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C'est pas mon idée !

lundi 30 avril 2018

Barclays et PayPal, meilleurs amis du monde

Barclays
Dans un retournement de situation dont l'ironie sautera aux yeux de ceux qui ont connu, au siècle dernier, les débuts difficiles de leurs relations, les partenariats avec les banques semblent désormais devenir la norme pour PayPal. Et celui qu'elle vient juste de conclure avec la britannique Barclays est l'un des plus extensifs à ce jour…

La première partie de cette nouvelle collaboration reste relativement classique, puisqu'elle permettra aux clients particuliers de la banque de connecter facilement et rapidement leurs cartes de débit et de crédit à leur compte PayPal. Double cerise sur le gâteau, les cartes virtuelles arboreront les couleurs de Barclays afin de les identifier instantanément et les informations correspondantes seront automatiquement actualisées lors des renouvellements, à l'arrivée à échéance ou en cas de remplacement anticipé.

À l'inverse, et c'est plus surprenant car les deux solutions paraissent concurrentes, les utilisateurs du porte-monnaie mobile PingIt auront également la possibilité de lui associer leur compte PayPal de manière à étendre les possibilités d'utiliser leur argent en toutes circonstances. Enfin (pour le volet grand public), les clients américains de Barclays auront la possibilité d'utiliser les primes que leur rapportent leur carte de crédit auprès des commerçants acceptant les paiements par PayPal, partout dans le monde.

Le plus important est cependant à rechercher du côté des professionnels. En effet, les commerçants en ligne qui recourent au service de PayPal pour gérer les paiements pourront maintenant intégrer cette partie de leur activité au sein du tableau de bord consolidé de la plate-forme SmartBusiness. Rappelons que cette dernière est conçue pour donner aux responsables d'entreprise une vision à 360° de leurs finances ainsi que des outils de pilotage adaptés. L'ajout de PayPal y est donc particulièrement bienvenu.

Décidément, le statut de la « vieille » startup (elle atteint presque 20 ans !) a bien changé. Elle est aujourd'hui considérée comme un partenaire naturel – et progressivement incontournable – des institutions financières, au même titre que, par exemple, les opérateurs de réseaux Visa et MasterCard. Est-ce une coïncidence si cette nouvelle respectabilité intervient à un moment où une nouvelle génération de solutions de paiement émerge, en s'attaquant directement à ses bastions historiques ?

PayPal

dimanche 29 avril 2018

Ces idées fausses sur les bacs à sable…

Microscope
L'univers des régulateurs de la finance se divise en 2 catégories : ceux qui mettent en place des « bacs à sable », afin de faciliter les expérimentations des startups et des acteurs établis (au Royaume-Uni, en Suisse, à Singapour…), et ceux qui écartent une telle éventualité (par exemple en France)… parfois pour de mauvaises raisons.

Jason Henrichs, ardent défenseur de la généralisation de ce genre de dispositif (aux États-Unis, en l'occurrence) souligne, dans un article pour American Banker, quelques-uns des principaux arguments brandis par les opposants au principe même de « bac à sable » réglementaire, que j'entends moi-même régulièrement dans la bouche de différentes parties prenantes du sujet à Paris (y compris, il y a quelques jours encore, à l'occasion de FinTech R:Evolution, l'événement de l'association France FinTech).

Ainsi, en dépit des exemples qu'offrent les pionniers et, en particulier, celui de nos voisins d'outre-Manche, le premier motif de refus formulé par les adversaires du « bac à sable » est qu'il est hors de question de créer un régime réglementaire à deux vitesses, un mode « normal » applicable aux grandes institutions financières et un mode « simplifié » pour les jeunes pousses, qui non seulement favoriserait indûment ces dernières mais pourrait en outre introduire des risques inacceptables pour les consommateurs.

Or cette perception de ce que serait ou de ce qu'impliquerait un « bac à sable » est totalement fausse. En aucune manière ne s'agit-il d'imposer, pour une même activité, des exigences et des contraintes différenciés selon tel ou tel critère. De plus, il est parfaitement possible – les précurseurs le démontrent amplement – d'instaurer un « bac à sable » sans engendrer une quelconque distorsion de concurrence et en conservant en permanence un contrôle étroit sur les dangers induits auprès des clients concernés.

En effet, le but recherché n'est pas d'adapter le contenu de la réglementation aux innovations (le « quoi ») mais seulement la manière de la mettre en œuvre (le « comment »). Le raisonnement est facile à comprendre. Si, pour des produits et services classiques, il est logique de demander à ceux qui les créent de se conformer a priori à la loi, en respectant des processus connus et rodés, il en va autrement pour des solutions originales, dont il est même difficile de savoir à quels textes elles sont soumises.

Dans cette perspective, le « bac à sable » a vocation à gérer l'incertitude au mieux pour tous les intervenants, en requérant un suivi rapproché du projet (toutes les semaines dans le cas britannique), de manière à s'assurer que, à défaut de conformité pré-certifiée, l'esprit de la réglementation est respecté à chaque étape de son développement. Les démarches innovantes subissent de la sorte un minimum d'entraves, sans compromettre la mission du régulateur. En parallèle, ce dernier profite d'une expérience incomparable, sur le terrain, pour mieux ajuster son rôle aux transformations du secteur financier.

Naturellement, un tel dispositif de proximité nécessite des efforts et des moyens conséquents, ce qui peut constituer un obstacle réel à sa mise en place, notamment dans les pays où l'engagement en faveur de la FinTech n'est pas aussi profond que le laissent entendre les discours. Mais, en tout état de cause, il serait souhaitable d'arrêter de dénigrer le concept de « bac à sable » sous des prétextes fallacieux.

Microscope

samedi 28 avril 2018

Quel est le coût d'une défaillance informatique ?

BB&T
Pour ceux qui douteraient encore du statut d'entreprise technologique d'une banque, il suffit de constater les conséquences d'une défaillance informatique pour changer d'avis. L'incident qui a récemment affecté les clients de l'américaine BB&T pendant plus de 3 jours procure une occasion unique de plonger au cœur du sujet.

Tout commence le 24 février dernier (un samedi, évidemment !) par une panne sur un équipement dans le centre de production de la banque… et un plan de secours inopérant. S'ensuivent 3 jours durant lesquels les services en ligne, les applications mobiles et les automates de l'établissement restent inaccessibles, déclenchant une vague de colère parmi ses clients, incapables de réaliser leurs opérations. La situation incite son PDG, Kelly King, à partager sur Twitter une vidéo d'excuses le 27 février.

Dans ce genre de circonstances, l'impact qui vient instantanément à l'esprit est la dégradation de l'image de l'entreprise, qui affecte la confiance des clients et, par conséquent, le volume d'affaires qu'ils sont susceptibles de lui confier. Ces effets s'avèrent cependant difficiles à évaluer en dollars sonnants et trébuchants. En revanche, BB&T a estimé le coût immédiat de l'événement sur son chiffre d'affaires : 15 millions de dollars de revenus manqués et 5 millions de dollars de dépenses directes.

Il faut ici préciser que la banque n'a pas lésiné sur les mesures de compensation, afin de limiter les retombées négatives de l'indisponibilité de ses services : outre une étude attentive de toutes les réclamations individuelles, tous les frais de découvert et de retrait sur des GAB « étrangers » supportés pendant la période, qu'ils soient dus ou non à l'incident, seront intégralement remboursés aux détenteurs de comptes.

Excuses du PDG de BB&T

Il ne s'agit probablement que de la partie émergée de l'iceberg mais le fait de mettre un prix sur un bogue informatique permet de prendre conscience de l'enjeu. Car ce que révèle en réalité l'affaire de BB&T est le danger des systèmes anciens (ce qu'on appelle le « legacy » dans le jargon) et l'urgence d'une modernisation en profondeur.

La fréquence croissante avec laquelle les défaillances des banques font l'actualité est révélatrice à la fois de l'importance critique d'une disponibilité permanente de leurs applications pour les clients et d'une dégradation générale de la situation de leur informatique. Cette dernière n'est pas toujours visible car elle résulte d'une évolution lente qui voit converger une exploitation des vieilles solutions aux limites de leurs capacités avec une attrition progressive (par l'âge) des experts capables de les maintenir à niveau.

Selon une étude citée par l'article d'American Banker, les banques (aux États-Unis, en l'occurrence) savent qu'elles doivent réagir et que leur avenir dépend d'une rénovation. Mais elles sont aussi nombreuses à hésiter à s'engager dans un tel chantier, coûteux et risqué (comme l'illustre le long et grave incident survenu lors de la migration de plate-forme de TSB). Il devient pourtant dangereux d'attendre car la complexité des systèmes d'information ne fait que croître, entraînant avec elle vers le haut le montant de la facture et la difficulté de la transformation. Les atermoiements ne sont plus de mise.

vendredi 27 avril 2018

Ces transformations qui n'en sont pas

Forrester
Les institutions financières, comme les entreprises d'autres secteurs, se déclarent toutes engagées dans leur transformation « digitale ». Pourtant quand Forrester interroge leurs décideurs, le constat est beaucoup plus nuancé et les initiatives en cours paraissent plus tenir de l'évolution cosmétique que d'un changement en profondeur.

Le principal résultat de l'enquête menée auprès de 1 600 responsables métier et informatiques de sociétés nord-américaines et européennes est l'état des lieux de la transformation dans ces structures. À un bout du spectre, 22% d'entre elles n'ont encore rien entamé, tandis que de l'autre côté, presque autant (21%) considèrent en avoir terminé. Cette dernière affirmation fait bondir l'analyste Ted Schadler qui estime que le propre de l'ère « digitale » est qu'elle induit un état de remise en question permanente.

Par ailleurs, il exprime de sérieux doutes vis-à-vis des 56% restant, qui affirment donc être actuellement en plein chantier. Le fait que, notamment, seulement un tiers des banques et compagnies d'assurances faisant partie de l'échantillon aient pris la peine d'inclure la transformation du marketing dans leurs plans lui semble révélateur de démarches de modernisation aux ambitions trop limitées pour répondre aux vrais enjeux. L'idée qu'il faut remanier l'entreprise de fond en comble n'est pas encore passée.

Enquête Forrester sur la Transformation Digitale

Ces conclusions rejoignent ce qu'on peut observer autour de soi en tant que consommateur. Certes, les outils numériques se développent – applications mobiles, signature électronique, ouverture de compte à distance… – et rendent les opérations plus faciles. Mais qu'ont fait les acteurs de la banque et de l'assurance pour mieux prendre en compte les attentes du client « digital » ? Où est, par exemple, le conseil personnalisé, délivré au bon moment, prêt à être mis en œuvre d'un geste, sur n'importe quel canal ?

Le problème de fond, que j'abordais déjà hier sous un angle différent, tient au manque de lucidité des dirigeants face aux mutations qui affectent l'environnement dans lequel évoluent leurs entreprises, surtout dans le secteur financier. La faible culture technologique de la plupart d'entre eux – quand il ne s'agit pas d'une aversion pure et simple à l'informatique – les empêche de prendre conscience de la capacité de l'innovation technologique à permettre d'envisager leur métier d'une toute autre manière… qui, incidemment, est celle que leurs clients demandent ou demanderont bientôt.

jeudi 26 avril 2018

Digital ou numérique, quelle différence ?

ABN AMRO
Digital par-ci, digital par-là, le terme « digital » s'invite partout, au grand dam des puristes pour qui il représente ce qui se rapporte au doigt, lui préférant l'adjectif « numérique » pour l'usage vers lequel il dérive. Il faut pourtant bien faire la différence entre ces mots, comme le fait aussi le responsable de l'innovation d'ABN AMRO avec la déclinaison en anglais du même débat, entre « digitization » et « digitalization ».

Au-delà de la question sémantique, qui peut paraître triviale, j'adhère sans réserve à l'avertissement d'Arjan van Os : quand l'entreprise, voire le monde, est en passe de s'engager dans une transformation « digitale », il est essentiel de comprendre de quoi il retourne pour ne pas s'égarer. À ceux qui douteraient encore, l'actualité nous offre quotidiennement des démonstrations de la confusion persistante, depuis les initiatives de dématérialisation jusqu'aux grands plans stratégiques des banques.

Afin de clarifier les écarts entre les deux concepts, commençons par le plus simple d'entre eux : « numérique » se rapport à une évolution qui date des débuts de l'informatique. Il s'agit donc de profiter des capacités technologiques pour automatiser des activités humaines et rendre plus efficaces les processus existants. Remplacer la signature d'un document imprimé par un équivalent sur une tablette, créer une application mobile pour réaliser les opérations courantes… sont des exemples caractéristiques.

Digital Babylonian Confusion

Derrière la notion de « digital », en revanche, il faut entendre une véritable mutation de l'entreprise, qui lui permet de s'adapter aux nouvelles réalités de son environnement et, en particulier, des attentes de ses clients. Dans cette perspective, elle implique des changements de stratégie, de modèle économique, d'approche opérationnelle, de culture… La transition d'une logique de vente de produits financiers vers l'accompagnement du consommateur dans sa vie quotidienne – avec tous les outils nécessaires, tels qu'un conseiller virtuel personnalisé – en serait une illustration.

En arrière-plan, l'innovation est une composante essentielle de toute transformation. Mais elle possède ses nuances. Incrémentale et tactique pour une cible « numérique », elle se fait disruptive et stratégique pour porter la « digitalisation » de l'entreprise. Dans le premier cas, elle peut s'inscrire dans le fonctionnement habituel, dans une structure isolée intervenant ponctuellement, tandis que dans le second cas, elle doit imprégner l'ensemble de l'organisation et inspirer toutes les décisions et toutes les activités.

L'enjeu critique des institutions financières aujourd'hui est bien de devenir « digitales », dans leur essence, et il ne suffit pas pour atteindre cet objectif de lancer quelques projets informatiques destinés à automatiser telle ou telle tâche ou réduire les coûts de tel ou tel acte. Or, si on analyse en détail leurs réalisations et leurs orientations, on se rend compte qu'elles ont bien peu avancé dans leurs démarches réellement « digitales »…

mercredi 25 avril 2018

Diviser les coûts projet par 3 ? Ne rêvez pas !

Celent
Quand les analystes du cabinet Celent – par ailleurs très pertinents sur les thèmes de la banque et de l'assurance – s'aventurent sur le terrain du Système d'Information, il leur arrive de s'égarer dangereusement. Ainsi, la promesse réitérée de diviser les coûts de développement par 3 en adoptant des approches modernes n'est pas tenable.

L'expérience devrait pourtant dicter la prudence : chaque innovation, petite ou grande, dans les pratiques de conception et de réalisation de projets informatiques est systématiquement vantée comme un moyen de faire des économies… jusqu'au moment où, le réalisme reprend le dessus, et les conseilleurs les plus raisonnables finissent par admettre que les bénéfices sont à rechercher ailleurs. Celent semble ici tomber dans le panneau avec une série de concepts qui ne sont même pas tous très nouveaux.

La recette magique que proposent d'appliquer Michael Fitzgerald et Tom Scales, pour transformer l'assurance, en l'occurence, consiste à combiner les dernières tendances de l'univers du logiciel : infrastructure en cloud, intégration par API, architecture de micro-services, design centré sur le client, développement agile en équipes resserrées, DevOps… Et de conclure qu'elles permettraient d'économiser 65 cents sur chaque dollar dépensé à créer un ensemble de fonctions par les méthodes traditionnelles.

Analysons en détail quelques-unes de ces propositions, pour abattre un certain nombre de mythes persistants. Le recours au cloud computing, tout d'abord, est présenté depuis des années comme un vecteur majeur de réduction de coûts. Pourquoi, alors, les cas de succès (sur ce plan) sont-ils si rares ? Parce qu'il s'agit d'une illusion. Seule la rationalisation et la standardisation techniques qu'impose le cloud génèrent les économies et non le modèle d'infrastructure lui-même (au moins dans un grand groupe).

Economiser sur les coûts des projets selon Celent

L'argument des micro-services et des API est encore plus spécieux quand il est mis en regard de l'« intégration SOA ». En effet, le principe de l'« architecture orientée services » (cette fameuse SOA, qui n'est en aucun cas un modèle d'intégration) ne change pas parce qu'il est affublé de nouveaux noms par les gourous contemporains. Et 15 ans de mises en œuvre démontrent sans ambiguïté qu'il est source de surcoûts dans les projets… ne serait-ce que parce qu'il exige une préparation et une conception précises.

Enfin, la « centricité client » et les démarches agiles n'ont certainement pas vocation à affecter les coûts de développement de manière significative. Leur objectif principal est de garantir que le budget alloué est utilisé efficacement pour produire une solution qui réponde au mieux au besoin de son futur utilisateur. En pratique, il n'est pas rare que les demandeurs se rendent compte que, pour remplir cette mission, il leur faut dépenser plus que s'ils se contentaient de la traduction d'un cahier des charges en application.

En synthèse, la position défendue par Celent est dramatiquement fausse pour 2 raisons. D'une part, les approches modernes ne vont pas en soi aider à réduire la facture des projets, seuls des efforts généraux sur l'architecture des systèmes sont susceptibles d'y parvenir, et évidemment pas dans les proportions envisagées. D'autre part, l'enjeu de ces nouvelles pratiques ne porte résolument pas sur les coûts mais sur l'adaptation – à tout prix ! – de l'offre de l'entreprise aux attentes de ses clients à l'ère « digitale ».

mardi 24 avril 2018

RBS préparerait sa néo-banque

NatWest
Selon un article de Forbes, la rumeur qui prête l'ambition à la britannique RBS de créer sa propre néo-banque serait une réalité, qui pourrait déboucher cette année, sous la forme d'un lancement en beta version. Par certains aspects, l'initiative rappelle quelques tristes souvenirs mais les conditions d'aujourd'hui induisent d'autres exigences.

D'emblée, la démarche que semble prendre la britannique ressemble à celle qui avait conduit à la naissance de Hello Bank! dans BNP Paribas, il y a tout juste 5 ans : une équipe resserrée (80 personnes, tout de même) dans une structure semi-autonome, pour bâtir une banque 100% mobile, dont l'objectif est de séduire au moins 1 million des 7,5 millions de clients de NatWest (filiale de RBS) en capitalisant sur une efficacité opérationnelle générant des économies significatives sur ces « transfuges ».

Quels que soient les résultats commerciaux de la française, du point de vue de l'innovation, on a vu au fil des mois et des ans qu'elle n'était pas suffisamment en rupture avec sa parente pour marquer sa spécificité auprès de sa cible. Pour RBS, le défi est encore plus gigantesque en 2018 car son projet s'inscrit dans un contexte radicalement différent. En effet, les néo-banques, nombreuses au Royaume-Uni, ont conquis des centaines de milliers de clients, avec des propositions de valeurs distinctives.

Or, dans cet environnement aussi stimulant que difficile, RBS a apparemment le désir de s'engager dans une voie résolument nouvelle, puisqu'une des principales caractéristiques de sa future solution consisterait à adopter un autre modèle économique que celui qui régit l'activité des banques (de détail) depuis plus de 500 ans, à base d'intermédiation entre les dépôts et les crédits. Il est vrai que celui-ci est sérieusement malmené avec les niveaux de taux d'intérêts très bas en vigueur depuis plusieurs années.

NatWest

Et il n'est évidemment pas question de repli sur l'impasse empruntée par tellement d'établissements, qui rêvent de compenser leurs pertes de revenus en augmentant les frais facturés sur leurs offres, sans même essayer d'améliorer le service rendu. Non, la direction que prendrait RBS serait celle d'une place de marché mettant à la disposition des clients un vaste catalogue de produits (générateurs de commissions) émanant de différents fournisseurs et permettant de répondre au mieux à tous les besoins, surtout si une fonction d'assistance intelligente est incluse pour accompagner l'utilisateur.

Ainsi présentée, la stratégie est incontestablement fascinante, jusqu'à insinuer l'éventualité d'un scénario de cannibalisation (au moins partielle, ce qui est assumé) de l'entreprise historique – qui n'est pas encore totalement remise de sa débâcle dans la crise de 2008 – par la startup interne. Avant d'en arriver là, il faudra cependant que RBS et l'équipe en charge du projet fassent la preuve de leur capacité d'exécution : dresser un plan ambitieux est un premier pas mais le moment de vérité sera la mise en œuvre. Rendez-vous au troisième trimestre (normalement) pour faire un point d'étape !

lundi 23 avril 2018

La lutte contre la fraude à l'ère de l'IA

Stripe
Pour qui gère des milliards d'euros de paiements pour plus de 100 000 entreprises dans 195 pays à travers le monde, la fraude est évidemment un sujet brûlant, méritant les solutions les plus modernes et les plus efficaces. La nouvelle version de la solution de protection de Stripe peut ainsi être considérée comme un modèle du genre.

Radar 2.0, l'outil en question, voit son moteur d'apprentissage automatique (« machine learning ») sensiblement renforcé afin d'améliorer son taux de détection de fraude de 25%, sans dégradation de la proportion de faux positifs, par rapport aux modèles précédents. Progressivement mis en œuvre pour tous les sites de e-commerce clients du service de paiement, il comporte également une déclinaison permettant aux grandes structures de personnaliser les règles d'analyse et le suivi des opérations.

Outre un raffinement des algorithmes d'apprentissage utilisés, le premier axe d'amélioration de l'approche de Stripe consiste à multiplier les données sur lesquelles ils s'appuient. Ce sont désormais des centaines de milliards d'événements qui peuvent être traités en (presque) temps réel pour distinguer une transaction légitime d'une tentative de malversation. La surface de couverture de la startup est, en cela, un facteur important : grâce à sa présence étendue, la carte utilisée lors d'un règlement a 89% de chances d'être déjà apparue sur son réseau (et donc d'avoir un motif d'usage identifié).

Stripe – Radar for Fraud Teams

Tout aussi important et beaucoup plus intéressant, le deuxième axe consiste à faire évoluer quotidiennement l'« entraînement » et les modèles d'apprentissage déployés, afin de répondre plus rapidement aux changements de techniques toujours plus fréquents qu'imaginent les fraudeurs pour passer entre les mailles du filet. Même les réglages spécifiques par typologie de clients (les styles d'attaque étant naturellement différents entre un bijoutier et un restaurant en ligne…) sont réajustés tous les jours.

Ce que reflète cette accélération apparemment triviale est en fait une véritable révolution, par laquelle Stripe confie entièrement les rênes de la lutte contre la fraude à l'intelligence artificielle ! Jusqu'à maintenant, les modifications étaient élaborées sous la supervision de spécialistes de l'apprentissage automatique qui validaient les résultats avant une mise en production. Désormais, la démarche d'optimisation est intégralement pilotée par les algorithmes et le contrôle humain interviendra, au mieux, a posteriori.

Si les bénéfices de cette automatisation du processus sont clairs (au moins en termes de réactivité par rapport aux nouvelles menaces), il faut admettre qu'elle représente un extraordinaire acte de foi en la qualité des solutions d'IA utilisées ! Il faudra pourtant probablement accepter sa généralisation, seule capable de maintenir l'équilibre de la terreur face à l'explosion de la fraude. La question cruciale sera alors : quels acteurs parviendront à faire le grand saut avant qu'une catastrophe ne les surprenne ?

dimanche 22 avril 2018

À 189 ans, La Parisienne fait sa cure de jouvence

La Parisienne
Née en 1829, la plus ancienne compagnie d'assurances indépendante de France est aussi la plus en pointe dans les grandes tendances du secteur : après l'adoption d'un modèle exclusivement B2B2C depuis 4 ans, La Parisienne expose son catalogue de produits adaptés aux nouveaux comportements des consommateurs sous forme d'API.

C'est pour accompagner la transition de l'économie d'une logique de propriété vers une consommation à l'usage, dans laquelle les utilisateurs demandent des services instantanés, personnalisés, disponibles en tout lieu et à tout moment, que la vénérable compagnie veut faire de sa plate-forme IPaaS (pour « Insurance Product as a Service ») le point d'accès universel à ses solutions, standards ou sur mesure, pour tous les distributeurs, qu'ils soient professionnels de l'assurance ou non.

Le portail d'API public qui matérialise cette ambition propose donc aux clients de La Parisienne d'intégrer les produits qui les intéressent en quelques lignes de code. Son fonctionnement est classique : une simple inscription permet de commencer à expérimenter les versions de test des API, le passage en production demandant la formalisation du partenariat. Actuellement, une dizaine de contrats sont mis ainsi à la disposition des distributeurs mais l'approche a vocation à être généralisée.

Par ailleurs, la compagnie propose le même mode opératoire pour les solutions qu'elle conçoit à façon, à la demande de ses clients, et qu'elle expose dans un espace privatif du portail. Dans ce domaine, elle vante sa réactivité et la rapidité de mise en œuvre qu'elle autorise sur l'ensemble de la chaîne de développement : de 3 à 15 semaines pour créer le produit (selon une méthode agile de son cru, Bespoke), une heure pour le déployer en test, moins de 10 jours (normalement) pour son intégration par le distributeur… 

La Parisienne iPaaS

Pour répondre aux besoins d'instantanéité des consommateurs (en l'occurrence sur la prise en charge des sinistres), La Parisienne complète progressivement son catalogue de contrats de facture classique avec des solutions paramétriques, basées sur des indicateurs publics ou privés, dont l'indemnisation est alors entièrement automatique, sans requérir de déclaration de la part de l'assuré. On ne s'arrêtera pas sur l'utilisation d'une blockchain privée pour cette application, où elle n'apporte aucun bénéfice.

Autre petite réserve à signaler, la réalité du portail public n'est pas encore à la hauteur de la promesse. En effet, non seulement à peine un quart des produits de La Parisienne y sont présents à ce jour mais, surtout, la plupart ne proposent qu'un service de calcul de devis et seuls deux d'entre eux proposent aussi la souscription et la déclaration de sinistres. Il est vrai que, apparemment, les interfaces sont déployées selon la demande des clients et que la procédure, désormais rodée, ne prendrait qu'une semaine.

Quoi qu'il en soit, La Parisienne est une des premières compagnies à installer solidement l'assurance dans le monde « digital » d'aujourd'hui. Grâce à ses API et sa gamme de produits flexibles et personnalisables, elle permet à toutes sortes d'acteurs – courtiers, startups de l'InsurTech, opérateurs de l'économie de partage, commerçants… – d'offrir aux consommateurs une couverture immédiate et contextuelle, ajustée précisément à leurs besoins, intégrée dans l'expérience à laquelle ils sont habitués…

samedi 21 avril 2018

L'impossible greffe de la FinTech dans la banque

Jeune pousse
Même s'il est probablement trop tôt pour se faire un avis définitif, il serait stérile de contester le constat que dresse Fabien Giuliani dans un article pour FrenchWeb selon lequel les acquisitions de startups de la FinTech par les banques françaises ne produisent pas les bénéfices attendus. Il est intéressant d'explorer les raisons de ces échecs.

Pour F. Giuliani, qui cite les exemples de Nickel, Fidor et KissKissBankBank (absorbés par BNP Paribas, BPCE et La Banque Postale, respectivement), ce sont les motivations des institutions financières qui sont responsables des déconvenues. Les objectifs de capter les talents et/ou d'étouffer une concurrence potentielle induisent une pétrification de la créativité et de l'innovation chez les jeunes pousses, qui doivent « rentrer dans le rang » plutôt que de devenir des partenaires agiles pour créer de nouvelles offres.

Je ne doute pas que ces situations existent mais je suis également convaincu que de nombreuses acquisitions sont tout de même portées par une ambition réelle et sincère d'améliorer les services de la banque. Ce sont alors de toutes autres causes qui, dans la plupart des cas, mènent celles-ci aussi, malheureusement, à des déceptions. En synthèse, il est parfaitement illusoire d'imaginer intégrer une solution exogène dans une organisation qui n'a pas d'abord procédé à sa révolution interne vers plus d'ouverture.

Le premier domaine dans lequel cette défaillance s'exprime (brutalement) est l'informatique. Dans les systèmes d'information des grands groupes, monolithiques et constitués en silos étanches, il est quasiment impossible d'assurer des échanges fluides et transparents avec des services qui n'ont pas été conçus nativement pour l'architecture en place. Or, à défaut d'une telle capacité, les produits développés par les startups sont condamnés à rester isolés, sans possibilité de profiter des moindres synergies.

En arrière-plan, il faut par ailleurs souligner l'incompatibilité entre l'approche des banques par lignes de produits – qui est justement à l'origine des silos du SI – et la démarche centrée sur le client qui fait (normalement) la force des startups. Dans ces conditions, le besoin d'intégration n'est évidemment pas interprété de la même manière par les deux parties. Leur rapprochement perd alors son sens, pour l'une (qui ne capitalise pas sur l'innovation) comme pour l'autre (dont la vision est dévoyée).

Pour réussir, les institutions financières doivent réaliser leur transformation avant de tenter une greffe et non, comme elles l'envisagent trop souvent, compter sur l'absorption d'une jeune pousse pour faciliter leur mue. A minima, deux conditions préalables sont requises : un changement de culture, afin que celle-ci soit alignée avec celle des futurs partenaires (notamment sur la « centricité client »), et une ouverture du système d'information, qui doit adopter un modèle universel d'assemblage flexible de services.

Merci à E. de Bellefroid pour l'inspiration de ce billet !

Jeune pousse

vendredi 20 avril 2018

LaFinBox deviendra conseiller patrimonial

LaFinBox
LaFinBox, née en 2015 d'une collaboration entre SwissLife et Budget Insight (qui s'est depuis retirée du capital), assumait jusqu'à présent la mission d'aider les consommateurs à mieux suivre les évolutions de leur patrimoine. Grâce à l'injection de 10 millions d'euros supplémentaires, elle vise désormais à devenir un assistant de gestion financière.

Dès l'origine, l'application mobile concoctée par CrossQuantum – la jeune pousse établie par SwissLife pour porter cette offre – remplissait un besoin évident pour des millions de personnes possédant quelques actifs financiers (compte courant, livret d'épargne, PEA, assurance-vie, épargne salariale…) mais pas suffisamment fortunées pour espérer bénéficier d'un accompagnement individuel. Pour elles, la possibilité de consolider l'ensemble des informations dans une interface unique était un grand pas en avant.

À cette base, LaFinBox ajoute déjà quelques fonctions de diagnostic la rendant encore plus utile. Bien sûr, chaque fournisseur délivre une analyse pour ses produits spécifiques (par exemple pour l'assurance-vie), mais non seulement celle-ci est souvent difficile à décrypter pour le novice, elle est de peu d'utilité quand il s'agit d'évaluer les niveaux de rendement, de diversification, de risque, d'exposition aux aléas du marché… sur une situation globale du patrimoine, qui est pourtant la seule qui compte réellement.

LaFinBox

Considérant que ce type d'outil devient indispensable pour toute institution financière, SwissLife ne souhaite pas en rester là et la compagnie a investi 10 millions d'euros pour passer à la phase suivante. Celle-ci consistera à intégrer des recommandations personnalisées, à partir de la connaissance du patrimoine existant et des projets que spécifiera le client (vraisemblablement). Et, pour faire la jonction avec l'activité historique de l'entreprise, un transfert vers des conseillers humains pourra aussi être envisagé.

En arrière-plan, l'assureur vise une convergence plus générale entre les approches « digitales » et traditionnelles de la gestion de patrimoine. Ainsi, il a mis le service à la disposition de ses clients au sein de leur espace personnel en ligne. Dans ce cas, l'objectif n'est pas tant de permettre aux utilisateurs de gérer eux-mêmes leurs opérations (ce qui peut toutefois être une option utile pour certains) que de faciliter et fluidifier le partage d'information complète et toujours actualisée avec leur conseiller.

Si la transition vers une assistance automatisée à la gestion financière à partir d'un suivi à 360° du patrimoine représente une tendance qui commence à se répandre (citons, entre autres, Grisbee, dès 2016, ou WeSave Conseil, plus récemment), SwissLife profite de la même solution pour explorer une piste plus originale et absolument essentielle pour l'avenir, à mon sens : capter les données à la source afin d'enrichir sa connaissance des clients et, de la sorte, mieux les accompagner, sur tous les canaux.

jeudi 19 avril 2018

Faut-il boycotter Facebook ?

FNIM
À la suite de l'affaire des fuites de données de Facebook, la FNIM (Fédération Nationale Indépendante des Mutuelles) appelle ses mutuelles adhérentes à suspendre leurs activités sur le réseau social, dont elle juge les pratiques en matière de gestion des données personnelles incompatibles avec les valeurs qu'elles défendent. Mais la désertion est-elle vraiment la meilleure solution ?

Ne nous attardons pas sur la forme extrêmement maladroite de la communication – puisqu'elle invoque la violation d'une réglementation qui n'entre en vigueur que le mois prochain (le RGPD) pour des faits qui remontent à plusieurs années et dont nul ne semble considérer qu'ils aient alors enfreint la loi – et concédons que l'appel au boycott de Facebook par les mutuelles paraît légitime, au premier abord : des entreprises dont l'existence repose sur une relation de confiance avec leurs clients ne peuvent cautionner par leur participation des méthodes qui sont en contradiction avec leur éthique.

Cependant, cette manière de procéder peut aussi être considérée comme un double abandon du consommateur, d'une part en se retirant d'une plate-forme où il est très présent et où il a l'habitude de bénéficier d'un certain nombre de services et, d'autre part, en ne faisant rien, à travers cette action, pour aider les utilisateurs à éviter les risques que la fédération dénonce. La solution proposée est donc celle de la facilité et ne reflète pas un engagement pourtant très marqué en faveur d'un renforcement de la confiance.

Accueil FNIM

Il serait certainement plus utile, pour une organisation qui se positionne en chantre du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), de donner les moyens à tout un chacun de prendre pleinement conscience des pratiques des acteurs du web – focaliser l'attention sur Facebook est réducteur – et de pouvoir décider, le cas échéant, de quitter leurs plates-formes, en toute connaissance de cause. Les entreprises qui y sont aujourd'hui présentes (ou y ont été un jour) ont implicitement une responsabilité et un rôle à jouer dans l'indispensable chantier éducatif à mener.

Au-delà de la FNIM, le sujet concerne toutes les institutions financières. En effet, elles sont nombreuses, avant l'arrivée de la nouvelle réglementation, à tenter de convaincre qu'elles sont dignes de confiance quand il s'agit de sécuriser et protéger l'information, notamment en comparaison des géants de l'internet et des startups, vantant ainsi un avantage concurrentiel supposé. Cependant, un tel argument ne portera que si les enjeux qu'il recouvre sont pleinement intégrés et compris par ceux à qui il s'adresse, qui, pour l'instant, ne sont pas sensibilisés aux bénéfices concrets du RGPD…

mercredi 18 avril 2018

CaixaBank institutionnalise l'avance sur salaire

La Caixa
L'espagnole CaixaBank lance avec la municipalité de Burgos un service inédit permettant aux quelques 1 500 fonctionnaires et autres employés de la commune de bénéficier automatiquement et gratuitement d'une avance de la moitié de leur salaire en milieu de mois. Une idée intéressante qui mériterait toutefois d'être accompagnée…

Baptisé « Nómina 15 » (nómina étant la rémunération, en castillan), le nouveau service est réservé aux clients dont le salaire est domicilié auprès de CaixaBank depuis plus de 2 mois. Il n'a rien d'obligatoire (heureusement !). En pratique, il peut être activé et désactivé très simplement, à tout moment et sans limite, depuis les outils en ligne de l'établissement ou en s'adressant à un conseiller en agence. Une fois l'option mise en place, le bénéficiaire perçoit 50% de son salaire mensuel le 15 de chaque mois, sans autre condition ni contrainte, le reliquat étant versé normalement, en fin de mois.

Naturellement, l'offre représente un facteur d'attractivité et de fidélisation extraordinaire pour la banque, qui est déjà le teneur de compte principal de plus d'un quart des espagnols. Elle présente de plus l'avantage d'un déploiement peu risqué, les fonctionnaires représentant une population relativement stable (y compris du point de vue de leurs revenus). Le coût de ce qui, finalement, revient à un crédit récurrent est donc certainement plus que raisonnable pour les retombées attendues.

En revanche, on peut s'interroger sur l'effet d'une telle solution sur les comportements des clients. Certes, pouvoir obtenir une avance sur salaire, sans frais et sans effort, est une aubaine pour ceux qui peinent, régulièrement ou occasionnellement, à boucler leurs fins de mois. Mais il existe aussi un risque d'accoutumance et de dérives dans l'utilisation de cette opportunité. Le crédit ne devrait jamais être traité à la légère et il faudrait que CaixaBank fournisse à ses clients quelques clés pour profiter du service à bon escient.

À mon sens, il faudrait même aller jusqu'à renverser totalement l'approche pour réellement aider les bénéficiaires de « Nómina 15 ». Ainsi, le dispositif pourrait se présenter comme un assistant de gestion de finances personnelles dont la mission première serait d'encourager le consommateur à mieux utiliser son argent et qui, dans les situations difficiles, déclencherait l'avance sur salaire, tout en continuant à prodiguer des conseils pour éviter que le même accident ne se reproduise trop souvent.

CaixaBank

mardi 17 avril 2018

Matmut entre dans la banque par la FinTech

Matmut
Quelques décennies après les premières incursions de la banque sur leur territoire, les compagnies d'assurance n'ont toujours pas réussi leurs tentatives de percée inverse. L'apparition de nouvelles approches des services financiers leur procure aujourd'hui une opportunité d'y parvenir : c'est le pari que fait Matmut avec la jeune pousse Lendix.

L'initiative n'est pas totalement une surprise, puisque, par le passé, l'assureur a contribué à deux levées de fonds de la plate-forme de prêt participatif. Ce qui étonne un peu plus est le choix de faire de la collaboration une offre à destination des entreprises plutôt qu'aux particuliers. Ce sont en effet aux PME sociétaires de Matmut que s'adresseront les solutions de financement de Lendix, en bénéficiant d'un petit avantage qui leur sera réservé (sur leurs frais de dossier), en sus de la pré-qualification de leur éligibilité.

Pour la startup, cette intégration est naturellement une aubaine, qui lui apporte un surcroît de visibilité, par l'intermédiaire d'un partenaire de confiance reconnu des PME auxquelles elle s'adresse. Du point de vue de Matmut, la stratégie – si elle ne se limite pas à promouvoir une solution dans laquelle elle a investi – peut s'avérer plus subtile : il s'agirait alors de développer une relation élargie avec sa clientèle en abordant un autre univers financier, tout en maintenant sa ligne directrice consistant à offrir des services utiles.

L'enjeu pour l'assureur n'est pas nécessairement de commercialiser plus de produits, surtout dans un domaine qui n'est pas le sien. En l'occurrence, son intérêt est aussi de renforcer la fidélité de ses sociétaires. Et quelle meilleure idée pour ce faire que de leur donner accès à une plate-forme qu'ils ne connaissent peut-être pas ou qui ne leur inspire pas confiance (avant d'être recommandée par un intermédiaire connu) mais qui peut pourtant répondre à leurs besoins mieux que ne le ferait leur banque ?

Ce n'est probablement pas la direction que prend Matmut, mais la méthode pourrait être généralisée, pour aboutir à une logique de plate-forme de services. Les acteurs qui ont conquis un certain niveau de confiance de la part de leurs clients sont en effet à même de devenir distributeurs de solutions innovantes, de qualité, mais qui ont un déficit de reconnaissance. Et la démarche est d'autant plus facile à entreprendre quand elle porte sur un métier non concurrentiel, tels que le crédit pour le secteur de l'assurance.

Accueil Lendix

lundi 16 avril 2018

Pour un autre modèle de gestion des talents

BAI
Aujourd'hui, les institutions financières admettent plus ou moins consciemment que, dans le monde qui change autour d'elles, elles doivent faire évoluer leurs pratiques de gestion des ressources humaines. À défaut d'apporter des solutions concrètes, l'ancienne DRH – pardon, « Chief Talent Officer » – de Netflix souligne, dans une interview pour BAI, les obstacles qu'il leur faudra surmonter.

Les constats dressés par Patty McCord sont largement généralisables à toutes les grandes entreprises, mais les banques sont encore plus victimes de la « calcification » de l'organisation qu'elle dénonce, grâce à l'effet artificiellement paralysant de la réglementation. Le phénomène est visible partout : le collaborateur qui désire changer quelque chose doit demander la permission, obtenir l'aval de sa chaîne hiérarchique, respecter les procédures standards… Le fonctionnement est ralenti par essence.

Dans ce modèle quasi universel, les freins attribués, entre autres, aux exigences de conformité réglementaire se rangent dans deux catégories. D'un côté, il existe un petit groupe d'obligations incontournables, qui contraignent effectivement les opérations. De l'autre, une multitude d'inefficacités encombrent les processus sans raison, maintenues par habitude, voire par tradition, notamment quand les approches établies dans le secteur sont promues comme bonnes pratiques, qu'il est alors interdit de remettre en cause.

Patty McCord

Face à ces obstacles, les employés se sentent totalement dépouillés de tout pouvoir. Or l'objectif qui devrait dicter leur contribution au succès de leur entreprise, et que, donc, cette dernière à la charge de stimuler à tout prix, est de venir chaque matin au travail pour réaliser, avec un groupe de collègues extraordinaires, des projets qu'ils ne pourraient exécuter seuls. Et cette vision n'est accessible à grande échelle que dans une culture de liberté et de responsabilité (le thème du nouveau livre de Patty McCord, Powerful).

Il n'y a évidemment pas de recette magique pour atteindre une telle ambition. Cependant, dans le registre réglementaire, par exemple, peut-être les banques pourraient-elles commencer à accepter les suggestions (émanant souvent des collaborateurs) d'aborder la conformité différemment, en reconnaissant qu'un texte édicte généralement le « quoi » et non le « comment » et que la méthode qui prévalait il y a 10 ou 50 ans pour le respecter n'est peut-être plus adaptée et peut toujours être contestée et modifiée.

dimanche 15 avril 2018

Rassurons-nous, l'IA ne détruira pas l'emploi !

Barclays
C'est une énième étude – émanant, cette fois, des équipes de recherche de Barclays – qui nous le dit : la vague d'automatisation que nous connaissons actuellement ne créera pas un monde sans travail, même si elle n'a pas que des effets positifs. Mais le raisonnement tenu est-il pertinent et ne jette-t-il pas un doute sur ses conclusions ?

Selon les rédacteurs du rapport, l'impact de la robotisation et de l'intelligence artificielle au niveau macro-économique doit être relativisé pour deux raisons majeures. D'une part, lors de l'introduction d'une technologie disruptive, l'automatisation partielle (c'est-à-dire affectant seulement certaines tâches dans les domaines concernés) serait prédominante par rapport à une substitution totale à l'humain. D'autre part, l'adaptation serait facilitée parce que les sauts de productivité suivent les innovations avec retard.

Forts de ces convictions, ils confirment, comme la plupart de leurs collègues, qu'il ne faut pas craindre une réduction du nombre d'emplois, car la baisse des coûts de production due à l'automatisation entraîne une augmentation de la demande, qui requiert un surcroît de main d'œuvre, et la création de métiers entièrement nouveaux. Ils admettent toutefois que le travail tend alors à devenir moins exigeant en compétences, donc accessible à une population plus large, ce qui induit une pression sur les salaires.

Sans être idyllique, le tableau dressé se veut rassurant. Mais est-il réaliste ? On peut légitimement se poser la question quand on comprend que le scénario proposé n'a quasiment rien à voir avec une analyse prospective (y compris avec ses probabilités d'erreur) mais est, en réalité, une synthèse des observations des grandes mutations du passé, simplement plaquée sur les enjeux de notre époque. En d'autres termes, l'humanité a su s'adapter aux changements précédents, elle surmontera le prochain…

Robots at the Gate : Étude Barclays

Il n'est certes pas interdit de considérer l'avenir avec cet optimisme modéré, en estimant que les conditions actuelles ne sont pas très différentes de celles qui servent de référence. Mais il est permis de supposer que quelques facteurs spécifiques sont susceptibles de perturber le modèle historique. Non seulement peut-on ainsi prendre l'hypothèse que la nature des transformations d'aujourd'hui a ses particularités, mais il faut aussi s'interroger sur l'accélération technologique contemporaine, qui a toutes les chances de changer radicalement la manière dont ses impacts sont absorbés.

Dans un autre registre, le contexte global de la révolution que nous sommes en train de vivre aura probablement une influence directe sur son déroulement et son issue. Le défi du réchauffement climatique, par exemple, contribuera probablement aux choix stratégiques qui se présenteront. En réalité, il sera même, sans aucun doute, déterminant pour la réalisation du potentiel de l'automatisation, notamment en termes de sélection des priorités. Ignorer ces possibilités rend l'exercice prospectif futile.

Nul n'est capable de prédire l'avenir que nous réservent les progrès de l'intelligence artificielle et sa généralisation. En revanche, au vu des enjeux (et de ce que nous apprend l'histoire), il est indispensable d'envisager tous les scénarios plausibles (sans tomber dans l'hystérie) et, pour chacun d'eux, de concevoir des plans d'action concrets permettant d'en absorber le choc. Ceux qui persistent à nier les incertitudes et les risques ne rendent service à personne et endossent une dangereuse responsabilité.

samedi 14 avril 2018

Quel avenir pour PayPal ?

PayPal
La réalité du marché rattraperait-elle PayPal ? Après son remplacement par Adyen sur le site de son ancien propriétaire eBay, le pionnier des paiements en ligne doit trouver de nouveaux relais de croissance. Selon les informations du Wall Street Journal, il semblerait qu'il ait recours à une recette bien connue… sans garantie de succès.

Bien que de nombreuses startups du domaine semblent n'en prendre conscience – ou, à tout le moins, s'en préoccuper – que tardivement, il faut comprendre que les activités de paiement sont rentables uniquement pour les acteurs qui parviennent à atteindre une masse critique conséquente ou ceux qui réussissent à s'emparer d'une niche spécifique. Dans le cas de PayPal, le monopole sur eBay représentait une combinaison de ces deux conditions, produisant d'excellents résultats au fil des ans.

Cette situation confortable a certainement endormi la combativité de l'entreprise, jusqu'à lui faire rater, dans une large mesure, la révolution mobile. Naturellement, elle n'est pas restée entièrement statique, entre son acquisition de Braintree (et son produit Venmo) pour reprendre pied sur le mobile, justement, et les lancements successifs de ses cartes de crédit, prépayées ou de solutions de crédit. Mais ces ajouts génèrent peu de marges et il devient urgent pour PayPal de trouver de nouvelles sources de revenus.

Or la prochaine innovation qu'elle nous promettrait serait plus ou moins la même que celle que privilégient la plupart des nouveaux entrants quand ils commencent à se préoccuper de leur modèle économique : pourquoi ne pas créer une banque ? Celle-ci peut prendre des formes diverses, elle peut viser des objectifs variés, elle peut reposer sur différentes approches… mais l'idée générale est d'étendre le champ d'action initial afin de capter une part plus importante des opérations financières des utilisateurs.

Cartes PayPal

En l'occurrence, PayPal s'attaque au segment des consommateurs non bancarisés, à qui elle veut offrir un moyen simple de participer à l'économie numérique – non seulement l'e-commerce, mais aussi les services tels qu'Uber, AirBnB… Pour ce faire, elle propose d'adosser quelques services complémentaires à son porte-monnaie virtuel : une carte de débit permettant d'effectuer des retraits dans les distributeurs et une application de dépôt de chèque dématérialisé (par photo, un procédé standard aux États-Unis).

Le compte lui-même n'encourt aucun frais mais certaines opérations seront facturées aux clients (notamment le dépôt de chèque), parce que, PayPal ne disposant pas du statut nécessaire, ses services bancaires sont sous-traités à des établissements partenaires. Ce choix laisse supposer que le but est donc de développer la base de clientèle et de continuer à accroître le volume d'échanges pris en charge, dans la continuité de la stratégie existante. Mais cela suffira-t-il à stimuler significativement l'activité ?

vendredi 13 avril 2018

Pas si facile de créer un SI bancaire…

CivilisedBank
Dans l'ordre des défis les plus lourds à relever dans la création d'une néo-banque, l'acquisition d'une licence est généralement placée en tête, tandis que la construction du Système d'Information semble plus aisée et plus rapide. Plus de trois ans après la naissance de son projet, la britannique CivilisedBank découvre une réalité un peu différente.

Avec son ambition de proposer un service de proximité innovant aux entreprises, la jeune pousse britannique était plutôt bien partie. Elle avait sélectionné, dès 2015, une plate-forme technique dans le cloud, limitant, en principe, les efforts de mise en œuvre. Elle a ensuite obtenu sa licence (avec restriction), en mai 2017, moins d'un an après avoir déposé sa demande. Finalement, elle devait lancer son offre début 2018, mais l'annonce vient de tomber : le SI n'est pas prêt et la licence est donc « rendue ».

Si la promesse de CivilisedBank est relativement originale, elle ne paraît pas justifier, a priori, une complexité informatique particulière. L'offre comprendra deux piliers complémentaires : une solution d'épargne pour les particuliers et un catalogue de produits classiques (compte de dépôt, crédit, transferts internationaux…) destiné aux PME. Sa différenciation portera essentiellement sur son approche de la relation, combinant un socle « digital » et une notion de « Banquier Local » 100% itinérant, sans agence.

Comment, alors, expliquer un tel dérapage du calendrier (initialement, le lancement était planifié début 2017) ? La communication officielle ne l'explique pas clairement mais elle donne quelques indices. Ainsi, le désir exprimé de délivrer dès le départ une offre optimale aux clients révèle une attitude éloignée des pratiques habituelles de startups, qui préfèrent des cycles courts de mises sur le marché, de manière à capter rapidement les retours des clients pour améliorer continuellement la solution proposée.

Accueil CivilisedBank

Au risque d'être caricatural, j'avoue que ce principe de développement monolithique m'a mis la puce à l'oreille… et m'a incité à consulter le profil des fondateurs. Se pourrait-il que l'assemblage exclusivement composé d'anciens banquiers (de différents métiers, y compris dans les risques et l'innovation, mais à l'exclusion de l'informatique) ait un lien avec les difficultés rencontrées ? Leur choix d'un directeur technique au passé de consultant en management pourrait-il être un facteur aggravant ?

Alors qu'on exhorte désormais toutes les institutions financières à renforcer les compétences technologiques dans leurs comités exécutifs, il est tout de même extraordinaire qu'une néo-banque se lance sans la moindre personne possédant une expérience de DSI, par exemple, parmi ses dirigeants ! En conséquence il ne faut pas s'étonner, je pense, que le SI devienne un problème. Et le cas de CivilisedBank pourrait servir de preuve à ce besoin de sensibilité informatique dans la banque de demain.

jeudi 12 avril 2018

Bunker assure les freelances à « l'usage »

Bunker
Les modes de travail changent profondément et, par exemple, le choix d'un statut indépendant devient de plus en plus populaire, au moins dans certains secteurs tels que le conseil, imposant de nouvelles approches des services aux professionnels. En matière d'assurance, Bunker, une startup américaine, propose une approche originale.

Progressivement, les grandes entreprises n'ont d'autre choix, pour continuer à exercer leur activité, que de faire appel à des freelances en complément de leurs effectifs internes, non seulement, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, pour faire face à des besoins ponctuels mais aussi parce que, parfois, les meilleures compétences ne peuvent pas être embauchées. Cependant, le recours à des renforts extérieurs ne peut se faire sans un minimum de précautions, dont une assurance appropriée.

L'objectif de Bunker est donc de satisfaire cette exigence (légitime) et la jeune pousse a adopté un modèle de plate-forme pour ce faire. D'un côté, elle recrute des « membres », comprenant tous les acteurs – grands groupes, sociétés de placement… – qui veulent la garantie que les indépendants avec lesquels ils désirent travailler disposent d'une couverture à la hauteur de leurs standards. D'autre part, elle offre à ses clients – petites sociétés de services ou freelances – les polices requises par leurs commanditaires.

Entre les deux, Bunker crée, avec ses partenaires assureurs (parmi lesquels Chubb vient de faire son entrée), des produits personnalisés, adaptés à la fois aux attentes génériques des entreprises et à la mission spécifique pour laquelle un indépendant est recherché. Par la suite, elle veille à ce que les conditions minimales de couverture restent respectées pendant toute la durée du contrat et émet des alertes dans le cas contraire.

Bunker : Ready Set Work

La proposition de valeur de Bunker à ses membres est double. En amont du recours à des travailleurs externes, elle leur apporte une expertise des besoins d'assurance à exprimer en fonction des typologies de tâches demandées. En aval, naturellement, elle décharge les entreprises du suivi de la conformité à ses exigences. En ce qui concerne ses clients, le principal bénéfice qu'elle leur offre est une simplification des démarches, avec la garantie d'une police ajustée au mieux de la mission à réaliser (dans toutes ses modalités, dont sa durée), souscrite entièrement en ligne en 2 minutes.

Avec la généralisation des approches « à la demande » du travail, une multitude d'habitudes engendrées par le salariat jusqu'alors ultra-dominant sont remises en cause. Ce sont autant d'opportunités qui s'ouvrent, en particulier dans les secteurs de la banque et de l'assurance, en direction autant des entreprises qui s'adaptent à ces modèles émergents que des freelances eux-mêmes. Pour l'instant, ce sont principalement des startups qui figurent en pointe de l'exploration de ces territoires vierges

mercredi 11 avril 2018

UBank renverse la logique de l'épargne

UBank
C'est un fait incontournable : quelle que soit notre motivation à réaliser un projet dans un avenir plus ou moins lointain, les lois de la psychologie humaine ramènent toujours les sollicitations immédiates au premier plan et finissent par compromettre nos bonnes résolutions. L'australienne UBank a une idée pour replacer les priorités dans le bon ordre.

Avec le lancement de Free2Spend, au sein de son application mobile, la banque veut inciter les consommateurs à toujours penser d'abord, dans chacune de leurs interactions, à leur épargne et à ce qu'elle leur permettra d'accomplir à terme. Dès le premier contact, le ton est donné : le client est invité, d'une part, à domicilier la totalité de ses revenus sur son compte d'épargne (qui est aujourd'hui le cœur d'activité de UBank), et, d'autre part, à définir un objectif qu'il veut se fixer pour les mois ou les années à venir.

La deuxième étape consiste pour le consommateur à fournir le montant moyen de ses rentrées et de ses frais récurrents. Notons qu'on s'attendrait tout de même à ce que cette tâche soit automatisée, au moins pour les clients de longue date. Grâce à l'ensemble des informations collectées, l'outil peut alors déterminer les fonds disponibles pour les dépenses courantes, qu'il va répartir également sur la période courant entre deux versements de salaires et ajuster en temps réel selon les achats effectués.

Pour prendre un exemple, imaginons que le calcul initial détermine que l'utilisateur dispose de 70 dollars par jour, après déduction de ses frais fixes (électricité, téléphone, loyer…) et de ce qu'il met de côté pour son projet. Chaque jour, l'application lui affiche cette cible et suit son évolution au fil de ses dépenses (qui donnent lieu à un transfert automatique de son compte d'épargne vers son compte courant) : 66 dollars après avoir pris un café matinal, 42 dollars après le déjeuner… En cas de reliquat ou de dépassement à la fin de la journée, il est distribué sur le montant disponible des jours suivants.

UBank – Introducing Free2Spend

Naturellement, on peut arguer qu'il fait peu de sens dans le cadre d'un suivi « normal » de répartir le budget linéairement, car cela ne correspondra évidemment jamais à un comportement réel. Mais ce n'est pas l'objectif de Free2Spend, qui vise exclusivement à rappeler à l'utilisateur l'impact de ses actions quotidiennes sur ses projets à long terme. Dans cette logique, ce qui est important n'est pas de dicter une conduite financière mais plutôt de souligner les moments (positifs ou négatifs) où l'avenir se joue.

Malgré tout, ce choix de mise en œuvre peut constituer un handicap pour l'adoption de la solution. Afin d'atteindre son but d'éducation financière, il faut en effet que les consommateurs acceptent son mode de fonctionnement. Or – autre interrogation sur la psychologie de l'individu ! – il reste à vérifier si un suivi aussi basique du budget disponible ne paraîtra pas trop trivial et, en conséquence, contre-productif. En tout état de cause, dans une première approche, il vaut certainement mieux commencer par un modèle extrêmement simple, quitte à le compléter ultérieurement.

mardi 10 avril 2018

FinTech et données, un couple inséparable

France FinTech
Ce 10 avril 2018, l'association France FinTech organisait son troisième événement « FinTech R:Evolution », dédié cette année à la libération des données. J'ai eu le plaisir d'y animer une table ronde au cours de laquelle nous avons abordé, avec 3 entrepreneurs, la transformation des business models du secteur financier grâce à l'exploitation de la donnée. Voici une petite synthèse (subjective) de nos échanges…

Dans notre univers « digital » contemporain, les technologies omniprésentes et toujours plus intrusives produisent des masses considérables de données, capables de décrire tout ce qui nous entoure à tout instant et qui ne demandent qu'à être captées, analysées, transformées, combinées, distribuées… Les géants du web nous ont déjà montré, pour le meilleur et pour le pire, comment elles pouvaient donner naissance à des activités économiques entièrement nouvelles. Mais qu'en est-il dans la banque ?

La question se pose nécessairement quand on réfléchit aux trésors qui dorment dans les centres de production informatique des institutions financières, sous la forme de données, dont certaines des plus intimes existant sur leurs clients – les détails de leurs transactions – ne constituent qu'une partie. Cette manne devrait logiquement susciter un déferlement de nouveaux produits et services, surtout dans le contexte actuel qui voit se tarir les sources traditionnelles de revenus des banques, mais il n'en est rien. Pourquoi ?

Si on écarte l'excuse éculée des contraintes réglementaires, il reste deux raisons expliquant la discrétion des initiatives. Le premier obstacle tient à l'extraordinaire difficulté d'accéder aux données, historiquement enfouies au plus profond de silos applicatifs et étroitement liées aux logiciels qui les produisent. Le second handicap concerne le manque d'agilité des grands groupes, qui rend problématique l'adoption rapide des solutions innovantes permettant d'exploiter efficacement les données.

En comparaison, les startups de la FinTech ont évidemment l'avantage. Paylead (représentée par son CEO Charles de Gastines lors de la table ronde), par exemple, propose une plate-forme, facile à déployer, qui procure aux banques un moyen de révéler le potentiel des données des transactions de leurs clients. Même pour l'accès à l'information, un acteur tel que Budget Insight (représenté par son CEO Clément Coeurdoeil) offre une solution d'agrégation surpassant ce qui est possible en interne.

FinTech R:Evolution 2018

En parallèle de ces jeunes pousses qui veulent aider les institutions à développer de nouveaux services, d'autres se positionnent plutôt en concurrentes, en créant un nouveau modèle d'activité, mieux adapté aux besoins des consommateurs (et des entreprises, de plus en plus) d'aujourd'hui. Ainsi, WeSave (dont le CEO Jonathan Herscovici complétait notre table ronde), avec son offre WeSave Conseil, analyse le patrimoine de l'utilisateur dans ses détails les plus fins, afin d'offrir une information transparente… et délivrer des conseils éclairés, personnalisés.

En prenant du recul par rapport à ces exemples, il ressort une différence essentielle entre les approches des banques et de la FinTech. Les premières axent leur proposition de valeur sur la confiance qu'elles inspirent à leurs clients, dont elle profite pour leur « pousser » leurs produits. À l'inverse, les ténors de la seconde misent sur la qualité de l'expérience utilisateur – incluant transparence, personnalisation, simplicité, immédiateté – au sein de laquelle la solution proposée s'intègre naturellement.

À terme (dans 10, 20, 30 ans ?), cette dernière orientation deviendra dominante, aboutissant à une immersion invisible des services financiers au cœur des moments de vie – petits et grands – des consommateurs. Or cette perspective ne sera acceptable qu'en combinant les deux qualités clés de confiance et de « centricité client » : il faudra donc que les banques améliorent l'expérience qu'elles offrent – avec l'aide de startups, le cas échéant – ou que les nouveaux entrants acquièrent la confiance de leur cible.

FinTech R:Evolution 2018

lundi 9 avril 2018

Assurance emprunteur : pourquoi rien ne change

BNP Paribas
Les lois récentes donnent plus de liberté aux consommateurs de choisir leur assurance emprunteur, mais seront-ils nombreux à profiter de cette opportunité de réaliser des économies substantielles ? La maladresse des approches de certaines compagnies en dit long sur le chemin restant à parcourir pour que la mayonnaise prenne…

Prenons l'exemple de BNP Paribas Cardif, qui vantait il y a quelques jours son nouveau partenariat avec le site d'annonces immobilières SeLoger. Ainsi, ce dernier comprend désormais un simulateur d'assurance de la compagnie, au côté du classique comparateur de crédit. Renvoyant directement sur son site habituel, l'outil demande quelques informations sur l'emprunteur, sur le bien acquis et sur le crédit avant de fournir une estimation du coût de son assurance, en fonction des différentes options disponibles.

Une telle absence d'intégration ne peut que conduire à un désintérêt du visiteur. D'une part, même s'il est sensibilisé à ses droits, il est bien peu probable qu'il revienne sur l'option d'assurance une fois qu'il aura exploré en détail les solutions de crédit, qui constituent normalement sa priorité. Et si, d'aventure, il s'engage dans le processus proposé par Cardif, il sera certainement irrité d'avoir à fournir une seconde fois une partie des informations précédemment transmises pour simuler son emprunt… et d'avoir été redirigé en dehors de l'espace SeLoger qui était sa cible initiale.

Cardif Liberté Emprunteur

Afin d'être convaincante et d'avoir une chance de succès, l'offre d'assurance alternative devrait impérativement s'inscrire au cœur du parcours de financement (pour ne pas dire du parcours d'achat immobilier, ce qui demandera probablement un autre saut de maturité). En effet, le consommateur ne prêtera sérieusement attention aux économies afichées par un spécialiste que si elles sont exposées directement en regard de la solution par défaut, sans exiger d'efforts supplémentaires de sa part.

Ce serait une erreur monumentale que de croire qu'une promesse de réduction de coût est suffisante pour séduire un consommateur. Face aux réflexes profondément ancrés dans les comportements, il faut également effacer toute friction dans les nouveaux processus afin de faire évoluer les habitudes, d'autant plus que, en l'occurrence, les établissements prêteurs auront tout intérêt, pour maintenir leur ancien monopole, à entretenir tous les freins et obstacles sur le parcours de l'emprunteur. Dans le monde moderne, l'expérience utilisateur constitue un des principaux leviers de conquête…