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C'est pas mon idée !

jeudi 31 mai 2018

Le vilain secret des initiatives de blockchain

Everledger
Les annonces récentes de nouvelles expérimentations à base de blockchain en vue de mieux assurer la traçabilité des diamants mettent en lumière le véritable agenda de la plupart des grands groupes (tous secteurs confondus) qui se lancent dans ce genre d'initiative… et il paraît bien loin des promesses d'origine de la technologie.

Les enjeux de la filière du diamant (ou, plus généralement, des pierres précieuses et de la bijouterie) sont évidemment considérables, qu'il soit question de financement occulte de guerres civiles, de criminalité de haut vol, de contrefaçons et fraudes en tout genre… Dès 2016, une jeune pousse, Everledger, proposait une plate-forme exploitant, entre autres, les qualités uniques des blockchains afin d'introduire plus de transparence dans cette industrie. Elle semblait alors convaincre une belle palette d'acteurs.

Or, pour certains, cette solution, peut-être trop focalisée sur les besoins des compagnies d'assurance, ne pouvait suffire. Et voilà IBM tentant de rassembler ses clients habituels autour de son projet TrustChain, tandis que l'incontournable De Beers développe et teste une offre concurrente, Tracr, tous deux faisant porter leurs efforts sur la traçabilité depuis la mine jusqu'à la vente au détail. Il faudrait toutefois être extrêmement naïf pour croire que leur objectif est d'apporter une meilleure réponse au problème ciblé.

En réalité, la bataille qu'ils engagent concerne avant tout leur domination d'un marché qui, pour l'un, est perçu comme son pré carré, sur lequel son règne ne peut être contesté, et, pour l'autre, représente une extraordinaire opportunité de s'imposer comme intermédiaire obligé. Introduire l'idée d'une gouvernance décentralisée, confiée à un algorithme, est, dans ces conditions, la dernière de leurs préoccupations. Autant dire, donc, que la technologie blockchain n'est d'aucune utilité concrète pour leurs ambitions.

Tracr

Avec les mises en œuvre qu'ils poussent auprès de leurs partenaires respectifs, ils peuvent en effet s'assurer le contrôle de l'écosystème, en conservant la maîtrise des participants, des données (ou des typologies de données) enregistrées, de l'accès aux informations privatives et/ou, simplement, du code informatique sous-jacent. Incidemment, que l'organisme de « tutelle » soit une entreprise ou un consortium ne change rien à l'affaire, si ce n'est que, dans le second cas, les risques d'implosion sont décuplés.

Notons ici que la startup qui met en place sa blockchain peut, elle aussi, être soumise à la tentation de pouvoir absolu. La menace n'est cependant pas du même ordre, car un fournisseur inconnu n'est pas immédiatement en position de s'imposer comme tiers de confiance, ce qui l'incite à démontrer que sa valeur réside ailleurs. Pour Everledger, par exemple, le cœur du modèle réside principalement sur la création des « fiches d'identité » des diamants qu'elle suit, pas sur la conservation des informations.

Les dérives observées autour des diamants se retrouvent, hélas, dans quasiment tous les domaines où des applications de la blockchain sont envisagées, dont, naturellement, la finance. Dès qu'un grand groupe est à l'origine des initiatives, notamment quand il s'agit d'un acteur dominant du secteur ou d'un géant technologique, la méfiance est de mise : il y a de fortes chances qu'il vise à asseoir son influence, sans se soucier des bénéfices attendus d'une approche « authentique » traitant tous les participants à égalité.

mercredi 30 mai 2018

BlaBlaCar se lance dans l'assurance

BlaBlaCar
Grâce à un partenariat avec AXA, BlaBlaCar inclut depuis 2015 une solution d'assurance et d'assistance à tous les trajets de covoiturage enregistrés sur sa plate-forme. Désormais, elle commercialise également un contrat annuel auprès de sa communauté de 14 millions de membres en France, assorti de conditions privilégiées.

La nouvelle offre « BlaBlaSure/AXA » se décline classiquement selon 3 variantes – tiers et bris de glace, intermédiaire (comprenant une garantie vol et incendie) et tous risques – auxquelles s'ajoute une option complémentaire de prêt de véhicule et d'assistance. Naturellement, le processus de souscription se déroule entièrement en ligne et se veut simple et rapide, en profitant notamment de la connaissance préalable par la plate-forme de covoiturage d'une partie des informations personnelles du demandeur.

Afin de séduire les utilisateurs fidèles de BlaBlaCar, son produit leur offre un premier avantage exclusif sous la forme du remboursement de la franchise intégré par défaut à toutes leurs annonces de trajet, sans frais supplémentaires. Mais ce sont surtout les promesses d'économies qui ont toutes les chances d'attirer les conducteurs. En effet, les deux partenaires veulent capitaliser sur les spécificités des adeptes du partage pour mieux ajuster leur proposition de valeur, en particulier en matière de tarification.

BlaBlaSure

Il s'agirait, par exemple, de faire profiter aux covoitureurs de leur comportement plus responsable au volant (en comparaison du reste de la population), si les résultats en ce sens d'une étude commanditée par BlaBlaCar se confirment. Plus généralement, les données accumulées au fil des trajets – telles que les détails techniques des parcours, les évaluations entre membres… – devraient aussi permettre d'affiner les modalités d'assurance et ajuster les primes selon des profils de risque plus précis et fiables.

Avec cette approche, AXA fait un pas vers la combinaison de deux des plus importantes tendances pour l'assurance dans les années à venir : immersion et personnalisation. Ainsi, d'une part, ses services seront à l'avenir de moins en moins souscrits directement chez elle, mais intégrés dans une expérience plus large (celle du membre BlaBlaCar constituant encore, il est vrai, un cas relativement marginal), et, d'autre part, la compagnie captera toujours plus d'informations sur ses clients afin de les servir au plus près de leurs besoins (et pas éternellement dans le seul but de leur proposer des prix attractifs).

mardi 29 mai 2018

Pourquoi les néo-banques constituent une menace pour les acteurs historiques

Daniel Karyotis
Aujourd'hui, je ne résiste pas au plaisir de réagir à un billet de Daniel Karyotis (Directeur Général de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes) intitulé « pourquoi les néo-banques ne constituent pas une forte menace pour les banques », dont les arguments (pertinents) me semblent permettre d'aboutir à une conclusion différente…

Quelles que soient leurs qualités, les startups de la FinTech ont indiscutablement un obstacle majeur à franchir avant de prétendre à la domination du secteur : elles doivent d'abord trouver un modèle économique viable et pérenne. Daniel Karyotis n'a peut-être pas noté que Revolut (qu'il cite en exemple) a annoncé plus tôt cette année être désormais à l'équilibre opérationnel sur une base mensuelle, mais il reste vrai que cet exploit n'en fait pas encore une entreprise durablement bénéficiaire.

Tout aussi incontestable est le constat que la question de la rentabilité se pose aussi aux banques traditionnelles, alors qu'elles sont confrontées à une concurrence qui met la pression sur les prix (et stimule une culture du service gratuit), à une faiblesse prolongée des taux d'intérêt qui réduit les marges, à des coûts en croissance constante… Et il ne fait pas le moindre doute que ce défi est beaucoup plus important et mérite plus d'attention de leur part que l'émergence d'une poignée de jeunes pousses aux dents longues.

En revanche, faut-il croire avec Daniel Karyotis que les néo-banques sont condamnées à ne jamais gagner d'argent et n'ont donc d'autre issue possible (et d'ambition) que de se faire racheter à bon prix avant d'avoir épuisé leurs réserves de capital ? Ou bien faut-il, au contraire, supposer que rien n'est joué et que, comme toutes les startups les plus innovantes, celles de la finance mettent la priorité sur l'acquisition de clients et ne se pressent pas d'inventer un modèle d'affaires, qui n'aura rien à voir avec ceux d'antan ?

L'erreur serait de considérer que la nouveauté apportée par ces acteurs se limite à « une ouverture internationale, une architecture informatique ouverte, et une offre simple, ciblant les jeunes ». Derrière, il y a aussi une approche technologique ultra-flexible et efficiente, abaissant fortement le seuil de rentabilité par rapport à des grands groupes aux infrastructures lourdes et souvent anciennes, et une capacité à redéfinir la notion de conseil aux clients, qui devrait devenir leur principale source de revenus.

Naturellement, cette vision ne se réalisera pas en quelques mois, ni même en quelques années. Mais plutôt que de négliger la menace de la FinTech parce que trop lointaine pour être visible aujourd'hui, en s'imaginant racheter ses représentants quand ils seront « mûrs », les institutions financières seraient avisées de se pencher sur ce qui les fait vibrer et avancer (sans se contenter du petit échantillon, peu représentatif, présent sur le territoire français, incidemment), car elles sont aussi à la recherche des recettes qui leur feront surmonter le problème de rentabilité commun à l'ensemble du secteur.

Menace

lundi 28 mai 2018

Les seniors sont fans de banque en ligne

ABN AMRO
Le cliché qui voudrait que les utilisateurs de services en ligne et mobiles se recrutent prioritairement parmi les jeunes générations a la vie dure. Pourtant, quand ABN AMRO examine les pratiques de ses clients, elle découvre une réalité différente… qui l'incite à ajuster son approche, afin de mieux répondre aux besoins spécifiques des seniors.

Concrètement, selon l'établissement néerlandais, les personnes âgées de plus de 65 ans plébiscitent la banque sur le web à 90%, soit un peu plus que la moyenne de la population globale (qui se situe à 86%). Et s'il est vrai que, cependant, l'intérêt est bien moindre côté mobile, puisqu'ils ne sont qu'à peine plus d'un sur quatre à adopter les applications mises à leur disposition (contre 2 sur 3 dans l'ensemble de la clientèle), ce taux suit désormais une croissance plus élevée que chez leurs cadets.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de chercher très loin les explications à ce phénomène. En effet, selon toute vraisemblance, les seniors accueillent avec plaisir tous les moyens qui leur permettent d'éviter d'avoir à se déplacer, surtout pour des opérations dont ils connaissent les arcanes et pour lesquelles ils requièrent un minimum de conseils. En revanche, par leur mode de vie statistiquement plus sédentaire et stable, il ressentent probablement peu la nécessité d'accéder à leurs comptes en situation de mobilité.

Naturellement, les conséquences pour la banque sont immenses, car il lui faut prendre en compte des attentes qui sont différentes de celles des jeunes auxquels elle s'adresse généralement avec ses solutions numériques. Dans le cas d'ABN AMRO, la première réaction consiste à introduire des coachs (dans ses agences) pour accompagner la prise en main de ses outils par des personnes qui n'ont pas nécessairement les bases de la micro-informatique et ont l'habitude d'être guidées par un manuel utilisateur.

Au-delà de ce premier effort pédagogique, il faut certainement aussi envisager d'adapter les plates-formes elles-mêmes. Il s'agira par exemple de fournir une interface « accessible » (ce qui n'est hélas toujours pas la norme, en France), facilitant l'utilisation des applications à ceux qui souffrent de petits ou grands handicaps, plus fréquents avec l'âge. Puis on se rendra rapidement compte que ces clients ont des préférences particulières qui méritent peut-être une personnalisation non prévue initialement…

Les besoins de chaque segment de population sont différents et il est dangereux d'y répondre en se reposant sur des stéréotypes non confirmés. Il est donc extrêmement important de bien comprendre la manière dont chacun utilise les services qui lui sont proposés et la raison profonde des choix opérés. À partir de cette analyse seulement pourra-t-on créer les solutions optimisées qui garantissent la satisfaction des clients. Et si les banques ne le font pas, d'autres acteurs sauteront sur l'opportunité !

Personne âgée sur un banc

dimanche 27 mai 2018

Société Générale ouvre la chasse aux bogues

Société Générale
Utilisés par les géants technologiques depuis des années, les programmes ouverts de chasse aux bogues sont rares parmi les institutions financières, malgré l'émergence d'un certain nombre d'entreprises spécialisées. En France, Société Générale fait figure de pionnière, même si l'initiative qu'elle a lancée il y a 6 mois reste timide.

Le principe est plein de bon sens : plutôt que d'attendre que des cybercriminels ou des personnes simplement malveillantes attaquent les sites web de la banque, pourquoi ne pas organiser la recherche des failles de sécurité, en faisant appel à des « chasseurs de primes », spécialistes patentés qui seront récompensés pour leurs découvertes ? Sur cette base, plusieurs plates-formes se sont créées au fil des ans (BugCrowd, SynAck…), introduisant au passage quelques garde-fous pour éviter toute dérive.

C'est avec un de ces acteurs (dont le nom n'est pas communiqué) que Société Générale a justement mis en place son dispositif. Comme la plupart des grands groupes traditionnels ayant recours à ce type de services, la banque a choisi une approche fermée, qui lui permet notamment de sélectionner les participants selon ses propres critères. Les montants des primes, définis avec le partenaire, varient de quelques dizaines à plusieurs milliers d'euros selon le niveau de gravité des anomalies repérées.

Bugcrowd

Société Générale fait là un bond en avant dans la sécurité de ses infrastructures et elle se déclare satisfaite des premiers résultats obtenus (en prenant soin de souligner qu'aucun défaut critique n'a été détecté !). Cependant, en pratique, sa démarche ne dépasse pas un stade expérimental. En effet, jusqu'à maintenant, le programme ne concerne que ses sites purement informationnels, à l'exclusion de toute application transactionnelle, et il n'est pas question d'étendre ce périmètre dans un avenir proche.

La limitation est notable puisque sont ainsi exclus du champ d'investigation les services les plus sensibles, autant en termes de susceptibilité aux erreurs de programmation génératrices de failles que de risques induits. Naturellement, l'ouverture de ces domaines névralgiques aux chasseurs de primes exige un surcroît d'audace et de confiance qu'il ne pas aisé de rassembler dans une banque. Mais à quoi sert une méthode innovante de cybersécurité si elle n'est pas appliquée là où elle est la plus désirable ?

samedi 26 mai 2018

Une confiance en la banque si précaire

AIB
À quelques jours de l'entrée en vigueur du règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD), la banque irlandaise AIB s'est retrouvée au cœur d'une polémique sur ses pratiques en la matière. Résultat d'une combinaison de multiples facteurs, cette nouvelle affaire révèle la fragilité de la confiance du grand public.

Tout a commencé avec une alerte émise par un courtier en crédit hypothécaire, signalant que l'établissement exigeait depuis peu dans ses procédures de sollicitation de prêt que les demandeurs consentent à, entre autres, une consultation de leurs comptes sur les réseaux sociaux. L'information a alors été reprise et amplifiée – jusqu'à accuser AIB de méthodes dignes de « Big Brother » – par le premier quotidien du pays, l'Irish Independent. Dès le lendemain, la banque faisait marche arrière sur sa clause.

Il est vrai que la seule explication fournie aux clients, évoquant l'ambition de mieux comprendre leur comportement afin de leur offrir des services personnalisés, était plutôt sibylline. L'absence de toute possibilité d'opposition à la requête de l'institution a probablement mis le feu au poudre. Ensuite, les tentatives maladroites de relativiser les intentions réelles, en soulignant par exemple qu'il n'a jamais été question d'exploiter des informations individuelles, ne pouvaient plus rien faire pour éviter le désastre.

Je suis peut-être naïf, mais je crois pourtant qu'il n'y avait rien de bien malicieux derrière l'initiative d'AIB, ne serait-ce que parce qu'il est difficile d'imaginer qu'elle ait choisi de se mettre délibérément en infraction avec la nouvelle réglementation. Selon toute vraisemblance, elle souhaitait introduire plus de transparence dans une démarche qui peut être difficilement perçue comme intrusive dans la vie privée puisqu'elle touche à des données publiques, certainement anonymisées avant tout (éventuel) usage.

Ce qu'expose donc cet incident est une forme de solide défiance vis-à-vis des institutions financières au sein de la population : toute nouveauté de leur part court le risque d'être interprétée négativement et de déclencher un scandale. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que les banquiers se désolent d'être ainsi systématiquement suspectés du pire, tandis que les excès des géants du web, tels que ceux qui valent à Facebook le battage médiatique actuel, n'ont pas d'effet majeur sur les actes de leurs utilisateurs.

Même si elles ne doivent pas être totalement négligées, les raisons classiquement invoquées – notamment le niveau d'exigence supposément plus élevé avec les entreprises qui gèrent notre argent – ne suffisent pas à expliquer la différence de traitement. Il me semble que c'est la relation à ces fournisseurs qui en est la principale responsable : quand les uns sont considérés comme des acteurs centrés sur leurs nombril qui ne se préoccupent pas des attentes de leurs clients, les autres délivrent des services « gratuits », parfaitement ajustés à leurs besoins (qu'ils ont créés, souvent).

Le seul moyen d'inverser ce décalage est de redonner confiance aux consommateurs, ce qui passe par un changement radical de l'image historique de la banque travaillant pour elle-même en une entreprise qui place toujours et sans équivoque le client au centre de son activité. Après seulement, sera-t-il envisageable de proposer des approches innovantes et espérer enfin qu'elle soient acceptées sans suspicion…

AIB Group

vendredi 25 mai 2018

Satanée culture de réduction des coûts !

Deutsche Bank
Les banques font régulièrement état de leur volonté de faire évoluer leur culture d'entreprise et de leur efforts pour instiller l'innovation – voire un « esprit startup » – dans leur ADN. Deutsche Bank fait partie de celles-là. Pourtant, au premier vent contraire, elle ressort immédiatement ses vieilles recettes et sa priorité va à la réduction des coûts.

L'annonce de mauvais résultats pour l'année 2017 a conduit Christian Sewing, son directeur général, à prononcer un discours édifiant, de ce point de vue, lors de l'assemblée générale de la première banque allemande. Il a en effet consacré environ un quart de son temps de parole à décrire une série de mesures de rationalisation, incluant des coupes d'effectifs et de budget conséquentes, tandis que les enjeux de la révolution « digitale » des métiers n'ont eu droit qu'à quelques citations anecdotiques.

Ainsi, évoquer l'introduction de nouveautés (pas toutes récentes) telles que l'agrégation de comptes multi-banques, un robo-conseiller d'investissement ou l'assistant de gestion des finances personnelles FinanzGuru relève plus de l'enrichissement incrémental de l'offre de services aux clients que d'une véritable stratégie de transformation. Seule petite exception à ce triste tableau, l'institution préparerait une plate-forme entièrement nouvelle à destination des jeunes allemands. Hélas, on n'en saura pas plus pour l'instant.

En revanche, quand il est question de maîtrise des coûts, les détails abondent et certains soulèvent de graves questions. Il en est un en particulier sur lequel il vaut de s'arrêter : la promesse de resserrer significativement les dépenses informatiques. Certes, il ne fait aucun doute que les redondances évoquées sont légion et représentent un gaspillage qu'il est nécessaire de combattre. Mais ce constat ne devrait-il pas constituer une opportunité idéale de mettre l'accent sur le besoin de changer les approches historiques et de redistribuer les investissements technologiques ? Non, il faut juste faire des économies.

Mon propos n'est pas ici de contester la pertinence d'une démarche focalisée sur l'efficacité opérationnelle. Cependant, la mettre en avant dans la communication stratégique est une erreur impardonnable pour une organisation qui prétend être engagée dans une profonde mutation : cette dernière doit toujours rester sa préoccupation principale, quelles que soient les circonstances (qui ne peuvent être toujours favorables). Qui croira maintenant – notamment parmi les premiers concernés : ses collaborateurs – que Deutsche Bank veut sincèrement changer de culture d'entreprise ?

La hache de la réduction des coûts…

jeudi 24 mai 2018

Les freelances ont leur assurance à la demande

Verifly
Au fil des ans, s'assurer pour une heure, une journée, un mois… pour un besoin précis est devenu possible dans de nombreux domaines : automobile, objet personnel, voyage… Verifly, qui, jusqu'à maintenant, prenait ainsi en charge les usages de drones de loisir, étend désormais aussi le modèle à la responsabilité civile des indépendants.

Dans tous les secteurs économiques, il est crucial pour les professionnels de disposer d'une couverture appropriée, surtout aux États-Unis où la propension aux procès fait que plus d'une PME sur 3 a déjà été la cible d'une action en justice. Pourtant, beaucoup d'entre eux négligent de souscrire une assurance, pour des raisons de coûts ou, très fréquemment, par répugnance à engager des démarches relativement lourdes et inadaptées à ce qui peut n'être qu'un travail d'appoint, très ponctuel.

Verifly veut donc apporter une réponse directe à ces réticences. Pour ce faire, elle propose une solution à la flexibilité inédite, qui permet à toute personne d'accéder instantanément, depuis une application mobile disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, à un contrat correspondant aussi précisément que possible au contexte de sa mission – selon le type d'activité, le montant maximal d'indemnisation souhaité (1 ou 2 millions de dollars), le lieu, l'heure de démarrage et la durée (1 heure, 1 jour ou 1 mois) désirés…

Verifly General Liability

À partir de 5 dollars pour une heure (le tarif revenant à des niveaux plus « normaux » pour des périodes plus longues), un indépendant peut de la sorte non seulement exercer son métier avec la garantie d'être convenablement protégé mais également offrir à son commanditaire la tranquillité d'esprit que procure l'assurance souscrite. En conséquence, la promesse de valeur de Verifly s'adresse aussi bien aux freelances qu'à leurs clients potentiels, entreprises ou particuliers, qui pourront la recommander, voire l'exiger.

Les conducteurs de VTC (Uber et consorts) ont à leur disposition, depuis quelques années, des assurances automatiquement ajustées à leurs séquences de conduite professionnelle. Or ces modes de travail par missions, sous un statut indépendant, débordent désormais dans toutes les professions et se développent rapidement. Les besoins de l'ensemble de cette génération de travailleurs doivent être pris en compte, de la même manière : ils ne veulent pas se voir imposer une couverture uniforme, avec un engagement à l'année, pour des interventions intermittentes et aux risques différenciés.

mercredi 23 mai 2018

Monzo teste la confiance de ses clients

Monzo
Il est d'usage de considérer que l'un des plus grand défis qu'affrontent les néo-banques et, plus généralement, les startups de la FinTech est de conquérir la confiance de leurs clients potentiels, jusqu'à rivaliser sur ce plan avec les acteurs traditionnels. Mais pourquoi ne pas imaginer, avec la britannique Monzo, faire mieux encore que ces derniers ?

C'est, dans une certaine mesure, ce qu'inspire la dernière idée de la jeune pousse, qui, à l'occasion de la semaine de la sensibilisation à la santé mentale, encourage ses clients concernés par des problèmes de cet ordre, de manière passagère ou permanente, à lui en faire part afin qu'elle puisse en tenir compte dans la relation. Son argument, aussi candide qu'imparable, est qu'elle admet que des personnes affectées méritent une approche compréhensive lorsqu'elles rencontrent des difficultés financières.

En effet, des études montrent par exemple que les patients souffrant de troubles mentaux ont une probabilité beaucoup plus forte que le reste de la population de se trouver en situation de surendettement. Et, dans de nombreux cas, c'est une véritable spirale infernale qui s'installe, les ennuis de santé entraînant les problèmes d'argent et vice-versa. Face à ces risques spécifiques, Monzo estime être en position de mieux accompagner ses clients, en adoptant des mesures concrètes adaptées.

À ce stade, rien n'est encore mis en œuvre et, comme toujours, la startup veut d'abord écouter les avis et les propositions des consommateurs avant de s'engager. Cependant, elle explore déjà quelques pistes telles que, pour ceux qui tombent dans l'achat compulsif, l'ajustement des procédures de recouvrement en cas de défaut de remboursement d'un emprunt (en réduisant les relances ?), la possibilité de ne pas se voir proposer de crédit (ou de simple autorisation de découvert) pour éviter la tentation ou la mise en place de « frictions » (délai d'activation ou autre…) dans la souscription.

La promesse est belle mais, avant d'en profiter, l'utilisateur doit d'abord faire un saut dans le vide en communiquant sa situation à sa banque, sur la foi de la garantie qu'elle lui donne qu'elle ne fera pas un mauvais usage de cette information. Selon une enquête de 2011, les intéressés montrent une forte appréhension et craignent notamment une discrimination dans leurs futures opérations. Ainsi, si Monzo parvient à convaincre ses clients, elle aura indubitablement dépassé ses concurrentes en matière de confiance.

En arrière-plan, cet exemple un peu extrême peut être envisagé comme le pinacle de la banque centrée sur son client. Depuis toujours, toute la démarche de Monzo est focalisée sur la manière dont elle vise à répondre aux besoins réels des consommateurs, et ses produits et services reflètent systématiquement cette ambition. Ce qui paraît invraisemblable de la part d'une banque classique devient alors crédible et la confiance qui en découlera sera bien plus solide qu'elle n'a jamais été dans le secteur.

Monzo – The Bank of the Future

mardi 22 mai 2018

Réseau social des dépenses, un revenant

Vota
Dans la série des résurgences de concepts abandonnés, voici que réapparaît aujourd'hui la tentation ancienne de transformer l'historique des dépenses en support d'interactions sociales. Cette renaissance est signée d'une jeune pousse américaine, Vota, qui y voit un moyen de différencier sa solution de gestion de finances personnelles.

Rappelez-vous. Vers 2009, la croissance fulgurante des réseaux sociaux entraînait avec elle une déferlante de nouveaux services reprenant leurs codes et les adaptant à toutes sortes de contextes. Après le lancement et les débuts tonitruants de Foursquare, permettant de découvrir et partager des lieux avec ses amis, ont rapidement émergé des déclinaisons capitalisant sur les transactions par carte : le simple fait de payer dans un commerce devenait une opportunité d'engager une conversation avec ses proches.

Entre Blippy et Swipely, deux exemples de ces pionniers disparus depuis longtemps, American Express osait aussi un temps l'aventure, avec Foursquare, justement… A priori, tous ces échecs ont une explication commune : les consommateurs n'étaient pas très enclins à étaler leurs dépenses quotidiennes sur un réseau social. Quelques années plus tard, Vota parviendra-t-elle à faire mieux ? Quels arguments ses fondateurs – qui ne peuvent ignorer ces précédents – ont-ils donc à faire valoir pour le croire ?

En premier lieu, il existe toujours un espoir que, en reprenant maintenant une idée qui, à l'époque, était peut-être trop en avance sur son temps, sa cible potentielle ait depuis atteint la maturité nécessaire pour l'accepter et l'adopter. Par ailleurs, Vota a intégré la leçon des réticences – y compris de la part des populations les plus jeunes – à partager trop d'informations personnelles. En conséquence, elle a fait quelques concessions sur le partage, en évitant de communiquer les montants des achats, par exemple.

Vota

Ainsi, le résultat n'est pas un réseau social de l'argent mais un espace convivial d'échange autour d'expériences de la vie courante du consommateur. Et, surtout, cet aspect n'est pas une fin en soi : il n'est en réalité qu'un prétexte. L'application de Vota est avant tout une plate-forme de gestion de finances personnelles, qui aide notamment ses utilisateurs à détecter les fraudes ou les dépenses inutiles sur leur compte. Dans ce contexte, les conversations avec les amis sont un plus, à la fois pour capter l'attention face à la concurrence et pour stimuler l'engagement des clients dans la durée.

Comme le retour du paiement par « bump » que j'abordais il y a peu, cette initiative laisse entrevoir le possible avènement d'une deuxième ère de l'innovation dans le secteur financier, dans laquelle la fascination aveugle de certains acteurs pour les technologies ou les modèles à la mode (qui les conduisait à concevoir des solutions sans valeur pratique pour leurs utilisateurs) laisse définitivement place à un usage raisonné des outils au service de la satisfaction d'un besoin, sans le surestimer. Il reste toutefois du chemin à parcourir tant les dérives semblent s'incruster dans certains domaines en vogue…

lundi 21 mai 2018

L'attraction du micro-investissement

Acorns
Quand une vénérable institution financière telle que BlackRock conclut un partenariat – assorti d'une entrée à son capital, à hauteur de 50 millions de dollars – avec la jeune pousse du micro-investissement Acorns, il est intéressant de s'interroger sur ses motivations profondes. Selon toute vraisemblance, la réponse tient en un mot : apprendre.

Bien sûr, le concept même de la startup repose sur une approche pédagogique, puisqu'il s'agit d'aider les novices à appréhender les bénéfices d'une épargne régulière, même minime, en leur proposant de verser les centimes de monnaie de leurs dépenses courantes dans un portefeuille d'investissement (ou un plan retraite, grâce au nouveau produit Acorns Later). Avec plus de 3 millions de comptes ouverts depuis la création de l'entreprise en 2012, la méthode semble convaincre les consommateurs américains.

Cependant, une telle popularité ne se traduit en un modèle économique viable qu'à la condition que ces utilisateurs, une fois sensibilisés et formés aux principes financiers de base, se transforment en investisseurs « classiques », soucieux de développer leur épargne de manière plus autonome et plus conséquente. L'ambition d'Acorns est donc de capter en amont des clients rentables de demain, d'autant que sa cible se trouve principalement chez les jeunes, avant qu'ils n'atteignent leur plein potentiel de revenus.

Acorns sur mobile

Or, c'est évidemment sur ce terrain que les acteurs historiques sont les plus vulnérables et, visiblement, BlackRock le comprend parfaitement. D'une part, ils courent un vrai risque que les millions de personnes habituées à investir avec Acorns (ou ses consœurs) se détournent d'eux. D'autre part, plus subtilement et plus généralement, commence à s'insinuer une prise de conscience que les startups technologiques accompagnent, voire stimulent et propagent, des nouveaux comportements d'épargne, qu'il doivent impérativement prendre en compte pour rester pertinents à l'avenir.

Face à cette double menace, le rapprochement opéré par BlackRock répond ainsi au besoin émergent de comprendre comment veulent investir ses futurs clients, afin de mettre en place les conditions – différentes de celles qu'elle connaissait jusqu'alors – qui lui permettront de continuer à les attirer. Dans sa démarche, l'institution profite du fait que la stratégie au long cours d'Acorns consomme du capital, qu'elle est à même de fournir. Ses concurrentes qui hésiteront trop n'auront pas toujours cette chance…

dimanche 20 mai 2018

L'avenir de la banque passe par la visiophonie

ABN AMRO
La baisse de fréquentation des agences bancaires n'est pas nécessairement synonyme d'un moindre besoin de conseil de la part des consommateurs. Aussi ABN AMRO propose-t-elle à ses clients d'échanger avec ses spécialistes en visiophonie, afin de bénéficier du meilleur service depuis le confort de leur domicile ou de leur bureau.

Depuis plusieurs années, grâce à une démarche pro-active de leurs institutions financières, les Pays-Bas agissent, au cœur de l'Europe, comme un révélateur avancé des tendances inéluctables qui affectent les réseaux bancaires. Le mouvement de réduction drastique de leur empreinte physique, qui a déjà vu le nombre d'agences divisé par deux dans le pays entre 2004 et 2014, se poursuit aujourd'hui et conduit certains analystes à prédire leur quasi-disparition d'ici une dizaine d'années.

Pour autant, les banques sont conscientes que leurs clients ne dédaignent pas les bénéfices d'un accompagnement de proximité, notamment quand ils désirent réaliser des opérations importantes : ils ne veulent simplement plus s'embarrasser des contraintes que leur impose leur fournisseur, déplacement dans ses locaux, horaires limités… Elles doivent donc proposer des solutions capables de maintenir la même qualité de service tout en apportant la commodité qui devient maintenant la norme universelle.

Visio-banque ABN AMRO

Parmi les options disponibles, la visiophonie semble être la plus pertinente pour répondre aux nouvelles exigences des consommateurs. ABN AMRO essaie ainsi d'en faire le mode de contact privilégié avec ses conseillers, en particulier sur les sujets de crédit hypothécaire, d'épargne retraite et d'investissement. La transition est en bonne voie puisque ses clients retiennent ce choix pour un tiers de leurs demandes de rendez-vous, un taux qui dépasse même 60% quand il s'agit de parler de prêt immobilier.

Si la banque comptabilise actuellement 1 200 conversations vidéo chaque semaine, elle affirme son ambition d'atteindre le seuil des 3 000 avant la fin de l'année. Dans cette perspective, elle est déterminée à s'engager, entre autres, dans la généralisation de ce mode d'interaction parmi ses collaborateurs. À moyen terme, tous ses conseillers devront en effet être en mesure de mener leurs entretiens en visiophonie.

Indépendamment de toute considération vis-à-vis de leur « digitalisation », le besoin de conseil restera toujours une priorité pour les institutions financières et, au moins dans un avenir proche et pour une proportion significative de la population, il continuera à mieux se cristalliser à travers un contact humain. Mais, dans le même temps, il doit aussi s'adapter aux nouvelles habitudes et préférences des intéressés, qui s'avèrent de moins en moins compatibles avec le modèle historique de l'agence bancaire…

Campagne Beeldbankieren par ABN AMRO

samedi 19 mai 2018

BBVA accompagne l'achat immobilier

BBVA Valora View
Pour toutes les banques du monde, l'achat immobilier représente un terrain idéal sur lequel peuvent se matérialiser les stratégies « digitales » qui définiront bientôt l'ensemble de leurs métiers. BBVA est logiquement une des premières en Europe à s'y aventurer concrètement, avec une vision de service étendu, au-delà du seul financement.

Son application mobile dédiée, baptisée « Valora View » et accessible à tous les consommateurs, clients ou non de la banque, attire immédiatement l'attention avec son module de recherche des propriétés disponibles à la vente ou à la location en réalité augmentée, conçu en collaboration avec Idealista, le leader des petites annonces immobilières en Espagne. Il suffit de pointer la caméra de son téléphone autour de soi pour y repérer les offres en cours. Mais c'est là la moindre de ses qualités.

La solution propose en effet de répondre à une multitude de questions que se pose toute personne à la recherche de son futur logement. À commencer par le choix entre achat et location, dès le début de la prospection : à partir de sources d'information diverses (cadastre, registre des ventes, historique de transactions…), l'outil est, par exemple, capable d'estimer les coûts respectifs des deux options dans un quartier donné et de recommander la plus économique, selon la durée prévisible de résidence.

En outre, parce que l'emménagement dans une nouvelle demeure peut induire des frais complémentaires, les évaluations fournies prennent en compte les circonstances de la vie réelle. Il est notamment possible de calculer une projection des dépenses d'électricité, d'eau et de chauffage ou encore de l'entretien et des charges à prévoir pour la propriété envisagée. Si nécessaire, l'application est même capable d'intégrer des coûts de rénovation, de réfection d'une cuisine, de remplacement des équipements…

Présentation de BBVA Valora View

Naturellement, tous ces facteurs sont mis dans la balance au moment où l'utilisateur est invité à simuler le crédit hypothécaire qui lui permettra de réaliser son rêve (s'il vise une acquisition) ainsi que le coût de l'assurance habitation correspondante. Autre élément important de cette démarche, le service d'évaluation peut évidemment être aussi mis en œuvre pour valoriser, dans son apport personnel, le bien que possède déjà l'acheteur, le cas échéant. En résumé, tout ce qui compte pour prendre une décision est inclus.

La création d'une application mobile pour la recherche immobilière n'est pas le résultat d'un caprice de BBVA : la plate-forme « Valora », déployée depuis quelques temps afin d'offrir une partie des mêmes services sur le web, rencontre un succès considérable en itinérance : sur les 730 000 simulations qu'elle a enregistrées depuis son lancement, 5 fois plus sont initiées depuis un téléphone que depuis un PC (ce qui n'est pas surprenant pour une banque qui pense atteindre un taux de 50% de clients mobiles en 2019).

Cependant, plus qu'un reflet de l'évolution des canaux d'interaction, « Valora View » est avant tout la démonstration d'une réponse optimale au besoin profond des consommateurs d'être accompagnés dans les moments importants de leur vie, dont la recherche d'un logement est certainement le plus emblématique. Le produit financier n'en est qu'une composante parmi d'autres, certes essentielle, qui doit se fondre dans une expérience utilisateur transparente, sans rupture, masquant toute complexité.

vendredi 18 mai 2018

La banque ouverte facilite l'accès au crédit

Communiqué de presse Equifax
Si la gestion de finances personnelles a largement contribué au mouvement vers l'ouverture des données bancaires, il semblerait que la prochaine application en vogue de l'« open banking » se trouvera dans la qualification des demandes de crédit. HSBC est une des premières institutions à profiter de cette opportunité, au Royaume-Uni.

Plusieurs startups dans le monde (Lenddo, Kreditech…) ont conçu depuis longtemps des méthodes alternatives d'évaluation de la fiabilité des emprunteurs reposant sur des sources d'information diverses, telles que les réseaux sociaux ou les sites de commerce en ligne. Aujourd'hui, l'ouverture de l'accès aux comptes imposée par les réglementations émergentes (dont la DSP2 en Europe) offre une solution idéale pour répliquer ce modèle aux établissements réfractaires à l'adoption de tels systèmes.

Ainsi, HSBC retient sans états d'âme la plate-forme InterConnect d'Equifax : elle provient d'un partenaire de longue date des banques et son mode de fonctionnement ne pose aucun problème de légitimité dans les parcours client qu'elle veut mettre en place. En effet, quand l'utilisateur sollicite un crédit, il lui est simplement proposé d'autoriser une analyse de l'historique de ses transactions sur son compte principal, avec la promesse d'une réponse immédiate (contre quelques jours avec une approche classique).

Communiqué de presse Equifax

Outre la possibilité d'accélérer les prises de décision, la solution présente un autre avantage, en permettant de qualifier les consommateurs qui n'ont pas suffisamment d'antécédent de crédit pour obtenir un score fiable, puisqu'il leur suffit d'utiliser régulièrement un compte courant ou une carte de paiement pour que les algorithmes d'Equifax puissent remplir leur rôle. Notons au passage que, pour la banque, l'intégration est facilitée par une mise en œuvre similaire à celle des services de notation habituels.

Introduisons toutefois ici une petite réserve sur l'initiative. Bien qu'il soit probable que les demandeurs n'aient pas de réticences majeures à confier l'accès à leurs données financières à une banque (même différente), qu'en serait-il s'ils étaient informés que l'entité qui exploite cette information est, en réalité, une entreprise qui a récemment défrayé la chronique après avoir établi un record en matière de fuites de données, affectant 145 millions de personnes (dont une partie en Angleterre) ?

La démarche de HSBC est encore loin d'être industrielle (en l'occurrence, Equifax s'appuie elle-même sur les outils de sociétés tierces pour accéder aux comptes), mais elle démontre que les bénéfices de l'« open banking » ne sont pas réservés aux startups. Les banques peuvent déjà en tirer parti pour optimiser certains de leurs processus existants (comme l'a fait aussi ING sur le crédit aux PME) et il ne tient qu'à elles d'imaginer et développer de nouveaux services, en capitalisant sur la confiance dont elles jouissent auprès de leur clientèle pour prendre de vitesse leurs concurrentes.

jeudi 17 mai 2018

Fidelity crée un conseiller en réalité virtuelle

Fidelity Labs
Alors qu'elle tarde à se démocratiser auprès du grand public, la réalité virtuelle continue à fasciner le spécialiste américain de l'investissement Fidelity. La dernière expérimentation en date de sa structure d'innovation offre une vision de plus en plus convaincante de ce que pourrait être un conseiller personnalisé en environnement immersif.

La firme n'en est pas à sa première incursion dans ce domaine – on se souvient de son application pour Oculus Rift en 2016, rapidement suivie d'une solution pour la gestion de l'épargne salariale, ou encore de ses explorations autour de la formation professionnelle. Sa véritable passion pour la réalité virtuelle et sa propension à s'emparer rapidement des technologies émergentes et à les implémenter sur des cas d'usage concrets en fait un poisson pilote du secteur financier qu'il est toujours intéressant d'observer.

Sa nouvelle initiative est une parfaite illustration de ce positionnement en pointe, puisqu'elle coïncide avec le lancement officiel de la plate-forme Amazon Sumerian dont elle constitue une des réalisations phares. Cependant les équipes des Fidelity Labs ne se contentent pas d'une mise en œuvre basique du système de création d'expérience en réalité virtuelle et augmentée et elles profitent de cette opportunité pour repousser les limites de leur horizon, en intégrant cette fois une interface vocale au dispositif.

Cora, assistante en réalité virtuelle de Fidelity

Concrètement, l'utilisateur de ce qui n'est pour l'instant qu'un prototype est plongé dans une salle de trading tridimensionnelle, dans laquelle il est accueilli et accompagné par Cora, son hôtesse personnelle. Il peut alors non seulement évoluer à son gré dans l'espace virtuel mais également dialoguer avec elle, en posant oralement des questions en langage naturel auxquelles elle répond avec une voix synthétique, afin d'obtenir des informations sur des entreprises cotées (évolution du cours, performances…).

En tant que telle, l'application proposée n'a rien de renversant, mais ce n'est pas son but. L'objectif des Fidelity Labs est avant tout de faire une démonstration pratique du potentiel de la technologie. Celui-ci étant brillamment établi, l'étape suivante pourrait consister à développer des cas d'usages pertinents pour l'entreprise et ses clients. Et il ne faut pas beaucoup d'imagination pour commencer à rêver à des scénarios dans lesquels Cora devient un conseiller financier individuel, omniscient, toujours disponible…

En comparaison des autres supports susceptibles de remplir le même office (app mobile, chatbot…), la promesse de la réalité virtuelle avec avatar est d'offrir une expérience familière et intuitive, rassurante et, idéalement, à terme, empathique. Mieux que toute autre, elle est capable de reproduire un modèle d'interaction humaine, en face à face, fortement valorisé dans les relations de confiance de la banque mais qui tend à disparaître rapidement en raison des contraintes qu'il impose. La prochaine question que devra aborder Fidelity est celle de l'acceptation de cette imitation par ses clients…

mercredi 16 mai 2018

Lemonade crée une police d'assurance digitale

Lemonade
Lemonade a déjà rompu avec les habitudes du monde de l'assurance sur plusieurs plans – modèle économique, changement à la demande, intégration par API… – mais, jusqu'à maintenant, elle s'était résignée à rédiger une police aussi illisible et incompréhensible que celle de ses concurrentes. Ce bastion historique devrait bientôt succomber.

Daniel Schreiber, PDG et cofondateur de la startup avoue avoir lui-même des difficultés à comprendre les clauses du contrat locataire qu'il propose à ses clients, bien qu'il considère maîtriser la langue anglaise et qu'il soit plutôt familier du secteur. Et, quand il décortique le document de 40 pages, avec son vocabulaire ésotérique, ses définitions alambiquées, ses exceptions à n'en plus finir…, il perçoit parfaitement pourquoi l'assuré se sent perdu, finit par abandonner la lecture… et se sent floué au moindre incident.

Il explique aussi que cette prise de conscience date du début de l'aventure de Lemonade, dont l'ambition consistait à la fois à transformer le fonctionnement de l'assurance et à la rendre plus transparente pour ses utilisateurs. À l'époque, l'équipe avait toutefois estimé qu'il serait présomptueux de s'attaquer simultanément aux deux problèmes, avec le risque de s'épuiser prématurément à convaincre les réassureurs et les régulateurs du bien-fondé d'une démarche de redéfinition totale de la police « standard ».

Quelques 18 mois plus tard, le sujet est enfin prêt à être remis sur le tapis et la jeune pousse l'aborde (évidemment) sur un mode original, en publiant sous licence libre une première version de sa « police 2.0 », entièrement ré-écrite. Elle n'est pas encore prête à être déployée, ne serait-ce que parce qu'elle doit être approuvée par les autorités (avec lesquelles Lemonade a cependant collaboré pour son élaboration). Mais, auparavant, ses concepteurs désirent faire participer le public à sa mise au point finale.

Police d'assurance 2.0 de Lemonade

L'objectif recherché avec cette initiative se décline dans 4 directions. La recherche de simplicité est naturellement une priorité absolue, qui doit se traduire notamment par une réduction drastique du nombre d'exclusions et d'exceptions, dont il faut malheureusement conserver celles qui permettent d'éviter un coût rédhibitoire. Vient ensuite une exigence de lisibilité, qui passe par l'usage d'une langue claire et abordable, employant un vocabulaire courant. S'ajoute un filtre de pertinence, qui va, par exemple, conduire à ne plus citer les risques volcaniques, trop rares pour mériter plusieurs paragraphes.

Enfin, en 2018, il paraît inconcevable qu'un contrat soit un document « mort » (qu'il soit imprimé ou non). La « police 2.0 » exprime donc tout son potentiel sous forme numérique, en offrant la capacité au client de modifier les conditions en contexte : un clic sur le niveau de couverture des biens mobiliers ou sur le montant de la franchise et il devient possible de les changer, instantanément. De la même manière, certaines exclusions peuvent faire l'objet d'options, accessibles directement depuis le texte.

Le résultat est, pour l'instant, une ébauche de 2271 mots (contre presque 20 000 actuellement), qui se lisent en 10 minutes (et non les 75 minutes que perdrait celui qui aurait l'idée saugrenue de parcourir sa police aujourd'hui), comprenant 11 clauses d'exceptions (soit une division par 20). Et parce que la cible n'est pas de rendre l'existant compréhensible mais de le remplacer, le cœur de métier est bouleversé, avec des impacts à valider sur les clients, l'actuariat, la valeur juridique du texte, la conformité…

À l'ère « digitale », il n'est plus concevable d'espérer forger une relation de confiance avec un consommateur en lui imposant 40 pages de conditions contractuelles dont tout le monde sait qu'elles ne sont ni lues ni comprises. La tradition obsolète des polices rédigées par et pour des juristes doit impérativement laisser place à une approche centrée sur le client. Les grandes compagnies seraient inspirées de relever aussi ce défi. Pourquoi ne pas rejoindre, dans ce but, l'initiative ouverte de Lemonade (qui, incidemment, devrait s'étendre à d'autres langues, pays et lignes métier) ?

mardi 15 mai 2018

Quelle vision pour une banque en 2018 ?

DBS Bank
Engagée depuis longtemps dans une démarche qui vise à la rendre « invisible », la singapourienne DBS fait désormais de ce credo la base de sa promesse aux clients, à travers son nouveau slogan « live more, bank less » (vivez plus, perdez moins de temps avec la banque). C'est une vision radicale pour la banque du XXIème siècle qu'elle exprime avec ce message, aux antipodes des standards du secteur.

Au cœur de son projet, DBS constate comme toutes ses consœurs dans le monde que les consommateurs – et cela est vrai aussi pour les responsables d'entreprises – sont de plus en plus friands de services financiers sur leur téléphone mobile. Mais elle ne s'arrête pas à cette observation brute, estimant qu'elle est avant tout le reflet d'une impatience permanente et, plus profondément encore, d'une demande implicite de relation bancaire réinventée, toujours présente et attentive sans jamais devenir importune.

Résumée par son accroche percutante, l'ambition de DBS se décline alors sur 3 axes complémentaires. L'invisibilité, d'abord, concrétise l'idée que les produits et services qu'offre la banque sont immergés dans les parcours de la vie quotidienne, sans aucune rupture et en requérant le minimum d'efforts de la part de l'utilisateur. Vient ensuite la capacité à détecter et révéler les opportunités qui se présentent au client, selon ses attentes, ses préférences, son environnement… Enfin, le tout est enrichi d'une dimension sociale, mixant inspiration des comportements et accompagnement des initiatives.

You bank to live, not live to bank.

Naturellement, la démarche de DBS laisse imaginer qu'elle place la priorité sur les canaux numériques, au détriment des agences. Il n'est cependant pas explicitement question de ce choix (sauf à propos de ses implantations en Inde et en Indonésie, où son modèle est exclusivement mobile). Et pour cause : elle considère que les clients sont beaucoup plus préoccupés de voir leurs besoins satisfaits que par les modes de contact mis à leur disposition. En d'autres termes, la banque communique sur ce qu'elle apporte à ses clients plutôt que sur la manière dont elle s'organise dans ce but…

La leçon mérite d'être suivie dans les établissements qui, pour se défendre face à leurs concurrentes 100% en ligne, persistent à mettre en avant leur réseau physique. Surtout, derrière les discours, c'est une autre approche de la stratégie qui se dessine, basée sur un décryptage des attentes des clients et la mise en œuvre de tout ce qui permet d'y répondre, quels qu'en soient les impacts sur l'existant, et non sur les moyens d'intégrer, parfois de force, les nouveaux usages au sein des systèmes et des processus en place.

lundi 14 mai 2018

Moonshot accélère l'indemnisation avec Lydia

Lydia
Jean-Laurent Granier, PDG de Generali France, rappelait récemment qu'un défi majeur de l'assurance aujourd'hui est l'exigence de « temps réel » qu'expriment ses clients. La jeune pousse Moonshot-Internet repousse les limites en la matière en proposant une indemnisation réellement instantanée, grâce à une collaboration avec Lydia.

C'est logiquement dans le domaine du voyage que la startup met en œuvre cette nouvelle initiative, puisque les produits qu'elle propose aux professionnels du secteur sont automatisés et se prêtent donc particulièrement à l'accélération du traitement des sinistres. Sa garantie contre les retards de vol, notamment, profitera de cette amélioration : la réalisation du risque, détectée via une connexion aux données de trafic aérien, déclenche la procédure de dédommagement dès l'atterrissage du voyageur.

Dans le cas où ce dernier est reconnu comme client de Lydia, le règlement correspondant est effectué immédiatement dans son porte-monnaie mobile, identifié par son adresse de messagerie ou son numéro de téléphone mobile. Jamais l'indemnisation n'avait été aussi rapide et simple, ne demandant aucune action de la part de l'assuré. Pour les autres utilisateurs, un virement classique est réalisé mais il requiert au préalable de transmette un IBAN, par SMS, et les délais usuels, entre 2 et 3 jours ouvrés, s'appliquent.

Collaboration Lydia – Moonshot-Internet

L'enjeu du paiement instantané peut paraître limité, voire ridicule, dans les compagnies d'assurance. Pourtant, la réactivité devient un impératif incontournable pour les consommateurs et la moindre rupture dans l'expérience – et plus encore dans les situations de stress que constituent les sinistres – est immédiatement perçue comme une faiblesse. Heureusement, un acteur tel que Lydia permet d'y remédier, avec l'avantage supplémentaire d'être populaire parmi les jeunes, qui sont aussi les moins patients.

La solution de Moonshot-Internet joue également sur un autre registre des attentes vis-à-vis de l'assurance « digitale » : l'effacement de ses sordides détails opérationnels au sein d'un parcours totalement fluide et transparent. Ne plus avoir à se soucier de réclamer le remboursement dû est une première étape. Mais il n'est alors pas très cohérent de se voir demander un IBAN afin de finaliser l'opération. Elle doit donc nécessairement s'accompagner d'une même « invisibilité » pour les modalités de règlement…

dimanche 13 mai 2018

Un PFM à base de comparaison sociale

Status Money
Parmi les participants à l'édition 2018 de FinovateSpring, une jeune pousse retient plus particulièrement mon attention. Si Status Money est un des innombrables acteurs de la gestion de finances personnelles (PFM), il aborde sa mission de conseil aux consommateurs par l'angle peu commun de la comparaison et de l'émulation entre pairs.

L'idée n'est pourtant pas nouvelle. Elle constituait même l'une des plus brillantes innovations apportées par la première solution de PFM de l'ère moderne (Wesabe) et elle refait régulièrement surface au fil des ans (par exemple avec « PeopleLikeU » de UBank, en Australie). Aujourd'hui, elle est naturellement vouée à faire un retour en force car elle a le potentiel de contribuer à aider les utilisateurs à améliorer leur comportement financier, ce qui s'affirme comme une priorité dans cette catégorie de services.

En pratique, la plate-forme de Status Money repose sur un socle de gestion de finances personnelles classique : l'internaute connecte ses comptes bancaires et dispose de la sorte d'une vue à 360° de sa situation, augmentée par une catégorisation automatique des transactions (auto-apprenante), une capacité de prédiction de ses dépenses futures, une fonction de création et de suivi de budget… Elle intègre même une surveillance du score de crédit et des alertes en cas de soupçon d'usurpation d'identité.

Plus intéressant, grâce à l'accumulation des données de ses utilisateurs, la startup peut proposer à chacun d'entre eux de comparer ses habitudes avec celles de ses semblables (agrégées et anonymisées, bien entendu), selon différents axes. Les dépenses moyennes dans chaque catégorie, le niveau d'endettement, les taux d'intérêts appliqués… autant de facteurs qui peuvent être mis en regard du reste de la population au statut similaire (par classe d'âge, revenus, lieu de résidence, score de crédit…).

Status Money

En un coup d'œil, le consommateur peut ainsi déterminer qu'il va un peu trop souvent au restaurant (aussi bien sur son budget réel que sur les prédictions de ses futures sorties) ou que son endettement est légèrement hors norme et ajuster son budget prévisionnel en conséquence en quelques clics (s'il le souhaite). Dans certains cas, il pourra également obtenir des recommandations concrètes (par exemple négocier des conditions plus avantageuses sur sa carte de crédit, en ligne avec la norme de ses pairs).

Depuis toujours, le raisonnement qui justifie une telle approche est fondé sur un principe de motivation par la pression sociale : connaissant le comportement de ses homologues, l'individu est incité à s'y conformer, presque instinctivement. Les études d'ING en la matière, que je rapportais l'année dernière, tendait à le confirmer. Une équipe de chercheurs américains a pu le vérifier sur un échantillon de 6 000 clients de Status Money : ceux qui dépassent la moyenne réduisent leurs dépenses de 23% (principalement sur les catégories non essentielles, bien évidemment) !

Les usages des données financières dans le but de mieux conseiller les consommateurs recèlent une infinité d'opportunités. Or les banques, parce qu'elles en sont les dépositaires de confiance historiques, sont les mieux placées pour les exploiter, avec, généralement, l'assentiment de leurs clients dès qu'ils perçoivent la valeur qu'ils obtiennent en retour. Cependant, si elles persistent à les ignorer, il est heureux que les réglementations favorisant l'ouverture permette à d'autres acteurs de s'en emparer…

samedi 12 mai 2018

La carte Apple Pay ne sera pas une révolution

Apple Pay
En révélant cette semaine le plan présumé d'Apple de lancer une carte de crédit à son nom, en collaboration avec Goldman Sachs, le Wall Street Journal a relancé les spéculations passionnées sur l'irruption des géants du web dans le secteur financier. À mon avis, il ne faut pourtant pas attendre grand chose de cette initiative somme toute banale…

Selon les informations du quotidien, la marque à la pomme remplacerait donc dès le début de l'année prochaine son partenariat actuel avec Barclaycard par une carte aux couleurs d'Apple Pay. Le changement s'accompagnerait également d'une évolution des objectifs associés. En effet, il ne serait désormais plus question de soutenir les ventes de matériel (avec une offre de crédit gratuit) mais plutôt de développer les revenus des services qui figurent au cœur de la nouvelle stratégie d'Apple.

Or, pour ce faire, il semblerait que le constructeur n'ait pas d'idée très originale. Comme des centaines de distributeurs avant lui, il se contenterait de proposer à ses clients une carte de crédit classique, assortie des promotions auxquelles les consommateurs américains sont habitués avec ce type de solution, lui permettant de générer des commissions sur l'acquisition de porteurs (auprès de l'émetteur) et sur leurs achats. Aucune innovation à ce stade, ce modèle existe depuis des décennies.

La seule véritable particularité du projet réside dans le choix du partenaire financier. Car, face aux leaders J.P. Morgan Chase et Citi, Goldman Sachs est totalement néophyte dans le domaine des cartes de crédit et même, plus généralement, novice dans la banque de détail (sa première incursion – Marcus – date seulement de 2016). L'avantage pour Apple est probablement de pouvoir mieux valoriser sa renommée et la fidélité de sa clientèle et ainsi obtenir des conditions financières plus favorables.

Carte de crédit Apple Pay

En prenant du recul, on réalise que les deux sociétés agissent de manière purement défensive. D'un côté, Goldman Sachs est à la recherche des moyens de compenser le ralentissement de ses activités de trading depuis la crise de 2008. De l'autre, Apple tente de se réinventer face à l'apathie qui touche le marché des smartphones et autres appareils électroniques et aux résultats décevants d'Apple Pay – dont l'adoption plafonne, au moins aux États-Unis. Cette position n'est pas idéale pour la créativité.

En ce qui concerne Apple, il me semble que la difficulté est double. Son ambition de progresser sur les services demande une transformation radicale de son ADN, qui a toujours été axé sur le matériel, directement ou non. À ce formidable défi, le constructeur s'est lui-même fixé une contrainte supplémentaire, de ne pas chercher à exploiter commercialement les données personnelles de ses clients. Aussi louable soit cette décision, elle limite considérablement les possibilités de changer la donne.

En conséquence, l'intrusion d'Apple dans l'univers bancaire, telle qu'elle se dessine aujourd'hui, n'annonce rien de la révolution que désirent certains (les amateurs de rupture) et que craignent d'autres (les dirigeants d'institutions financières). Elle s'inscrit au contraire dans une démarche assez conventionnelle dans la distribution. A priori, il vaudra donc mieux continuer à compter sur Amazon pour faire bouger les lignes…

vendredi 11 mai 2018

Le micro-crédit attire l'industrie traditionnelle

Mastercard
Adoptant une démarche qui rappelle celle qu'Amazon a lancée il y a quelques années à destination des PME, Mastercard et Unilever unissent leurs forces afin de concevoir des solutions de micro-crédit dans les pays émergents et contribuer ainsi au développement du petit commerce qui en constitue le poumon économique.

Lancée d'abord au Kenya, qui devient progressivement le tremplin incontournable de l'innovation financière africaine, l'initiative part d'un constat simple et universel : les entrepreneurs dont l'activité repose exclusivement sur leur trésorerie sont limités non seulement dans leur potentiel de croissance mais également dans leur capacité à servir leur clientèle. Or ils ont difficilement accès au crédit via les circuits traditionnels, faute d'historique bancaire et d'instruments efficaces de mesure de leur fiabilité.

L'ambition de Mastercard et d'Unilever est donc de pouvoir permettre à ces personnes d'emprunter les sommes, généralement modestes, qui leur sont nécessaires pour approvisionner leurs boutiques en fonction des besoins de leurs clients – qu'ils connaissent parfaitement grâce à leur immersion profonde dans leur écosystème – et non plus seulement en fonction des fonds dont ils disposent au moment de passer commande. Une nouvelle approche de l'éligibilité au crédit rend cette hypothèse possible.

Le dispositif combine les informations dont dispose le fournisseur de produits – c'est-à-dire l'historique de sa relation commerciale avec les commerçants (achats, règlements, litiges…) – avec l'expertise du réseau de paiement en matière d'analyse de données. Le résultat prend la forme d'une recommandation d'attribution de prêt auprès d'une banque locale (Kenya Commercial Bank – KCB). Celle-ci peut alors offrir une ligne de micro-crédit au demandeur, assise sur une solution de paiement électronique Mastercard.

Mastercard + Unilever

Les premiers participants au programme, parmi quelques 5 000 candidats en cours d'enrôlement dans l'agglomération de Nairobi, semblent confirmer son efficacité puisqu'ils affichent une croissance moyenne de 20% de leurs achats chez Unilever. Cet indicateur m'incite cependant à émettre une réserve : en dépit de son engagement affirmé en faveur de l'inclusion financière, l'industriel poursuit un but commercial susceptible de créer un conflit d'intérêt. Et il n'est pas certain que l'accompagnement pédagogique de Mastercard (qui n'est pas exempte du même défaut) suffise à lever les doutes.

Si ces risques sont contrôlés, la démarche aura incontestablement un effet de déverrouillage dans le cercle vicieux du sous-développement par manque d'infrastructures financières. Et la dimension de ses initiateurs, outre qu'elle est un facteur de sa faisabilité (en raison de la masse de données qu'ils accumulent), présente aussi l'avantage de lui donner immédiatement un poids significatif, capable de faire évoluer la situation globalement. Elle pourra également contribuer à convaincre d'autres acteurs (fournisseurs et institutions financières) de les rejoindre. L'appel est lancé.