cas, les fonctions offertes par Absa sont singulièrement limitées, se réduisant à la consultation du solde et des dernières opérations et au rechargement du forfait mobile de l'utilisateur. L'avantage est, évidemment, d'éviter tout risque de sécurité (qu'il s'agisse de répondre à une préoccupation réelle de la banque ou de rassurer les consommateurs). En tout état de cause, ces trois actions représentent probablement plus de 95% des interactions avec la banque et remplissent ainsi presque parfaitement l'objectif visé.

En effet, l'ambition d'Absa est d'inverser les habitudes de la relation client d'antan. Il n'est plus question d'imposer à une personne d'aller vers sa banque (physiquement ou en ligne) pour réaliser une opération. Désormais, c'est la banque qui doit se tenir à la disposition de son client, où qu'il soit, à tout moment et selon son mode de contact préféré. Les premières tentatives avaient émergé (déjà en Afrique) sur Facebook, il faut maintenant suivre l'évolution des usages vers les nouvelles plates-formes.

Absa ChatBanking

Dans ce registre, le choix de Twitter peut surprendre. Pourtant, il correspond à une réalité spécifique à l'Afrique du Sud, où plus de 6 utilisateurs sur 10 visitent le réseau social 2 à 5 fois par jour. Surtout, ce n'est clairement là qu'une première étape pour Absa : la déclinaison du service sur d'autres supports est promise à court terme… On peut aisément imaginer que les solutions WhatsApp, Facebook Messenger, Telegram… – toutes basées sur une logique similaire d'échanges de messages textuels et qui constituent les favorites du moment – sont dans les radars de l'entreprise.

C'est peut-être parce qu'elles sont encore dans une phase de conquête – notamment auprès de la jeunesse – que les banques africaines sont plus ou moins contraintes de développer et d'affirmer leur présence sur les réseaux sociaux, à proximité de leurs clients. De leur côté, plutôt que de rester focalisées sur leurs approches relationnelles d'un autre siècle, qui n'attireront bientôt plus qu'une minorité de consommateurs, leurs consœurs des pays développés seraient bien inspirées d'emprunter un peu de leur audace, car elles seront bientôt confrontées aux mêmes exigences…

jeudi 26 mai 2016

La banque privée passe à la réalité virtuelle

Comarch
L'idée vient d'un éditeur et elle est encore à l'état de prototype. Il ne faut donc pas s'attendre à la voir déployée dans une banque de sitôt. Pourtant, l'application de gestion de patrimoine en réalité virtuelle développée par Comarch offre un aperçu de ce que permettra une technologie qui nous promet une révolution des interfaces utilisateurs.

À l'origine du projet, ses concepteurs désiraient rendre la présentation d'un portefeuille financier plus agréable que les rapports traditionnels, jusqu'à en faire, autant que possible, une expérience ludique. Dans cet objectif, la solution propose donc d'abord une restitution interactive des actifs de l'utilisateur, à laquelle elle ajoute ensuite des capacités de simulation dynamiques, afin de lui permettre d'appréhender de manière très simple et très pédagogique l'évolution de sa situation, selon différents scénarios.

Au-delà de la seule immersion en réalité virtuelle, l'application s'inscrit dans un contexte plus global. Un cas d'usage décrit par l'éditeur commence ainsi par une alerte informant le client, sur sa montre intelligente, d'une chute des cours du pétrole. Il chausse alors son casque et appelle son conseiller, à qui il va demander de lui exposer les risques que l'événement en cours peut faire courir à son patrimoine, à travers un univers graphique extrêmement riche, plus ou moins impossible à reproduire sur un écran classique.

Gestion de patrimoine en réalité virtuelle

Un avantage de l'approche, qui devrait être particulièrement apprécié par la clientèle de la banque privée est sa discrétion, puisque les informations restituées ne sont visibles que de l'intéressé. Autre caractéristique distinctive de la cible choisie (pour laquelle la relation humaine reste prioritaire, du moins pour l'instant), c'est, en pratique, un dispositif de co-navigation qui est à l'œuvre : le conseiller pilote le parcours et accompagne son client dans l'espace virtuel. Pour autant, il faut peu d'imagination pour envisager une déclinaison en libre-service qui rendrait la gestion financière autonome moins austère.

Après plusieurs longues années de développements et de mises au point, 2016 semble devoir être l'année qui verra le décollage commercial des plates-formes de réalité virtuelle. Nul ne peut prédire leur avenir, mais leur potentiel est alléchant. Alors, sans nécessairement aller, comme Comarch (ou comme Citi, dans un registre différent), jusqu'à la réalisation d'un prototype, les institutions financières auraient tout intérêt à commencer à réfléchir aux applications possibles de cette technologie, et plus spécifiquement dans une logique de réponse à des besoins difficiles à adresser actuellement.

mercredi 25 mai 2016

Quand un syndicat s'en prend à Watson…

FO
Les grandes mutations sociétales ne vont pas sans soubresauts et l'agitation actuelle autour de la « Loi Travail » ou des nouveaux modèles imposés par Uber et consorts n'en constitue probablement que les prémices. En effet, les promesses de l'intelligence artificielle auront certainement un impact bien plus profond sur les entreprises.

La menace n'échappe (évidemment) pas aux organisations syndicales. Un tract publié par la délégation Force Ouvrière de BNP Paribas – entièrement consacré à la technologie Watson d'IBM (qui n'est pourtant pas, à proprement parler, de l'ordre de l'intelligence artificielle) et aux dangers qu'elle représente pour les salariés de la banque – donne à pressentir l'âpreté de la bataille à venir. Entre point de vue caricatural et réalité des enjeux humains de la révolution à venir, la recherche de l'équilibre sera difficile…

Ce n'est pas une véritable surprise mais la position que prend le syndicat à travers son texte vise à la confrontation. Ainsi, lorsque l'estimation du cabinet McKinsey selon laquelle 45% des activités des salariés pourraient, à terme, être automatisées se transforme en « l'intelligence artificielle pourrait mettre 50% de l'humanité au chômage », le ton est donné. Et le raccourci final qui consiste à faire des robots de futurs donneurs d'ordre à de simples exécutants humains décérébrés est parfaitement absurde !

Plus inquiétant, le message de Force Ouvrière ignore un facteur fondamental dans son analyse : le client. Cité uniquement dans la prolongation du mythe du conseiller garant de la connaissance de ses besoins et de la qualité de service, il n'est jamais fait référence à la possibilité qu'il soit lui-même demandeur de contacts en tout lieu et à tout moment, avec des réponses contextuelles, immédiates et toujours cohérentes à ses questions… La banque centrée sur son client semble étrangère à la réflexion de l'organisation.

Naturellement, à l'opposé, il ne peut être question de sous-estimer le défi posé aux politiques de ressources humaines par l'introduction de l'intelligence artificielle. Car il est indubitable que le mouvement vers l'automatisation d'une partie des métiers de la finance est irréversible, sous la pression conjuguée des attentes des clients et des réductions de marges durables. Les dirigeants des institutions doivent en être parfaitement conscients et ont une obligation de préparer au plus tôt la transition.

Quand une néo-banque 100% technologique (telle que Simple) parvient déjà, en 2016, à opérer avec 20 à 30 fois moins de personnel qu'un établissement traditionnel, il n'est plus possible de continuer à recruter des bataillons additionnels de conseillers (ce qui se voit hélas encore). Il est, au contraire, urgent de réfléchir aux reconversions à envisager et aux plans de formation à mettre en place, en vue de faire monter en compétences les futures « victimes » de la robotisation. Attendre trop longtemps serait suicidaire.

Finalement, les deux parties adoptent la même attitude de déni de la réalité face à des changements inéluctables. D'un côté, les responsables des banques négligent de prendre en compte en avance de phase les effets prévisibles sur l'emploi, tandis que, de l'autre, les syndicats refusent d'admettre que de nombreux métiers disparaîtront. Alors, comme toujours en France, cela se terminera dans un conflit stérile… Et pendant ce temps, des startups peu embarrassées de sureffectifs pourront s'installer sur le marché.

IBM Watson

mardi 24 mai 2016

Le robot Pepper accepte les cartes MasterCard

MasterCard
En devenant « intelligent », le robot Pepper de Softbank Robtotics gagne progressivement en autonomie, à tel point que son utilisation dans des environnements commerciaux commence à être envisagée. S'il lui manquait jusqu'à maintenant la faculté d'encaisser les paiements, cette lacune est désormais comblée, par MasterCard.

La solution, imaginée et développée par les labs d'innovation de l'institution à Singapour, est déjà en passe de franchir le stade de la simple démonstration puisqu'elle sera expérimentée avant la fin de l'année, en situation réelle, par Pizza Hut Asie. Les clients de quelques restaurants pilotes pourront alors bénéficier d'un parcours intégré, pour une qualité de service plus proche d'une relation avec un interlocuteur humain que des interactions avec une borne de libre-service, en dépit de son automatisation.

Passons rapidement sur les compétences de Pepper en matière de conseils gourmands et de prise de commande pour nous attarder sur les fonctions spécifiquement liées au contexte du paiement. Car MasterCard profite de l'opportunité pour explorer de nouvelles directions en la matière. Ainsi, dès l'accueil, le robot invite le client à connecter son porte-monnaie mobile MasterPass avec lui (très facilement, via l'application mobile associée), afin de bénéficier, par exemple, de conseils et de promotions personnalisés.

Paiement MasterCard sur Pepper

Naturellement, la capture du compte MasterPass dès le début de la conversation permet également de rendre transparente l'étape finale du règlement, qui se résume donc à une confirmation du prix à régler (suivie d'une notification instantanée sur le téléphone du consommateur). La chaîne de valeur est de la sorte totalement renversée : le porte-monnaie virtuel constitue d'abord et avant tout le support de la relation client (et de gestion de la fidélité, le cas échéant) avant d'être un instrument de paiement.

Par ailleurs, MasterCard adopte ici un angle d'attaque original dans la recherche d'une simplification de l'expérience utilisateur. Comme d'autres acteurs, elle fait (plus ou moins) disparaître la transaction financière de l'équation, mais, grâce à l'interaction personnalisée qu'autorise Pepper (et contrôlée par le consommateur), elle peut espérer vaincre la défiance qui semble constituer un frein au succès de ces initiatives. En combinant personnalisation et transparence dans une solution cohérente, le robot pourrait-il devenir le catalyseur d'une révolution dans les habitudes de paiement ?

lundi 23 mai 2016

BNY Mellon capitalise sur ses données

BNY Mellon
Au sein des grandes institutions financières, les activités de conservation de titres figurent probablement parmi les plus riches en données brutes inexploitées. Naturellement, l'émergence des concepts « big data » éveille l'attention des leaders du domaine. BNY Mellon dégaine la première avec sa nouvelle offre « Asset Strategy View ».

Bien que son métier puisse paraître un peu banal, il suffit de savoir que BNY Mellon – numéro 1 du secteur – conserve 28.9 billions de dollars d'actifs (dans le monde entier) pour commencer à appréhender le volume et la qualité d'information que peut recéler cette mine cachée. Au-delà du simple point de vue statique, les mouvements sur les titres procurent un aperçu incroyablement large et précis sur la vie des marchés financiers, accessible à nul autre participant. Voilà bien de quoi exciter les convoitises.

Pionnière, la solution Asset Strategy View concerne exclusivement les États-Unis (initialement ?). C'est donc en collectant, anonymisant, combinant et normalisant les données qui concernent « seulement » 1,7 billions de dollars d'actifs – statistiquement représentatifs, malgré tout, puisque correspondant à environ 20% du « stock » total du pays – que BNY Mellon produira chaque mois un rapport d'analyse détaillé à plusieurs dimensions, sur 14 classes principales d'actifs et 38 sous-catégories, incluant répartitions sectorielles, flux et transferts, résultats…

Ainsi armés, les gestionnaires de fonds, qui devraient constituer l'essentiel de la clientèle du nouveau service, pourront comparer leurs stratégies avec celles de leurs pairs, en accédant à une vue agrégée des choix d'allocation et de l'évolution des positions de l'ensemble des clients de BNY Mellon. Une extension spécifique (« Asset Allocation Trust Universes ») donnera en outre à certains la possibilité d'un étalonnage encore plus fin, en leur proposant de filtrer les évaluations sur des fonds de taille comparables à la leur.

Bien sûr, par rapport au potentiel des données que détient BNY Mellon, le cas d'usage retenu pour cette première solution est plutôt modeste, notamment en termes de complexité d'analyse. Pourtant, la valeur apportée aux clients est déjà apparente. Imaginez alors les opportunités qui restent à saisir… À terme, en prenant de plus en plus d'importance, elles pourraient même permettre d'envisager une mutation du modèle de la conservation de titres, lui-même menacé par d'autres transformations…

Accueil BNY Mellon

dimanche 22 mai 2016

Le mythe de la collaboration banque-fintech

Idée
Popularisée dans le sillage de la crise de 2008 en portant un militantisme « anti-système » déterminé, la FinTech a par la suite mis de l'eau dans son vin. Ces derniers temps, cette évolution tend cependant à susciter des interprétations et des projections à courte vue, qui risquent de dangereusement sous-estimer les défis auxquels doivent faire face les institutions financières traditionnelles.

Naturellement, les mouvements récents du secteur confirment sans ambiguïté une convergence vers un modèle de coopération entre les acteurs historiques et leurs concurrents émergents. Elle transparaît, par exemple, dans le modèle économique d'un Lending Club – qui, loin de l'idéal du « peer-to-peer », est désormais basé sur des véhicules d'investissement classiques –, dans les partenariats conclus par presque tous les robo-advisors américains avec les ténors de Wall Street ou encore dans la stratégie de collaboration de TransferWise, dont un slogan fut pourtant « bye bye banks ».

Une autre idée qui se développe rapidement dans les grands groupes consiste à envisager une politique d'acquisition afin de capitaliser sur les nouveaux modèles développés par les startups. Quelques cas – tels que celui du rachat de Simple par BBVA – illustrent le besoin que ces dernières peuvent rencontrer, plus ou moins tôt dans leur parcours, de s'adosser à des acteurs en place. Plus modestement, l'actualité des mois passés a rapporté plusieurs opérations en France, par lesquelles des banques s'offrent de jeunes pousses, que ce soit pour leurs solutions ou pour leurs talents.

En parallèle, il est vrai que la FinTech paraît peu menaçante : ses parts de marché restent insignifiantes à l'échelle du secteur et elle atteint rarement une clientèle de masse. L'accès à une large audience potentielle est justement l'un des principaux arguments qui font la force des institutions financières et rendent extrêmement attractive l'option de la collaboration (je reviendrai un jour prochain sur le mythe de l'avantage réglementaire). Alors, la tentation est grande de faire du mariage entre ancien et nouveau monde le seul modèle d'avenir et certains observateurs s'y engouffrent.

L'hypothèse est certainement rassurante mais elle néglige beaucoup trop de facteurs pour être réaliste. Tout d'abord, la scène actuelle est représentative d'une première vague d'innovation, qui doit encore prouver sa valeur. Les startups sont donc souvent contraintes de rechercher l'équilibre économique rapidement, ce pour quoi une démarche de partenariat est une solution évidente. Pour autant, leur ambition à long terme reste fréquemment de voler de leurs propres ailes. Par ailleurs, une deuxième vague (dont font partie beaucoup de néo-banques) vise maintenant directement l'autonomie totale.

Il est même possible d'imaginer un scénario (de l'ordre de la théorie du cygne noir) selon lequel une nouvelle crise financière (probable, en tout état de cause) générerait un redoublement de la défiance vis-à-vis de l'establishment parmi la population. Or, contrairement à ce qui s'est produite en 2008, les solutions alternatives de la FinTech sont aujourd'hui prêtes à répondre à la plupart des besoins des consommateurs, résolvant « automatiquement » leur difficulté à capter un volume critique de clients…

Et puis, il faut également s'attarder sur la capacité des entreprises traditionnelles à coopérer avec des structures avec lesquelles elle n'ont rien en commun. La voie de l'acquisition, notamment, est généralement une illusion sans perspective : exécutée trop tôt, elle a toutes les chances de « tuer » l'impulsion créative, tandis que, attendue trop longtemps, elle deviendra coûteuse (voire inabordable). Même lorsque ces risques sont évités, réussir l'intégration parfaite, qui dégage les bénéfices espérés, est une prouesse réservée aux rares organisations ayant accompli leur mutation « digitale ».

Le constat est identique, dans une large mesure, avec les approches de collaboration. Non seulement les échecs dus aux incompatibilités culturelles entre la flexibilité des startups et la lourdeur des grands groupes sont nombreux mais, surtout, ceux-ci ne parviennent pas, souvent, à réellement capitaliser sur ces expériences, qui se transforment alors en initiatives isolées sans valeur globale. En outre, il est bon de se rappeler, à ce stade, que d'autres acteurs (géants du web) sont susceptibles d'offrir des opportunités intéressantes en la matière, avec toute l'efficacité requise.

En conclusion, les établissements historiques devraient se méfier de la légende qui voudrait que la FinTech est, pour ainsi dire, à leur service et (pire encore) qu'il leur suffit d'attendre pour profiter des innovations qu'elle engendrera. Rien n'est plus faux. D'une part, certaines jeunes pousses finiront par leur tailler des croupières et s'emparer d'une partie significative de leurs revenus. D'autre part, les modèles de collaboration, qui se développeront aussi, ne donneront de résultats qu'aux acteurs qui s'y seront préparés.

Stratégie

samedi 21 mai 2016

CIBC propose le crédit hypothécaire sur mobile

CIBC Allô Proprio
Dans la banque, comme dans bien des domaines, il existe des concepts que toute la profession considère impossibles, voire absurdes… jusqu'à ce que quelqu'un les concrétise… Tel est désormais le cas de la vente de crédit hypothécaire sur mobile, dont la canadienne CIBC prouve depuis quelques jours qu'elle n'est pas utopique.

La nouvelle application « Allô Proprio » propose à tous les citoyens, clients ou non de l'établissement, de déposer, suivre et conclure leur demande de prêt entièrement depuis leur smartphone. Tout d'abord, en amont de sa démarche, l'utilisateur bénéficie de conseils, avec des contenus pédagogiques autour de l'accession à la propriété, les arcanes du crédit immobilier, les particularités de l'assurance emprunteur… Il va ensuite pouvoir naviguer parmi la presque totalité des offres de CIBC.

Une fois son choix fixé, le mobinaute est invité à préparer son dossier. Pour ce faire, il remplit un formulaire (espérons que les clients actuels disposent d'un raccourci sur cette phase) puis transmet les justificatifs nécessaires, par simple capture photographique. Le parcours se déroule au rythme de l'utilisateur : il peut interrompre le processus à tout moment (par exemple s'il n'a pas un des documents requis sous la main) et le reprendre quand il le souhaite, au point exact où il s'était arrêté.

Un autre détail révèle tout le soin qui a été apporté à penser la solution en fonction des besoins des clients, puisque les demandes conjointes sont prises en charge (pour un maximum de deux co-emprunteurs, toutefois). Dans ce cas, les partenaires peuvent fournir les informations qui les concernent (y compris les justificatifs) sur le même appareil ou chacun sur le sien. Après soumission du dossier, l'application permet de suivre son avancement pas à pas. Il subsiste hélas une petite mauvaise surprise lors de la dernière étape : la conclusion de l'opération impose l'appel d'un conseiller…

Accueil CIBC Allô Proprio

À cet ensemble plutôt complet, CIBC ajoute une touche de génie, sous la forme d'une option de contact avec un spécialiste attitré, grâce à un outil de messagerie intégré. Le client a ainsi à sa disposition un interlocuteur auquel il peut poser des questions et demander conseil. Plus qu'une réponse à un besoin avéré, cette possibilité apporte surtout un élément de réassurance, qui sera extrêmement utile pour convaincre les consommateurs d'adopter une application pour leur emprunt.

Car, au final, l'enjeu est bien là. L'application « Allô Proprio » ne peut être considérée comme une prouesse technique, même s'il ne faut pas négliger ses impacts sur les processus existants. En revanche, le crédit immobilier (ou hypothécaire) reste souvent perçu, dans les banques traditionnelles, comme un produit complexe et est considéré, à ce titre, comme le domaine réservé du conseiller humain (y compris dans les initiatives, de plus en plus nombreuses, de transposition en ligne, qui sont rarement complètes).

Les responsables du lab d'innovation de CIBC – dans lequel a été conçue et développée la solution – ont donc pris le parti de croire qu'il n'en était rien et ils veulent maintenant vérifier leur hypothèse. Déjà, l'existence de l'application mobile tend à démontrer que la complexité du prêt hypothécaire est une légende. Il restera ensuite à vaincre les possibles réticences des consommateurs, qui peuvent préférer un échange en face à face au moment de s'engager dans une transaction lourde de conséquences.

C'est justement pour stimuler ce saut de confiance qui leur est demandé que la banque propose des taux exclusifs aux utilisateurs de l'application (tout en reconnaissant peut-être au passage que la relation à distance lui permet de réaliser des économies, qu'elle partage avec ses clients). Et je soupçonne que, une fois le mouvement enclenché, une nouvelle habitude commencera à s'installer, la commodité d'un outil mobile pour souscrire un crédit prenant progressivement le pas sur toute autre considération…

jeudi 19 mai 2016

Le paiement mobile simple comme une carte

Android Pay
Il aura fallu le temps, mais tout finit par arriver : avec le déploiement de sa solution Android Pay en Grande-Bretagne, Google parvient, pour la première fois dans le secteur, à offrir une expérience de paiement dont la qualité est équivalente – dans les circonstances les plus courantes – à celle de la carte bancaire qu'elle prétend remplacer !

L'entrée sur le marché britannique – premier hors des États-Unis – n'est pas surprenante, tellement les usages « sans contact » y semblent désormais ancrés dans les habitudes des citoyens, même si leur support favori reste la banale carte en plastique. Naturellement, le fort taux d'équipement des commerçants en terminaux immédiatement compatibles avec la technologie de Google est un autre facteur d'attraction du pays. Finalement, la seule limitation observée est plutôt du côté des banques, de grandes enseignes telles que RBS et Barclays étant absentes des partenaires initiaux.

La maturité des consommateurs a peut-être également joué dans la décision de Google d'introduire un mode de fonctionnement spécifique pour nos amis d'outre-Manche. Ainsi, alors que sa version américaine demande un déverrouillage du téléphone ou un contrôle d'empreinte digitale (comme avec Apple Pay sur l'iPhone) avant d'effectuer une transaction, les anglais pourront payer tous leurs achats de moins de 30 livres sterling (soit l'immense majorité des opérations) d'un simple « tap », sans aucune autre action, exactement comme ils le font aujourd'hui avec leur carte bancaire.

Le progrès peut paraître marginal mais il est probablement essentiel pour l'adoption du paiement sans contact sur smartphone. En effet, il est totalement illusoire d'espérer convaincre un individu d'abandonner un outil qui fonctionne parfaitement, qui répond précisément à son besoin et dont il a l'habitude si le substitut qui lui est proposé n'est pas au moins aussi facile d'utilisation (sachant qu'il est, hélas pour les innovateurs, quasiment impossible de faire plus simple que la carte). Cet obstacle est donc enfin levé.

Paiement avec Android Pay

Le succès n'est pourtant pas garanti, car les craintes pour la sécurité de leurs instruments de paiement, dès lors qu'il n'y a plus de barrière à leur accès, pourraient freiner les ardeurs des consommateurs. Le risque est certes comparable dans le cas de la carte mais cette dernière est généralement beaucoup moins exposée, rangée dans une poche ou au fond d'un sac, qu'un téléphone mobile, qui est constamment entre les mains de son propriétaire. Les comportements seront intéressants à observer…

Dans un registre différent, qui confirme toutefois la détermination inébranlable de Google à prendre position dans les paiements via mobile, Android Pay devient maintenant aussi capable de remplacer la carte dans les automates bancaires (uniquement ceux de Bank of America, pour l'instant), toujours sans changer l'expérience utilisateur. Dans ce cas, l'objectif est évidemment de rendre l'application universelle et d'en faire une nouvelle habitude qui relègue son ancêtre en plastique aux oubliettes…

Quand, presque simultanément à l'actualité de Google, cinq des grandes banques françaises nous annoncent l'ajout d'une option de paiement sans contact sur smartphone à leur initiative Paylib (au fait, quelqu'un utilise Paylib ?), on rêverait que les leçons du géant de l'internet soient entendues, comprises et intégrées. Je dois avouer que, au vu de la communication focalisée sur les évolutions techniques (HCE et tokenisation…), je suis pessimiste : je crains fort que nous n'assistions à une énième implémentation identique à toutes les précédentes et (logiquement) pas plus concluante.

mercredi 18 mai 2016

Quand un telco allemand lance une banque…

O2
En recherche de relais de croissance hors de leurs marchés d'origine désormais saturés, les opérateurs de télécommunication s'intéressent de près aux opportunités de la banque mobile. À l'occasion de l'annonce [PDF] de « O2 Banking » en Allemagne, il est impossible de ne pas établir un parallèle avec notre future « Orange Bank »…

En effet les deux démarches sont tellement opposées qu'elles invitent à une comparaison… voire un pronostic sur leurs chances de succès respectives. Pour résumer le match, présentons succinctement les adversaires en lice. Côté français, nous avons l'acquisition d'un établissement existant (Groupama Banque) – principalement pour sa licence – et, vraisemblablement, la construction d'une offre entièrement nouvelle. Côté allemand, la stratégie repose sur un partenariat avec un acteur jeune et innovant (Fidor Bank), apportant licence et plate-forme informatique.

La première conséquence est manifeste. O2 Banking devrait être lancée vers la fin de l'été, tandis que la banque d'Orange est, pour l'instant, promise pour le début de 2017. Ce n'est évidemment pas une surprise : il est bien plus simple, plus rapide et infiniment moins coûteux d'intégrer une solution existante que d'obtenir une licence (quel que soit le moyen retenu dans ce but) et de bâtir une banque à partir de zéro (ou presque). Il faut également souligner que les risques de retard sont beaucoup moins élevés.

Naturellement, la contrepartie de son choix est, pour l'opérateur allemand, une moindre maîtrise sur les produits et services qu'il pourra déployer auprès de sa clientèle, puisqu'ils dépendent de son partenaire. Toutefois, en confiant une partie du destin de sa banque à Fidor Bank, O2 évitera que cette limitation ne devienne rapidement critique : outre la richesse initiale de sa plate-forme, l'entreprise a largement démontré son agilité et la capacité de son socle technique à intégrer de nouveaux composants.

O2 Banking

Les approches commerciales des opérateurs, elles aussi, divergent radicalement. Quand Orange (avec Groupama) mise sur son réseau de distribution physique pour commercialiser sa solution, O2 – qui possède pourtant 750 points de vente – consacre la totalité de son énergie au canal mobile, en mettant l'accent, par exemple, sur une ouverture de compte en une minute (avec contrôle d'identité par vidéo) et exécution d'opérations (y compris de crédit) à tout heure du jour et de la nuit, 7 jours sur 7.

La convergence des usages mobiles et des services financiers est une évidence qui justifie parfaitement les velléités des opérateurs de prendre position sur les seconds. Cependant, il est tout aussi flagrant que l'enjeu de la banque s'est aujourd'hui déplacé vers l'expérience client et non sur le cœur de l'offre – les produits étant désormais banalisés. En première lecture, l'option prise par O2 est donc plus rationnelle, surtout si la plate-forme de Fidor Bank confirme sa flexibilité dans le temps.

En théorie, à long terme, Orange pourrait reprendre l'avantage grâce à son indépendance. Bien sûr, cela rend beaucoup plus lointain l'espoir d'atteindre le point d'équilibre financier, les investissements nécessaires étant très lourds. De fait, malgré ce handicap, cette voie est clairement celle que préfèrent actuellement les « néo-banques », car la recherche d'un modèle économique viable – caractéristique des startups – requiert une liberté de mouvement maximale, comme l'a montré le cas de Simple.

Dans le cas de l'opérateur français, le défi sera considérable. Tout d'abord, il est, hélas, à craindre que sa stratégie ait plus été dictée par une culture du « fait maison » que par une ambition d'innovation. À sa décharge, il est vrai qu'il n'existe pas en France d'équivalent à Fidor Bank qui eut été capable de lui fournir un système performant. Plus profondément, l'« esprit startup » parviendra-t-il à s'imposer dans une organisation traditionnelle et, de la sorte, à justifier les coûts de la nouvelle banque ?

mardi 17 mai 2016

Acorns investit les coupons de réduction

Acorns
Les prémices en avaient été esquissés dès le lancement, en 2014, de son application de micro-investissement, Acorns permet dorénavant à ses clients d'intégrer dans leurs portefeuilles les points de fidélité qu'ils accumulent grâce à leurs achats auprès d'une poignée de commerçants (Jet.com, 1-800-Flowers.com, Dollar Shave Club…).

Le nouveau système « Found Money » de la startup est ainsi un prolongement logique de son modèle original d'investissement des arrondis sur les dépenses du quotidien, en même temps qu'une manière astucieuse de réinventer les programmes de fidélité du commerce de détail. Le moment est bien choisi car ces derniers, qui n'ont pas évolué depuis bien longtemps, font face à une forte pression des consommateurs d'obtenir des bénéfices immédiats, notamment sous la forme de cashback.

Acorns apporte une réponse inédite et intelligente à cette demande, en lui appliquant aussi sa recette magique : tout est automatique. En pratique, l'utilisateur de l'application n'a qu'à lier sa carte de paiement à son compte et le tour est joué ! Dès qu'il va régler un achat chez un des marchands référencés, celui-ci lui verse une prime (selon des conditions prédéfinies). Mais au lieu de se contenter d'un banal remboursement sur son compte bancaire, vite oublié, la somme est investie dans son portefeuille d'épargne.

Acorns - Found Money

Pour Acorns, comme pour ses clients, l'avantage est, évidemment, de développer les opportunités de placer un peu plus d'argent dans les produits de la jeune pousse. Rappelons que, en arrière-plan, elle opère une sorte de « robo-advisor » – assez classique en dehors de son mode d'alimentation (quasiment centime par centime) – proposant 5 profils de risques différents aux investisseurs qui la rejoignent.

Du côté des commerçants, le dispositif possède un attrait particulier par rapport à des approches plus traditionnelles. En effet, bien qu'il fonctionne sur une base de rabais immédiat (et éphémère), il maintient leur visibilité dans la durée, puisque les versements qu'ils effectuent restent en permanence étiquetés de leur marque au sein de la plate-forme de gestion de portefeuille. On pourrait encore évoquer la valeur d'image que représente pour une entreprise le fait de participer à l'épargne de ses clients…

Les « offres liées à la carte » (CLO) – dont le principe consiste à attribuer automatiquement des promotions aux consommateurs lors de leurs paiements (par carte) – ne semblent pas connaître une immense popularité hors des États-Unis. Le concept entièrement rajeuni par Acorns, avec ses qualités spécifiques (de persistance, notamment), pourrait-il avoir plus de succès ? L'idée mériterait d'être expérimentée

lundi 16 mai 2016

Idea Bank intègre banque et services publics

Idea Bank
Spécialisée dans les services aux petites entreprises, la polonaise Idea Bank poursuit inlassablement ses efforts afin de simplifier la vie de ses clients, bien au-delà de leurs seuls besoins financiers. La dernière nouveauté en date propose une intégration transparente de plusieurs administrations publiques au sein de sa plate-forme Idea Cloud.

En décembre dernier, l'établissement était la première entreprise privée du pays à obtenir – du Ministère de la Digitalisation (!) – l'autorisation d'utiliser le système de communication sécurisé avec les sites web de l'état. Ainsi armée, Idea Bank a rapidement déployé des passerelles entre plusieurs services publics (dont la sécurité sociale et un organe des impôts) et son espace de banque en ligne et mobile. Sur celui-ci, ses clients découvrent donc désormais un nouvel onglet dédié à leurs démarches administratives.

Grâce à cette addition, les entrepreneurs peuvent – sans jamais avoir à quitter l'environnement familier de la banque et sous une interface homogène et cohérente – consulter les dernières informations mises à leur disposition, télécharger les documents officiels dont ils ont besoin (en particulier ceux qui sont exigés pour une demande de crédit), recevoir des notifications à l'approche d'échéances importantes (une déclaration à retourner, un paiement à effectuer…), régler leurs cotisations et autres taxes…

Au-delà de l'accès facilité aux ressources de l'administration, l'ambition d'Idea Bank est également d'apporter des services complémentaires à forte valeur ajoutée à ses clients, en accord avec leur contexte. Il est ainsi évoqué l'hypothèse d'un appel de cotisation pour lequel les provisions du compte courant seraient insuffisantes : la banque pourrait alors proposer au responsable d'exécuter automatiquement une opération appropriée (un virement depuis un autre compte, un enprunt…) afin de régler sa dette.

Idea Cloud

La démarche prend ainsi tout son sens. En parallèle de sa vocation d'accompagner les entrepreneurs dans la conduite de leurs affaires et le développement de leur activité, les interactions avec les administrations représentent également des opportunités commerciales. Qui plus est, pour les clients, qui préfèrent naturellement consacrer toute leur énergie à leur projet plutôt qu'en démarches bureaucratiques, les suggestions émises seront tout autant perçues comme un gain de temps et d'efficacité.

En prolongeant la réflexion (dans une dimension légèrement utopique), la banque rêvée des PME pourrait bien être une plate-forme d'intégration de services globale, capable, entre autres, de pallier aux inefficacités de l'état. En effet, même si les organismes publics se mettent à ouvrir leurs systèmes, rares sont les acteurs susceptibles d'en profiter, faute de pouvoir espérer en tirer une quelconque valeur. Or, par leur position incontournable dans les mouvements d'argent, les banques font partie de ceux-là…

dimanche 15 mai 2016

Sberbank s'aventure dans le « tchat-commerce »

Sberbank
Progressivement, l'immense popularité des applications de messagerie instantanée – WhatsApp, Facebook Messenger, WeChat, Telegram… – transforme les usages mobiles. La russe Sberbank veut capitaliser sur cette tendance en proposant sa propre solution, à laquelle elle ajoute une dimension de services extrêmement ambitieuse.

Annoncée lors de l'édition printanière de Finovate, pour une ouverture (en expérimentation privée) prévue au mois d'août prochain, Sberbank Messenger veut en effet rivaliser frontalement avec les ténors du marché. Pour ce faire, l'application proposera, outre une fonction classique de tchat entre personnes, une véritable plate-forme d'interactions avec des entreprises. Grâce à celle-ci, les consommateurs pourront rechercher et commander toutes sortes de produits et services – jeux, films, fleurs, taxi, course à la demande, conciergerie… – auprès de partenaires de confiance.

Selon les fournisseurs et les besoins, les échanges de messages seront pilotés, au choix, par un assistant virtuel et/ou par un interlocuteur humain. Par ailleurs, en amont des contacts commerciaux directs avec les sociétés hébergées, un moteur de recherche « intelligent » aidera le mobinaute à trouver la meilleure réponse à chacune de ses demandes, en fonction de ses habitudes, ses préférences, sa localisation et autres informations accumulées au fur et à mesure de son utilisation du service.

Sberbank Messenger

Naturellement, la banque sera elle-même présente, sous les traits d'un assistant automatique dédié, prêt à exécuter des opérations courantes telles que virements ou paiements de factures. Pour des questions spécifiques, les clients auront de plus la possibilité de dialoguer avec un conseiller. Surtout, l'ensemble des transactions conduites sur Sberbank Messenger – y compris les échanges d'argent entre particuliers, intégrés nativement – profiteront des capacités de paiement sécurisé de l'établissement.

Il s'agit là du principal argument susceptible de convaincre les consommateurs et les marchands de préférer un outil fourni par une banque à une messagerie généraliste qui offre finalement les mêmes opportunités (WeChat, notamment, est très avancée dans le m-commerce). Il restera à voir si cet avantage est suffisant pour imposer une nouvelle solution. La relation privilégiée entre la banque et ses clients professionnels peut jouer en sa faveur, côté fournisseurs, mais le grand public sera plus difficile à séduire.

Quel que soit l'avenir de Sberbank Messenger, sa naissance répond à une évolution inéluctable de l'écosystème mobile vers une double logique de plate-forme de fédération de services variés (ici le tchat, la banque, les paiements, le commerce…) et d'interactions par messages textuels. Dans cette perspective, le scénario le plus probable pour une banque est de devenir fournisseur de services. Est-il envisageable qu'elle puisse aussi se positionner comme agrégateur ? L'initiative de Sberbank nous le dira…

samedi 14 mai 2016

Il est temps d'enterrer les beacons !

Citi
Ils existent depuis longtemps mais ne sont devenus populaires qu'avec l'annonce de leur adoption par Apple, en 2013. Or, malgré l'emballement médiatique et en dépit de multiples expérimentations, les « beacons » restent discrets dans les banques. Une nouvelle tentative de Citi donne maintenant l'envie d'enterrer définitivement la technologie.

Si vous avez déjà oublié ce qu'est un « beacon », rappelons d'abord qu'il s'agit d'une petite balise Bluetooth qui permet d'identifier les smartphones qui l'entourent, avec une précision de moins d'un mètre, idéale pour une fonction de géolocalisation en intérieur. Hormis quelques concepts originaux (dont celui de Barclays pour l'accueil de personnes handicapées), sa principale application dans le secteur financier reste l'envoi de promotions ciblées aux passants lorsqu'ils sont à proximité d'un point de vente.

Alors, sans surprise, lorsque Citi déploie des « beacons » dans une dizaine de ses agences new-yorkaises, un des premiers cas d'usage implémentés consiste à envoyer des notifications aux clients passant dans un rayon d'une dizaine de mètres, les informant des opérations spéciales en cours dans les lieux. Outre le peu d'intérêt que semble en général rencontrer ce genre de « service », faut-il toujours rappeler qu'il est extrêmement facile à mettre en œuvre sans infrastructure spécifique, simplement grâce aux puces GPS de nos téléphones modernes ?

Le comble du ridicule est pourtant atteint avec une autre option proposée par Citi : l'accès aux automates. Lorsque l'heureux utilisateur passe devant un hall de distributeurs en dehors des heures ouvrées, son application mobile lui demande s'il souhaite en déverrouiller l'accès, ce qu'il peut confirmer d'un geste du doigt. Bien entendu, il va ensuite sortir sa carte bancaire pour réaliser ses opérations…, la même carte qu'il a aujourd'hui l'habitude de présenter pour atteindre les GAB. Où est le progrès ?

Enfin, une dernière fonction évoquée paraît légèrement schizophrénique. Exceptionnellement, elle met à profit la capacité de localisation relativement précise des « beacons ». En l'occurrence, elle invite les visiteurs qui patientent depuis trop longtemps dans la queue au guichet à rejoindre un espace dans lequel sont mis à leur disposition des ordinateurs et tablettes. En résumé, alors que les banques à réseau défendent à tout prix la valeur de proximité de leurs agences, Citi recourt à une technologie impersonnelle pour pallier à leurs déficiences, hélas sans les résoudre.

En 3 ans et des dizaines d'initiatives autour du monde, aucune application réellement convaincante des « beacons » n'a été proposée dans les banques (et je soupçonne que le constat pourrait être étendu à d'autres domaines). Comme dans un cas d'école, nous sommes ici en présence d'une invention technique qui ne rencontre pas d'usage capable d'en assurer le succès. Je me permets donc de recommander d'oublier ces gadgets et focaliser l'énergie ailleurs : il reste bien d'autres opportunités d'innovation à explorer…

Entrée Citibank

vendredi 13 mai 2016

Standard Bank mise sur la co-optation

Standard Bank
Dans un marché plus ou moins saturé, quand les offres tendent à se banaliser, la conquête de nouveaux clients et le développement des ventes représentent un défi. En la matière, l'approche originale de co-optation mise en œuvre par Standard Bank – qui lui vaut le prix de l'innovation du mois décerné par l'EFMA – semble porter ses fruits.

L'idée de départ est finalement triviale : alors que la banque compte plus de 50 000 collaborateurs à travers le monde, dont au moins un tiers n'a pas de contact direct avec la clientèle, serait-il possible en faire des ambassadeurs de l'entreprise et capitaliser sur leurs relations sociales pour stimuler la distribution de ses produits et services ? Il est fréquent qu'un salarié soit interrogé sur son employeur par ses amis ou sa famille. Avec un peu d'aide, ces moments peuvent se transformer en opportunités commerciales.

S#ift est la concrétisation de ce concept. Il s'agit d'une application mobile (XXIème siècle oblige) permettant aux employés de répondre en toutes circonstances, instantanément, aux questions que leur posent leurs proches et, dans le meilleur des cas, les inciter à ouvrir un compte ou souscrire un nouveau contrat. Au-delà du seul engagement vis-à-vis de leur entreprise, des récompenses sont également prévues pour les utilisateurs du logiciel, un peu comme dans un programme classique de co-optation.

La mise en œuvre de la solution a été extrêmement légère et peu coûteuse, le projet ayant été mené (de bout en bout) en 3 mois. Et les résultats sont sans équivoque : avec seulement 2 000 collaborateurs embarqués dans l'aventure (en croissance constante), les effets sur les ventes sont déjà visibles. Des évolutions sont encore prévues afin d'éviter l'effet de lassitude, entre, notamment, l'intégration du service dans l'application bancaire (pour l'ouvrir aussi aux clients, à terme) et l'introduction d'éléments ludiques.

À une époque (lointaine), je suggérais de mettre à contribution les employés (volontaires) pour tester les applications mobiles. Pour Standard Bank, l'ambition est de les inciter à devenir des commerciaux d'appoint. Pourquoi ne pas imaginer maintenant de les inviter à participer au support à la clientèle, par exemple à travers un forum de discussion ? Outre son bénéfice direct, chaque initiative de ce genre est aussi susceptible de concourir à l'évolution de la culture, vers la banque totalement centrée sur son client.

Accueil Standard Bank

jeudi 12 mai 2016

La'Zooz : une blockchain pour une révolution

Quand chaque jour qui passe nous apporte son lot d'innovations, le mot « disruption » tend à être galvaudé. Cependant, les véritables révolutions – de celles qui marquent leur époque – restent rares. Il existe pourtant au moins un concept en vogue actuellement qui porte un sérieux potentiel de transformation globale : la « blockchain ».

Ce ne sont (évidemment) pas les applications envisagées par les institutions financières – finalement toujours très proches des modèles en place (par exemple, lorsqu'elles imaginent un substitut au réseau de messagerie Swift ou un mode alternatif de conservation des titres) – qui sont particulièrement représentatives de cette hypothèse. En revanche, le système que développent, depuis octobre 2013, l'équipe et la communauté La'Zooz fournit une démonstration brillante des possibilités de la blockchain.

De quoi s'agit-il ? Au premier abord, La'Zooz pourrait être considérée comme une « simple » solution collaborative de covoiturage. Toutefois, à y regarder de plus près, on peut y trouver bien plus, jusque à l'esquisse d'une économie parallèle auto-gérée des transports. En effet, l'ensemble de son fonctionnement, depuis la création des applications mobiles jusque au partage de trajets, est placé sous le contrôle de tous les participants, sans qu'aucune autorité centrale n'ait jamais son mot à dire.

En pratique, la technologie qui rend possible une telle vision est une blockchain spécialisée, destinée à gérer une monnaie virtuelle baptisée Zooz. Comme son grand frère le bitcoin, cette dernière est « minée », c'est à dire créée par sa communauté en contrepartie d'un travail rendu. La similitude s'arrête là car ce qui est rémunéré dans le cas présent n'est pas une puissance de calcul mais une participation à la mise en place et aux opérations du service de covoiturage qui constitue la cible (initiale) du service.


Les contributions dont il est question peuvent être de différentes natures. Au plus simple, des investisseurs apportent leur écot et aident ainsi au financement des infrastructures essentielles. Puis viennent, bien entendu, les concepteurs, développeurs et autres designers : tous les logiciels produits sont sous licence libre mais leurs créateurs sont rétribués, en Zooz. Incidemment, dans ces circonstances, le « salaire » versé est déterminé par un vote de la communauté, en fonction de la valeur apportée au projet.

Une troisième option, disponible sous les traits d'une application mobile (pour Android, à ce stade), consiste à enregistrer et partager ses trajets automobiles. Considérant que le modèle de covoiturage n'est viable qu'à condition d'atteindre une masse critique d'utilisateurs, l'objectif fixé dans cette étape préliminaire est donc de récompenser les adoptants précoces, qui démontrent qu'ils sont prêts à proposer leurs places libres, et autres évangélisateurs, concourant à la popularité et à la diffusion du logiciel.

Bien entendu, lorsque le nombre de participants sera considéré suffisant et que le service sera effectivement mis en œuvre, les Zooz serviront également de monnaie d'échange dans les transactions entre conducteurs et passagers (celles-ci étant prises en charge automatiquement par la blockchain). Il faut également remarquer que, si le covoiturage à la demande est l'application visée en priorité, d'autres formes de transport collaboratif pourront être intégrés (par exemple pour la livraison de colis).

Rien ne permet de savoir aujourd'hui si l'idée de La'Zooz parviendra à se matérialiser, d'autant qu'il faut avouer que les principes et règles instaurés semblent relativement complexes (j'ai tendance à considérer que complexité = fragilité). Cependant, quel que soit son avenir, l'expérience représente un point de repère – ou, pour l'exprimer différemment, une référence absolue de la disruption possible – pour tous les acteurs dont elle paraît menacer les modèles, des banques aux services de VTC…

mercredi 11 mai 2016

ING lance un « Coach Épargne » mobile

ING
Les plates-formes d'investissement automatisé se développent un peu partout dans le monde et la France n'échappe pas au phénomène. Nous en arrivons désormais au stade où l'attention des acteurs (plus ou moins) traditionnels est suffisamment éveillée pour qu'ils commencent à réagir, comme le fait ING Direct avec son « Coach Épargne ».

Intégré uniquement dans l'application mobile de la banque orange, cet assistant propose aux clients de réaliser un bilan d'épargne, individuel ou familial, et d'obtenir en quelques minutes une recommandation d'optimisation. Concrètement, après avoir fourni sa situation personnelle, son patrimoine et ses revenus, l'utilisateur se voit présenter une première analyse macroscopique, synthétisant la répartition de ses avoirs et suggérant déjà un éventuel ajustement de l'épargne de précaution (disponible immédiatement).

Une deuxième étape va ensuite compléter cette vision rudimentaire. Il suffit de répondre à quelques questions destinées à déterminer un profil d'appétence au risque et l'outil définit alors une stratégie d'épargne adaptée, avec une répartition des actifs sur différents supports. À ce stade, le simulateur invite le client à découvrir les produits correspondants dans le catalogue ING, mais son rôle ne va pas plus loin : il n'est pas prévu, notamment, d'accès direct à la souscription ou à l'exécution des arbitrages conseillés.

Malgré cette importante limitation, le « Coach Épargne » n'est pas dénué d'intérêt, y compris en comparaison de solutions similaires, telles que les robots-conseillers. D'une part, il présente l'avantage de traiter le sujet de l'épargne dans son ensemble plutôt que de se focaliser exclusivement sur l'investissement. D'autre part, il utilise des algorithmes intelligents, non pour optimiser le portefeuille, mais pour établir un profil d'épargnant, à partir des données collectées (parmi lesquelles figure la situation des comptes).

ING Direct - Coach Épargne

La banque prend soin de préciser que cette version initiale du service est un « MVP » (« Minimum Viable Product », tiré de l'approche « Lean Startup »). Elle laisse donc entendre qu'il évoluera en fonction des réactions des clients. Parmi les ajouts souhaitables, la priorité pourrait être de favoriser la mise en œuvre des recommandations émises (en fin de parcours), le suivi du portefeuille (et ses ajustements possibles) et, idéalement, l'intégration automatique des comptes tiers (les données des comptes ING étant incluses par défaut) dans la phase de découverte du patrimoine.

Après le lancement récent de la plate-forme Grisbee par Finansemble, il semble se dessiner actuellement une vraie tendance autour du conseil global sur l'épargne, peut-être mieux adapté à la culture financière de nos compatriotes que les solutions ne traitant que d'investissement. À cette occasion, ING Direct démontre une belle capacité à lancer un projet à partir d'une idée émergente, en adoptant une démarche appropriée, qui lui permettra de converger avec ses clients vers un service utile et performant.

mardi 10 mai 2016

Le bac à sable britannique est ouvert !

Financial Conduct Authority (FCA)
Annoncé formellement en avril dernier, le « bac à sable » réglementaire britannique – destiné à faciliter l'expérimentation de nouveaux produits et services dans le secteur financier – a officiellement ouvert ses portes ce 9 mai. Le moment est donc venu d'en explorer les modalités pratiques et de mesurer l'ambition qui l'inspire.

Pour mémoire, le principe du « bac à sable » est d'offrir un cadre réglementaire adapté facilitant le déploiement rapide d'un concept innovant, dans des conditions réelles mais sur un périmètre réduit (auprès d'un nombre limité de clients, par exemple). L'objectif est de permettre aux entrepreneurs de tester de nouvelles idées sans avoir à s'inscrire dès l'origine dans des processus de conformité lourds, longs et coûteux, et, ainsi, de pouvoir s'assurer de la viabilité du modèle envisagé, dans un contexte optimal.

L'initiative ne s'adresse pas uniquement aux jeunes pousses qui souhaitent lancer un service plus ou moins inédit. Elle peut également concerner les acteurs opérant déjà sous un régime réglementé. Si les premières bénéficient d'une sorte de blanc-seing pour mener leurs expérimentations, les secondes profiteront d'une assistance en matière d'applicabilité des obligations auxquelles elles sont soumises (jusqu'à une possibilité de dérogation) et une protection contre les sanctions en cas de problèmes inattendus.

Naturellement, ces allègements d'exigences ne sont proposés que sous conditions. Déjà, lors du dépôt de candidature (la procédure étant par ailleurs très simple), les critères de sélection sont apparents : le « bac à sable » ne peut concerner que des concepts dont le caractère innovant et l'apport de valeur aux consommateurs doivent être démontrés. Notons au passage que les startups dont le modèle d'affaires requiert une licence bancaire ne sont pas éligibles (elles sont redirigées vers un dispositif spécifique).

Une fois l'accord obtenu – c'est-à-dire si l'autorité à la manœuvre, la FCA, considère que ses critères de sélection sont respectés –, les bénéficiaires ne seront pas pour autant totalement libres de leurs mouvements. Les expérimentations seront suivies de près pendant tout leur déroulement. Pour ce faire, un plan de pilotage adapté et rapproché (un reporting hebdomadaire est évoqué) sera instauré dès la mise en place. La conclusion des tests devra également donner lieu à l'établissement d'un bilan complet.

Incidemment, un aspect notable de la démarche est l'intention affichée par le régulateur de capitaliser sur les expériences des entreprises intégrées dans le programme et d'en partager les résultats avec l'ensemble de l'industrie.

L'approche pourra paraître contraignante, mais c'est le prix à payer pour accélérer le lancement de tests tout en limitant les risques de dérives. Un reproche plus sérieux qui pourrait lui être fait est d'organiser le « bac à sable » par « fournées », avec un premier contingent pour l'été et le suivant en fin d'année, qui plus est avec des délais de traitements relativement longs (les candidatures sont acceptées jusqu'au 8 juillet, pour une décision communiquée vers la mi-août). Impossible d'improviser…

Finalement, la cible de la FCA n'est pas tant d'assouplir les conditions réglementaires applicables aux acteurs émergents que de leur offrir des conditions de mise en conformité plus flexibles (ce qui, il faut le souligner, requiert des moyens conséquents, en raison du suivi individuel à assurer). Il s'agit donc d'un prolongement des initiatives précédentes focalisées sur l'accompagnement de l'innovation. Ceux qui craignaient des prises de risque inconsidérées peuvent se rassurer et l'écosystème de la FinTech se réjouir…

Bac à Sable